dieu

dieu
(dieu) s. m.
   Nom du principe, unique ou multiple, qui, dans toutes les religions, est placé au-dessus de la nature.
   L'être infini créateur et conservateur du monde dans la religion chrétienne, et aussi dans le mahométisme, dans le judaïsme, et parmi ceux qu'on nomme déistes. En ce sens il est employé sans article.
   C'est Dieu qui nous fait vivre, C'est Dieu qu'il faut aimer, MALH. I, 3.
   Et Dieu qui tient votre âme et vos jours dans sa main, CORN. Poly. I, 1.
   Dieu ne veut point d'un coeur où le monde domine, CORN. ib. I, 1.
   Dieu fait part au besoin de sa force infinie, CORN. ib. II, 6.
   Dieu tout juste et tout bon, qui lit dans nos pensées, N'impute point de crime aux actions forcées, CORN. Théodore, III, 1.
   Ce qui nous vient de Dieu, seul exempt de la mort, Est seul indépendant et du temps et du sort, ROTR. Bélis. V, 2.
   L'Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, PASC. dans COUSIN.
   Considérez, messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas ; pendant que nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Tout est vain en l'homme si nous regardons ce qu'il donne au monde ; mais au contraire tout est important, si nous considérons ce qu'il doit à Dieu, BOSSUET ib..
   L'homme que Dieu a fait à son image n'est-il qu'une ombre ?, BOSSUET ib..
   Tantôt presque prise [la reine d'Angleterre], changeant de fortune à chaque quart d'heure, n'ayant pour elle que Dieu et son courage inébranlable, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Dieu a tenu douze ans sans relâche, sans aucune consolation de la part des hommes, notre malheureuse reine (donnons-lui hautement ce titre, dont elle a fait un sujet d'actions de grâces), lui faisant étudier sous sa main ces dures mais solides leçons [les leçons du malheur], BOSSUET ib..
   La première époque nous présente d'abord un grand spectacle : Dieu qui crée le ciel et la terre par sa parole, et qui fait l'homme à son image, BOSSUET Hist. I, 1.
   J'aurais une extrême curiosité de voir celui qui serait persuadé que Dieu n'est point ; il me dirait du moins la raison invincible qui a su le convaincre, LA BRUY. XVI.
   Profanes amateurs de spectacles frivoles, Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles, Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité ; Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité, RAC. Esth. Prol..
   Dieu tient le coeur des rois entre ses mains puissantes, RAC. ib. I, 1.
   Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux, N'est pas tel que l'erreur le figure à vos yeux ; l'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage ; Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage, Juge tous les mortels avec d'égales lois, Et du haut de son trône interroge les rois, RAC. ib. III, 4.
   Et comptezvous pour rien Dieu qui combat pour nous ?, RAC. Ath. I, 2.
   Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin ?, RAC. ib. II, 7.
   Dieu défend-il tout soin et toute prévoyance ? Ne l'offense-t-on point par trop de confiance ?, RAC. ib. III, 6.
   Un profond philosophe [Malebranche] et qui aurait saisi la vérité s'il n'avait voulu la mêler avec les mensonges des préjugés, a dit que nous voyons tout en Dieu ; mais c'est plutôt Dieu qui voit tout en nous, qui fait tout en nous, puisqu'il est nécessairement le grand, le seul, l'éternel ouvrier de toute la nature, VOLT. Dial. 25.
   Quel commerce entre nous et Dieu ! quelle élévation cela ne donnait-il pas à la nature humaine ! qu'il était étonnant d'oser trouver des conformités entre nos jours mortels et l'éternelle existence du maître du monde !, CHATEAUB. Génie, III, 5, 6.
   Il est bon, il est beau, quoi qu'on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de Dieu, CHATEAUB. ib. III, 5, 6.
   âme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole, LAMART. Méd. I, 16.
   Et moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ?, LAMART. Harm. I, 2.
   Tu voyais tour à tour passer sur ces collines L'esprit de la tempête et le souffle de Dieu, LAMART. Harm. I, 11.
   Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrê ; Rien ici-bas qui n'ait en soi sa vanité ; La gloire fuit à tire-d'aile ; Couronnes, mitres d'or brillent, mais durent peu ; Elles ne valent pas le brin d'herbe que Dieu Fait pour le nid de l'hirondelle, V. HUGO F. d'automne, 4.
   Il est devant Dieu, c'est-à-dire il est mort.
   Dieu sur tout, locution dont on se sert pour dire que l'avenir est inconnu et qu'il adviendra selon la volonté de Dieu.
   Entre Dieu et soi, secrètement.
   Par la grâce de Dieu, formule qu'emploient les princes souverains pour indiquer qu'ils tiennent leur pouvoir de Dieu.
   Il ne relève que de Dieu et de son épée, se dit d'un souverain qui n'en reconnaît aucun autre au-dessus de lui, et se disait autrefois particulièrement du roi de France.
   Paix ou trêve de Dieu, paix imposée, durant le moyen âge, par l'autorité religieuse aux seigneurs féodaux à des époques déterminées.
   Adjectivement. L'Homme-Dieu, Jésus-Christ, par allusion au mystère de l'Incarnation.
   Il est aussi adjectif dans cette phrase de Bossuet : Tout était dieu, excepté Dieu lui-même, Hist. II, 3.
   Locutions composées où le nom de Dieu est employé.
