devoir

devoir
devoir 1.
(de-voir), je dois, tu dois, il doit, nous devons, vous devez, ils doivent ; je devais ; je dus ; je devrai ; je devrais ; que je doive, que tu doives, qu'il doive, que nous devions, que vous deviez, qu'ils doivent ; que je dusse ; devant, , due, v. a.
   Avoir à payer une somme d'argent, ou à fournir toute autre valeur. Il doit plus qu'il ne possède. Devoir de l'argent, plusieurs journées de travail.
   Je dois quatre cents francs à mon marchand de vin, Un fripon qui demeure au cabaret voisin, REGNARD le Légat. IV, 6.
   Devoir plus d'argent qu'on n'est gros, être très endetté.
   Devoir du retour, devoir quelque argent en sus, après avoir fait un troc ; et fig.
   Et d'autant que l'honneur m'est plus cher que la vie, D'autant plus maintenant je te dois de retour, CORN. Cid, III, 6.
   Absolument. Il doit de tous côtés.
   Brid'oison : Mais si tu dois et que tu ne payes pas...? - Figaro : Alors, monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas, BEAUMARCHAIS Mariage, III, 13.
   Devoir à Dieu et à diable, à Dieu et au monde, au tiers et au quart, devoir de l'argent à un très grand nombre de personnes.
   Fig. Devoir tribut, être obligé de se conformer à.
   Aux usages reçus il faut qu'on s'accommode ; Une femme surtout doit tribut à la mode, BOILEAU Sat. X..
   Fig. et familièrement. Il m'en doit, ou je lui en dois, il m'a offensé et je m'en vengerai.
   C'était moi ; je t'en devais, il y a bien longtemps, BARON Homme à bonnes fort. V, 8.
   N'en devoir rien, n'en devoir guère, ne pas céder à, ne pas être inférieur.
   Sans répandre leur sang comme Pyrame et Thisbé, ils ne leur en durent guère en tendresse impétueuse, SCARRON Rom. com. II, ch. 19.
   Si votre majesté Est curieuse de beauté, Qu'elle fasse venir mon frère : Aux plus charmants il n'en doit guère, LA FONT. Joc..
   J'ai vu les beautés de la Seine, ses bords n'en doivent rien à ceux de la Loire, SÉV. 547.
   Ironiquement. Il ne lui en doit guère, il ne vaut pas mieux que lui.
   D'Arlincourt est venu à la cour et a dit : Voilà mon Solitaire et mes autres romans qui n'en doivent guère au Christianisme de Chateaubriand, P. L. COUR. II, 261.
   Ils ne s'en doivent guère, se dit de gens qui ont des torts réciproques ou qui ne valent pas mieux l'un que l'autre en certaines choses.
   ....Je crois, à parler à sentiments ouverts, Que nous ne nous en devons guères, MOL. Amph. Prologue..
   Thésée : Ne parlons plus d'amours ; sur ce chapitre honteux, nous ne nous en devons rien [l'un à l'autre, moi et Hercule], FÉN. t. XIX, p. 129.
   Terme de comptabilité. Doit, par opposition à avoir, partie d'un compte établissant ce qu'une personne doit et ce qu'elle a reçu. Tenir ses comptes par doit et par avoir.
   Être redevable à, avoir obtenu par. Je lui dois tout. Je lui dois la place que j'occupe.
   On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant ; Tout ce qu'il a fait parle au moment qu'il m'approche, Et sa seule présence est un secret reproche, CORN. Nicom. II, 1.
   L'un imite Sophocle, l'autre doit plus à Euripide, LA BRUY. I.
   Si Menzikoff fit cette manoeuvre de lui-même, la Russie lui dut son salut ; si le czar l'ordonna, il était un digne adversaire de Charles XII, VOLT. Charles XII, 4.
   Les chrétiens vous devraient une tête si chère, VOLT. Zaïre, II, 2.
   L'un tient de moi la vie, à l'autre je la dois, VOLT. Alz. III, 5.
   Si Racine doit à Tacite la belle scène entre Agrippine et son fils, Corneille doit à Sénèque celle d'Auguste et de Cinna, DIDER. Règne de Claude et Néron, II, 51.
   Devoir, avec de et un verbe à l'infinitif, même sens.
   Nous servions dans le même régiment, dont je vous dois d'être major, BEAUMARCH. Mère coup. I, 8.
   Devoir se dit aussi quelquefois en mauvaise part. Je lui dois tous mes maux.
   Être redevable à des choses, avoir obtenu par des choses.
   Fais devoir à ton roi son salut à ta perte [fais que ton roi doive son salut à ta mort], CORN. Cid, III, 6.
   Il y a de certains grands sentiments, de certaines actions nobles et élevées, que nous devons moins à la force de notre esprit qu'à la bonté de notre naturel, LA BRUY. IV.
   Devrai-je au dépit qui le presse Ce que j'aurais voulu devoir à sa tendresse ?, VOLT. Brutus, III, 4.
   Les nations avaient déjà donné à Pierre Alexiovitz le nom de grand, qu'une défaite ne pouvait lui faire perdre, parce qu'il ne le devait pas à des victoires, VOLT. Charles XII, 4.
   En parlant de ce qui a obtenu quelque chose par une certaine circonstance. Cette colline doit son nom à tel événement.
   Être tenu, obligé envers. Il ne doit compte de ses actions à personne.
   Ne me dites plus rien ; pour vous j'ai tout perdu ; Ce que je vous devais, je vous l'ai bien rendu, CORN. Cid, III, 6.
   Je vous devrai beaucoup pour un si bon office, CORN. Hor. IV, 2.
   Vous qui devez respect au moindre des Romains, CORN. Pomp. III, 2.
   Si vous lui devez tant, ne me devez-vous rien ?, CORN. Sertor. II, 2.
   Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle Qu'au fond de votre coeur mes soins ont cultivés, Et de payer à Dieu ce que vous lui devez, RAC. Athal. IV, 2.
   Nous avons beaucoup moins de peine à faire plus que nous ne devons qu'à faire ce que nous devons, BOURDAL. Sévérité évang. 2e avent, p. 448.
   Pardonne-moi, mon fils, si je trouble ton récit par les larmes que je dois à ton père, FÉN. Tél. XV.
   En un mot il [Dieu] doit à toutes ses perfections la punition du péché, MASS. Car. Pass..
   Que pouviez-vous ? hélas ! - J'ai fait ce que j'ai dû, VOLT. Orphel. V, 1.
   Absolument.
   Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père, CORN. Cid, I, 10.
   Ressouvenez-vous que, hors d'ici, je ne dois plus qu'à mon honneur, MOL. Don Juan, III, 5.
   Se devoir à soi-même, être tenu en vertu de sa propre considération.
   Je sais ce que je suis et ce que je me dois, CORN. Don Sanche, I, 1.
   Dieu se devait à lui-même de rendre son image heureuse, BOSSUET Hist. II, 1.
   Je vous dois cet avis, votre intérêt me commande de vous donner cet avis.
   Devoir, suivi d'un verbe à l'infinitif, exprime qu'une chose arrivera infailliblement. Tous les hommes doivent mourir.
   Il exprime une obligation morale. Un bon fils doit respecter son père.
   Si la bonne foi était exilée du reste de la terre, elle devrait se retrouver dans le coeur des rois, Parole du roi Jean.
   Il marque qu'il y a une sorte de justice ou de raison à ce qu'une chose soit. On devrait planter des arbres le long de cette route.
   J'ai dû continuer, j'ai dû dans tout le reste.... Que sais-je enfin ? j'ai dû vous être moins funeste, J'ai dû craindre du roi les dons empoisonnés, RAC. Mithr. IV, 2.
   Le zèle de Joad n'a point dû vous surprendre, RAC. Athal. II, 4.
   À de moindres fureurs je n'ai pas dû m'attendre ; Voilà, voilà les cris que je craignais d'entendre, RAC. ib. IV, 5.
   Un jour seul perdu devrait donc nous laisser des regrets, mille fois plus vifs et plus cuisants qu'une grande fortune manquée, MASS. Car. Temps..
   À ces biens fugitifs votre amour doit survivre, C. DELAV. Paria, II, 5.
   On s'en sert pour marquer l'intention. Je dois aller demain à la campagne.
   Il marque aussi un futur indéterminé. Il doit partir demain. Il devait sortir hier. Nous devons chanter ce soir. Il doit y avoir demain une assemblée des actionnaires. Je dois prochainement recevoir de l'argent.
   Devoir exprime quelquefois une supposition. C'est lui qui doit avoir fait cela, on suppose que c'est lui qui a fait cela.
   Les deux accusateurs que lui-même a produits, Que pour l'assassiner je dois avoir séduits, CORN. Nicom. III, 8.
   Il indique en d'autres cas une simple croyance.
   Et Léonce doit être incapable de crime Puisqu'il a mérité l'honneur de ton estime, ROTROU Bélis, I, 6.
   Un voile ténébreux Nous dérobe le jour qui doit nous rendre heureux, L. RAC. la Grâce, ch. I.
   Ces faits-là doivent être communs, je pense qu'ils sont communs.
   Des actes d'une nature si sublime doivent être rares, RAYNAL Hist. phil. XI, 22.
   L'imparfait du subjonctif, placé en tête de la phrase, s'emploie dans le sens de quand même. Dussé-je être blâmé [quand même je serais blâmé], je vous soutiendrai. Dusses-tu y perdre de l'argent, il faut entrer dans cette affaire. Dût cela mal tourner, nous ne vous quitterons pas. Dussions - nous échouer, dussiez - vous échouer, dussent-ils échouer, nous essayerons.
   Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux De mon sang odieux arroser leurs tombeaux, Dût le Parthe vengeur me trouver sans défense, Dût le ciel égaler le supplice à l'offense, Trône, à t'abandonner je ne puis consentir, CORN. Rodog. V, 1.
   Crois-moi, dût Auzanet t'assurer du succès, Abbé, n'entreprends point même un juste procès, BOILEAU Ép. II.
   Dût tout cet appareil retomber sur ma tête, RAC. Iphig. III, 5.
   Dût Mme d'Acigné m'accuser d'être injuste, ou M. de Richelieu d'être ingrate, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 10 août 1701.
   Se devoir, v. réfl. Être dû, être obligatoire. Cela se doit.
   Être obligé de se consacrer à.
   Le sage s'accommode aux changements divers, Et l'homme généreux se doit à l'univers, BRÉBEUF Phars. II.
   Sa mort vous laisse un fils à qui vous vous devez, RAC. Phèd. I, 5.
   Un roi se doit à tous les hommes qu'il gouverne, FÉN. Tél. IX..
   Mon âme tout entière Se doit aux grands objets de ma vaste carrière, VOLT. Orphel. II, 6.
PROVERBES
   Fais ce que dois, advienne que pourra, se dit de celui qui accomplit son devoir, sans se laisser ébranler par la pensée de ce qui peut en arriver.
   Quand on doit, il faut payer ou agréer, c'est-à-dire il faut donner à son créancier de l'argent ou du moins de bonnes paroles.
   Qui nous doit, nous demande, c'est-à-dire celui dont nous avons sujet de nous plaindre nous accuse.
   
   Il croit toujours qu'on lui en doit de reste, il n'est jamais content de ce qu'on fait pour lui, Dict. de l'Académie.
   Il semble que Dieu lui en doive de reste, se dit d'un homme qui fait mal ou grossièrement son devoir.
   Qui a terme ne doit rien, c'est-à-dire qu'on ne peut rien lui demander jusqu'au terme.
   Qui doit a tort, signifie qu'il faut payer ou être condamné aux dépens.
   Va où tu peux, mourir où tu dois, se dit à celui qu'on abandonne à son sort.
   1. Les poëtes du XVIIe siècle et même du XVIIIe ont écrit je doi sans s :
   La mort a respecté ces jours que je te doi, Pour me donner le temps de m'acquitter vers toi, VOLT. Alz. II, 2.
C'est un archaïsme, dans l'ancien français, la 1re personne n'ayant pas la lettre s, qui était réservée à la 2e personne (comme en latin) ; ce qui était mieux. L'usage irrégulier a prévalu ; <
   2.
   Vous devriez était de deux syllabes : Mais vous devriez, ma fille, en l'âge où je vous voy...., RÉGNIER Sat. XIII.
C'est ainsi qu'on faisait de deux syllabes sanglier. C'était aussi un archaïsme, tout à fait tombé en désuétude.
   3. Marg. Buffet, Observ. p. 138 (en 1668), dit que quelques-uns prononcent : je dais de l'argent ; il dait beaucoup ; et qu'il faut prononcer : je dois, il doit. C'était la prononciation normande qui n'était pas encore complétement exclue.
   IXe s.
   Si cum om per dreit son fradre [frère] salvar dist [doit], Serment.
   Xe s.
   Chi [qui] sil [ainsi le] feent [font] cum faire lo deent [doivent], Fragm. de Valenc. p. 469.
   XIe s.
   Si hom occit altre, et il seit conusaunt [connaissant], et il deive faire les amendes...., Lois de Guill. 8.
   Deüz servises et mout grant amistez, Ch. de Rol. III.
   En France ad Ais s'en deit bien repairer, ib..
   [Dieu] Le glorius que deüsse [je dusse] aorer, ib. IX.
   Quant [il] le dut prendre, si lui cheït à terre, ib. XXV.
   Li siens orgueilz le devreit bien confondre, ib. XXVIII.
   Qui ce jugeat [décida] que doüssiez aller, ib. XXVI.
   XIIe s.
   Bien deüst estre escoutez et oïs, Ronc. p. 24.
   S'en [quand même] devroie estre occis, ib..
   Jamais n'iert [ne sera] jor, ne me doiez [que vous ne me deviez] amer, ib. p. 30.
   Bien l'avez fait, mout [je] vous en doi amer, ib. p. 33.
   Oncle Girart, quant [je] me dui [dus] esveiller, ib. p. 164.
   Ma bataille [j']offre, cui qu'en doie peser [à qui qu'il en doive peser, être désagréable], ib. p. 191.
   Mais à dame de valor Doit on penser nuit et jor, Couci, I.
   Ore est bien raison et heure Que [je] m'i doie retorner, ib. IV.
   De mil souspirs que je lui doi par dete, ib. VI.
   Mais en cel point que dui [je dus] avoir mon don, ib..
   Jà nel [ne le] deüst ne sofrir ne voloir La douce riens, qui tant est bien aprise, ib. XVII.
   Onques vers li [elle] [je] n'oi [n'eus] faus cuer ne volage ; Si m'en devroit pour tant mieuz avenir, ib. XIX.
   Chascuns quatre deniers ainsi comparer dot [dut payer], Sax. XVII.
   Maintenir le devons ; ce [je] temoigne et connois, ib. XVIII.
   Se [nous] lui devons chevage, coustume ne tonlieu [impôt], ib. XXIV.
   Ici de Charlemaine [je] me doi ore bien taire, ib. XXXI.
   XIIIe s.
   Il voloit aler avec eus por ce qu'il sembloient bien gent qui grant terre doient conquerre, VILLEH. LX.
   À l'aïe de Dieu fu desconfis li empereres Marchufles, et il meïsmes i dut estre pris, ib. XCIX.
   Dame, ce dist Pepins, on ne doit pas douter...., Berte, III.
   [Il] Assemble ses barons en qui se dut fier, ib..
   Li jors que ele dut sa voie avoir emprise, ib. VI.
   L'en doit bien reculer pour le plus loin saillir, ib. XIII.
   Il semble à sa maniere qu'ele doie desver [être folle], ib. XVII.
   Ma volenté ferez, quoi qu'il doie couster, ib. CXII.
   Miex me venist estre alé pendre Au jor que ge dui fame prendre, Quant si cointe fame acointai, la Rose, 8878.
   Sa mere que envieillir [il] voit, Et son pere qui moult devoit [qui avait des dettes], Bl. et Jeh. 71.
   Et je ne cuit que le defendant puisse chose dire par quoi la court dée esgarder que il ne li dée respondre à cel claim qu'il lors fist...., Ass. de J. I, p. 84.
   Et ce qu'on dist que voirs est [est vrai] que li sires doit autant foi et loialté à son home come li hons fet à son segneur, ce doit estre entendu en tant comme cascuns est tenus li uns vers l'autre, BEAUMANOIR LVIII, 25.
   Sire, je oi [j'eus] le ceval et dui ces vingt livres ; mais j'en ai fet plain paiement, BEAUMANOIR IX, 5.
   XIVe s.
   Onneur crie partout et vuet : Fay que doys, aveingne que puet, MACHAUT p. 112.
   Et aussi nous voulons estre beneurés et disons que devons vouloir avoir felicité, mais nous ne disons pas que nous la doions eslire, ORESME Eth. 64.
   Tant lui est deu plus de honneur se elle est bonne, ORESME ib. 47.
   XVe s.
   Et que voulez-vous, dit le roi, que je fasse ? Il n'est chose que je ne doive faire pour nous sauver, FROISS. III, IV, 76.
   Seigneurs, vous n'estes mie en arroy ni en ordonnance, que le roi doye maintenant parler à vous, FROISS. II, II, 110.
   Et puis chevaucherent tout souef jusques adonc qu'ils vinrent au logis du duc. Quand ils durent approcher, ils ferirent chevaux des esperons tous d'une randon et se planterent en l'ost du duc, FROISS. I, I, 111.
   Je ne pense pas avoir dit ne fait chose dont me doyez savoir mal gré, LOUIS XI Nouv. XXIV.
   Vous en deveriez estre content, LOUIS XI ib. XXXVIII.
   Vous n'estes pas telle que vous deussiez estre, LOUIS XI ib. LXVIII.
   XVIe s.
   Là elle veoit une lumiere telle, Que, pour la veoir, mourir devrions vouloir, MAROT III, 301.
   Laquelle en beauté et bonne grace ne devoit rien à son mari, MARG. Nouv. II.
   Le jour mesme qu'elle [la sentence] debvoit estre prononcée, MONT. I, 40.
   Il debvoit plus à la fortune qu'à sa diligence, MONT. I, 41.
   La peur emporta nostre jugement hors de sa deue assiette, MONT. I, 61.
   Tout cela tesmoigne qu'ils ne nous debvoient rien en clarté d'esprit naturelle et en pertinence, MONT. IV, 17.
   Le roy s'en meit en si grande cholere contre luy, que l'on pensoit qu'il ne luy deust jamais pardonner, AMYOT Thém. 53.
   Bon citoyen et faisant le deu de son office, AMYOT Flamin. 37.
   Voici le destroit où les poures consciences sont merveilleusement vexées et affligées, quand elles voyent que ceste contrition deue [pleine, entière] leur est imposée, CALV. Instit. 486.
   Bourguig. devoi ; provenç. dever ; catal. deurer ; espagn. deber ; ital. devere ; du latin debere, que les étymologistes regardent comme composé de de habere, ne pas avoir, avoir perdu la possession.
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devoir 2.
(de-voir) s. m.
   Ce qu'on doit faire, ce à quoi l'on est obligé par la loi ou par la morale, par son état ou les bienséances.
   Elle [Chimène] est dans le devoir ; tous deux [prétendants] sont dignes d'elle ; Tous deux formés d'un sang noble, vaillant, fidèle, CORN. Cid, I, 1.
   Je sais ta passion et suis ravi de voir Que tous les mouvements cèdent à ton devoir, CORN. ib. II, 2.
   Tous ces devoirs forcés où tout le coeur s'oppose, N'acquièrent à l'esprit ni liberté ni paix, CORN. Imit. I, 9.
   L'amour n'est qu'un plaisir, l'honneur est un devoir, CORN. Cid, III, 6.
   Un pas hors du devoir nous peut mener bien loin, CORN. Suréna, IV, 3.
   Je suis encor Sévère, et tout ce grand pouvoir Ne peut rien sur ma gloire et rien sur mon devoir, CORN. Poly. IV, 6.
   À suivre mon devoir, je suis déterminée, MOL. Sgan. 18.
   C'est l'honneur qui les doit [les femmes] tenir dans le devoir, MOL. Éc. des maris, I, 2.
   Le bon esprit nous découvre notre devoir, LA BRUY II.
   Je conçois vos douleurs ; mais un devoir austère, Quand mon père a parlé, m'ordonne de me taire, RAC. Andr. III, 4.
   Contemplez mon devoir dans toute sa rigueur, RAC. Bérén. IV, 5.
   Tu n'as manqué à aucun devoir envers les hommes ?, FÉN. Tél. XVIII.
   Quoique la philosophie, dit Cicéron, soit un pays où il n'y a point de terres incultes ni de landes, et qu'elle soit fertile et abondante d'un bout à l'autre, elle n'a point de contrée plus riche que celle qui traite des devoirs, ROLLIN Hist. anc. liv. XXVI, 2e part. ch. II, art. 2.
   Le devoir peut être défini l'obligation rigoureuse de faire ce qui convient à la société, RAYNAL Hist. phil. XIX, 14.
   Mon devoir me suffit, tout le reste n'est rien, VOLT. M. de Cés. III, 2.
   Laisse-moi les honneurs du devoir qui me lie, VOLT. Alz. IV, 4.
   Tremblez en contemplant tout le devoir des rois, VOLT. Brutus, III, 6.
   Si les femmes que tu gardes voulaient sortir de leur devoir, tu leur en ferais perdre l'espérance, MONTESQ. Lett. pers. 11.
   Si nous voulons entrer là-dessus en jugement avec nous-mêmes et considérer sérieusement nos devoirs, BOURD. Domin. octave de l'Ascension, Dominic. t. II, p. 237.
   Devoir conjugal, la conjonction charnelle due entre mari et femme.
   Il est du devoir, le devoir oblige à. Il est de mon devoir de vous donner cet avis.
   Il est du devoir des défenseurs de la vérité de...., PASC. Prov. 11.
   Faire son devoir, agir comme on doit agir.
   Qui sert bien son roi ne fait que son devoir, CORN. Cid, II, 1.
   Je ferai seulement le devoir d'un sujet, CORN. ib. IV, 3.
   Je pense continuellement à vous ; c'est ce que les dévots appellent une pensée habituelle ; c'est ce qu'il faudrait avoir pour Dieu si l'on faisait son devoir, SÉV. 15.
   Il était trop honnête homme pour ne faire pas toujours son devoir, SÉV. 211.
   Quoi qu'en pense le libertinage, il y a toujours un avantage infini à faire son devoir, BOURD. Pensées, t. I, p. 403.
   Vous savez que, dans les grands malheurs, ne faire que son devoir, ce n'est pas le faire, MAINTENON Lettre au duc de Noailles, 22 juin 1709.
   Mais j'ai fait le devoir d'un ami, d'un chrétien, C. DELAV. Paria, III, 2.
   En parlant d'un régiment, d'un soldat, faire son devoir, combattre vaillamment.
   En un autre sens, faire son devoir, se bien acquitter, parler, agir.
   La langue du cocher a bien fait son devoir, CORN. Ment. I, 4.
   Il faisait parfaitement son devoir auprès de Mlle de St-Germain, HAMILT. Gramm. 4.
   Chacun fit son devoir de dire à l'affligée...., LA FONT. Matr..
   Ils avaient lu qu'en amour on soupire ; Ils tâchaient donc d'en faire leur devoir, LA FONT. Rém..
   Être, rentrer dans son devoir, dans la soumission, le respect, l'obéissance où l'on doit se tenir.
   On oublie aisément les fautes des enfants lorsqu'ils rentrent dans le devoir, MOL. l'Av. IV, 5.
   Il fait rentrer son fils dans le devoir, BOSSUET Thom. 2.
   Fuyons.... Mais si l'ingrat rentrait dans son devoir, RAC. Andr. II, 1.
   [Les gardes du sérail] Sortis de leur devoir, n'osèrent y rentrer, RAC. Baj. I, 1.
   En un sens un peu différent. Être dans son devoir, se mettre dans son devoir, se tenir dans l'état où l'on doit être devant les personnes à qui l'on veut témoigner du respect.
   Ramener, ranger quelqu'un à son devoir, tenir dans le devoir, obliger à faire ce qui doit être fait.
   Le général ne put tenir dans le devoir ses soldats, BOSSUET Hist. I, 9.
   Des enfants qu'il remet dans leur devoir par le châtiment, BOSSUET ib. II, 4.
   Elles tenaient dans le devoir les villes voisines, BOSSUET ib. III, 6.
   Le jeune Louis.... prend les villes, ramène les provinces au devoir, MASS. Panég. St Louis..
   Se ranger à son devoir, faire ce qu'on doit faire.
   Je lui apprendrai son devoir, je le rangerai à ce qu'il doit.
   En devoir de, prêt à. Il était déjà en devoir de vous aller trouver.
   Nous étions à table, plusieurs, joyeux, en devoir de bien faire, P. L. COUR. Pamphlet des pamphlets..
   Se mettre en devoir de faire une chose, la commencer ou s'y préparer.
   Il se mit en devoir d'arrêter son maître, D'ABLANCOURT Lucien, t. II, Amitié, dans RICHELET.
   À moins qu'elle ne se mît en devoir d'obtenir un congé, BOSSUET Lett. abb. 2.
   L'homme doit se mettre en devoir de se convertir, BOSSUET Avert. 2.
   On se mit en devoir de déménager les meubles, J. J. ROUSS. Conf. III.
   Être à son devoir, être à son poste.
   M. de Marsillac est déjà retourné à son devoir, SÉV. 415.
   Le chevalier est à son devoir, SÉV. 417.
   Jaloux, désespéré, j'ose, pour vous revoir, Abandonner des lieux commis à mon devoir, CRÉBILLON Rhad. I, 2.
   Terme de féodalité. Devoirs seigneuriaux, droits que le vassal devait à son seigneur.
   Par extension du sens féodal. Devoir, et, plus souvent, au pluriel, devoirs, marques de civilité, de politesse. Rendre ses devoirs à quelqu'un, lui présenter ses hommages, lui faire une visite de politesse.
   Le rang de l'offensé, la grandeur de l'offense Demandent des devoirs et des soumissions Qui passent le commun des satisfactions, CORN. Cid, II, 1.
   Il peut aller, s'il veut, dessus son monument Recevoir ses devoirs et son remercîment, CORN. Pomp. I, 3.
   Agréer ses devoirs et le revoir encore, ROTROU Vencesl. II, 5.
   Rendre des devoirs, s'est dit des services que des valets remplissent auprès de leurs maîtres.
   Notre P. Bauny a appris aux valets à rendre tous ces devoirs-là innocemment à leurs maîtres, en faisant qu'ils portent leur intention, non pas aux péchés dont ils sont les entremetteurs, mais seulement au gain qui leur en revient, PASC. Prov. 6.
   On rend différents devoirs aux différents mérites, PASC. P. div. 31.
   Elle a commencé à rendre ses devoirs au Louvre, SÉV. 11.
   J'ai fait votre devoir à l'abbé Arnauld, SÉV. 395.
   J'en reviens toujours à dire qu'il y a des sortes de devoirs dont on ne peut se dispenser sans une grossièreté pleine d'ingratitude, SÉV. 306.
   Vous saurez que je n'ai rien dit à ce Caton sur la mort de sa femme, et j'avais dessein de l'aller voir avec la marquise d'Uxelles ; et, au lieu d'attendre ce devoir, il vient s'informer comme je me porte de mon voyage, SÉV. 292.
   On se rend des devoirs, mais on ne se rend pas l'amour, MASS. Panég. St Étienne..
   Le grand plaisir que je me promets, c'est de rendre mes devoirs à Mme Clavier, P. L. COUR. Lett. I, 53.
   Les derniers devoirs, les devoirs funèbres, les funérailles. Rendre à quelqu'un les derniers devoirs, présider ou, simplement, assister à ses funérailles.
   Dis-moi quel bon démon a mis en ton pouvoir De rendre à ce héros ce funèbre devoir ?, CORN. Pomp. V, 1.
   Tu veux à ce héros rendre un devoir suprême, CORN. ib. V, 4.
   Ces pieux devoirs que l'on rend à sa mémoire, FLÉCH. Mont..
   Andromaque elle-même, à Pyrrhus si rebelle, Lui rend tous les devoirs d'une veuve fidèle, RAC. Andr. V, 5.
   Pour rendre à ses cendres le dernier devoir, FÉN. Tél. XVII.
   Rendezmoi [à moi Phalante] les derniers devoirs que vous avez rendus à mon frère [Hippias], FÉN. ib..
   Terme de collége. Travail, exercices donnés à un élève. Faire ses devoirs. Un devoir difficile.
   M. Lambercier était un homme fort raisonnable qui, sans négliger notre instruction, ne nous chargeait point de devoirs extrêmes, J. J. ROUSS. Conf. I.
10°   Devoir pascal, l'obligation de communier à Pâques.
11°   Association d'ouvriers unis par les liens du compagnonnage. Compagnons du devoir. Des ouvriers appartenant à des devoirs différents.
12°   Anciennement, sorte de service de surveillance. ....à la charge qu'il fera faire tant le jour que la nuit, rondes, devoirs et diligences requises et accoutumées pour éviter tels accidents, Bail Boute, Lett. pat. 27 juin 1680.
13°   Terme de droit. Devoir parfait, celui dont l'accomplissement peut être exigé, qui a un droit corrélatif.
   Devoir imparfait, celui dont l'accomplissement ne peut être exigé, qui n'a pas de droit corrélatif.
   Dans l'ancien droit, devoirs de loi exprimait toutes les formalités du nantissement.
14°   Terme de fauconnerie. Devoir de l'oiseau, sa part de la curée du gibier qu'il a pris.
   DEVOIR, OBLIGATION. Le devoir est ce que nous devons. L'obligation est quelque chose qui nous lie, qui nous oblige. Le devoir est toujours quelque chose de moral. L'obligation n'a pas ce caractère ; elle peut dépendre de causes très différentes.
   XIIIe s.
   [Le roi] En fist tout son devoir, ne dust estre repris, Berte, XCIX.
   Il font bien trestuit lor devoir, la Rose, 19163.
   XIVe s.
   François font lor devoir ; ne les devez blasmer, Car qui fait ce qu'il doit, j'ose bien dire au cler, Que de riens ne meffait...., Guesclin. 19334.
   XVe s.
   Le comte, à la complainte des herauts, commanda que on ardist tout, si des rachats à argent ils n'avoient fait leur devoir, FROISS. II, II, 66.
   En lui mandant qu'en faisant mon devoir, J'ay tous les maulx que nul pourroit souffrir, CH. D'ORL. Bal. 19.
   Dieu nous doint bonne destinée, Et chascun face son debvoir ; Ainsi ne sera redoubtée Par bon eur et loyal vouloir, CH. D'ORL. ib..
   Lasse ! or [je] me voy aujourd'hui si perie, Que nul ne fait envers moy son devoir, E. DESCHAMPS Complainte de la France..
   Et sur ce respondit qu'il en parleroit au roy et qu'il en feroit son devoir, JUVÉN. Charles VI, 1380.
   Cil passa l'avangarde moult, Pour faire en l'estour son devoir, la Bataille du Liege.
   XVIe s.
   Les regles du debvoir de l'homme, MONT. I, 30.
   Les malades ausquels le debvoir m'interesse, MONT. I, 91.
   Ne vaudroit-il pas mieux que par ces bons exemples de vie vous vous missiez en devoir de les convertir ?, LANOUE 84.
   Les autres Grecs ne feirent aucun devoir de les secourir, AMYOT Thém. 17.
   C. Lentulus, l'ayant apperceu, se meit en devoir de le sauver, AMYOT Fab. 33.
   Infinitif du verbe devoir, pris substanvement ; provenç. dever ; catal. deurer ; espagn. eber ; ital. devere.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • Devoir — De*voir , n. [F., fr. L. debere to owe. See {Due}.] Duty; service owed; hence, due act of civility or respect; now usually in the plural; as, they paid their devoirs to the ladies. Do now your devoid, young knights! Chaucer. [1913 Webster] …   The Collaborative International Dictionary of English

  • Devoir — (fr., spr. Dewoahr), Schuldigkeit, Pflicht …   Pierer's Universal-Lexikon

  • Devoir — (spr. wŏahr), Schuldigkeit, Pflicht …   Kleines Konversations-Lexikon

  • Devoir — (frz. Dewoar), Pflicht, Schuldigkeit …   Herders Conversations-Lexikon

  • devoir — I index burden II index commitment (responsibility) Burton s Legal Thesaurus. William C. Burton. 2006 …   Law dictionary

  • devoir — [də vwär′, dev′wär΄] n. [ME < OFr, to owe < L debere, to owe: see DEBT] 1. duty 2. [pl.] acts or expressions of due respect or courtesy, as in greeting …   English World dictionary

  • devoir — 1. devoir [ d(ə)vwar ] v. tr. <conjug. : 28; au p. p. dû, due, dus, dues> • deveir XIe; dift « il doit » 842; lat. debere I ♦ Devoir (qqch.) à (qqn). 1 ♦ Avoir à payer (une somme d argent), à fournir (qqch. en nature) à (qqn). Il me doit… …   Encyclopédie Universelle

  • DEVOIR — s. m. Ce à quoi on est obligé par la raison, par la morale, par la loi, par sa condition, par la bienséance, etc. S acquitter de son devoir. Remplir ses devoirs. S imposer des devoirs. Trahir ses devoirs. Manquer à son devoir. S écarter de son… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • devoir — I. DEVOIR. v. a. Je dois, tu dois, il doit; nous devons, vous devez, ils doi vent. Je devois. Je dus. J ai dû. Je devrai. Je devrois. Que je doive. Que je dusse. Être obligé à payer quelque chose, soit argent, soit denrées. Devoir une somme d… …   Dictionnaire de l'Académie Française 1798

  • Devoir —          BERGSON (Henri)     Bio express : Philosophe français (1859 1941)     «De toutes les conceptions politiques, la démocratie est la plus éloignée de la nature. Elle attribue à l homme des droits inviolables. Mais ces droits, pour rester… …   Dictionnaire des citations politiques

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