   Familièrement. Cela va comme il plaît à Dieu ; cela va Dieu sait comme, se dit d'une affaire dont la conduite est négligée.
   S'il plaît à Dieu, avec l'aide de Dieu, Dieu aidant, se dit pour exprimer le désir, l'espoir qu'on a de réussir.
   Dieu merci, grâce à Dieu, se dit pour exprimer le contentement.
   Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un méchant homme ou d'un homme déterminé que rien n'arrête.
   C'est un homme de Dieu, tout de Dieu, tout en Dieu, se dit d'un homme fort pieux, fort dévot.
   Cela lui vient de la grâce de Dieu, lui vient de Dieu grâce, se dit de tout ce qui arrive d'avantageux sans qu'on y ait contribué par ses soins.
   Devant Dieu, Dieu m'est témoin, Dieu m'en est témoin, sur mon Dieu, formules d'affirmation.
   Dieu sait, locution qui exprime la négation ou le doute. Dieu sait si j'en ai la pensée, c'est-à-dire je n'en ai certainement pas la pensée. Dieu sait ce qu'il en arrivera, c'est-à-dire ce qui arrivera est caché dans l'avenir.
   Dieu le sait, locution qui exprime l'affirmation ou qui indique qu'on ignore. Je suis innocent, Dieu le sait. Où serons-nous l'an prochain ? Dieu le sait.
   Plaise à Dieu, plût à Dieu ! locution qui exprime le désir. Plaise à Dieu qu'il en soit ainsi ! Plût à Dieu qu'il vécût encore !
   On dit dans le même sens : Dieu le veuille !
   À Dieu ne plaise ! locution exprimant la crainte. à Dieu ne plaise qu'une vie si précieuse soit tranchée !
   Dieu vous bénisse, Dieu vous assiste, Dieu vous entende, Dieu vous soit en aide ; façons de parler qu'on emploie (ou plutôt qu'on employait, car cette habitude se perd) quand quelqu'un éternue, et aussi pour adoucir le refus qu'on fait à un pauvre de lui donner l'aumône.
   Ne fût-ce que pour l'heur d'avoir qui vous salue D'un, Dieu vous soit en aide, alors qu'on éternue, MOL. Sgan. I, 2.
   Dieu vous entende signifie aussi : Plaise à Dieu. Votre enfant guérira. - Dieu vous entende !
   Dieu vous gard' ou vous garde, ancienne façon de parler qui s'employait pour saluer quelqu'un en l'abordant.
   Dieu vous gard', mon frère, MOL. F. sav. II, 2.
   Dieu merci et vous, Dieu merci et à vous, locution dont le peuple se servait autrefois pour exprimer la reconnaissance d'un service.
   Pour l'amour de Dieu, dans la seule vue de plaire à Dieu et, par suite, sans aucun intérêt.
   Pour l'amour de Dieu, signifie aussi je vous prie en grâce.
   Comme pour l'amour de Dieu, ironiquement, exprime qu'une chose a été dite ou faite à contre-coeur. On lui en a donné comme pour l'amour de Dieu.
   Locutions archaïques conservées où Dieu est joint sans préposition au mot qu'il détermine. Le lever-Dieu, le moment de la messe où le prêtre élève l'hostie.
   La fête-Dieu, la fète du Saint-Sacrement.
   Hôtel-Dieu, nom donné à l'hôpital principal de plusieurs villes.
   Il s'emploie explétivement, dans le langage familier, pour ajouter à la force de l'expression.
   Belles comtés, Beaux marquisats de Dieu qu'il possédait, LA FONT. Faucon..
   Diamants, brillants, et belles guinées de Dieu, HAMILT. Gramm. 6.
   Diverses interjections, exclamations, où le nom de Dieu est employé.
   Dieu ! Mon Dieu ! Grand Dieu ! Juste Dieu ! Bon Dieu ! Pour Dieu ! Bon Dieu ! je tremble, CORN. Cid, II, 4.
   .... Mon Dieu ! laissons là vos comparaisons fades, MOL. Mis. I, 1.
   Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?, BOILEAU Sat. VI.
   Pour Dieu ! laissez pousser l'arbre comme il lui plaît, DIDEROT Lettre à Mme Riccoboni..
   Dans mes calculs, Dieu ! quel déboire, Si de ton héros je parlais !, BÉRANG. Poëte de cour..
   Jour de Dieu, exclamation de colère, d'indignation.
   Jour de Dieu ! je l'étranglerais de mes propres mains, s'il fallait qu'elle forlignât de l'honnêteté de sa mère, MOL. G. Dandin, I, 4.
   Ainsi Dieu m'aide ou me soit en aide, vieille formule affirmant avec solennité.
   Dieu me pardonne, exclamation par laquelle on s'excuse de quelque chose qu'on a fait ou qu'on allait faire.
   Dieu me pardonne exprime aussi surprise, indignation. Dieu me pardonne, il m'a pris mon argent !
   Dieu me damne, sorte de jurement.
   Je confonds, Dieu me damne, et la mère et la fille, HAUTEROCHE Bourgeois de qualité..
   Avec un article ou autre déterminatif, Dieu considéré à un point de vue particulier. Le Dieu des juifs. Le Dieu des chrétiens.
   Le dieu de Polyeucte et celui de Néarque...., CORN. Poly. III, 2.
   Quel dieu ? - Tout beau, Pauline, il entend vos paroles, CORN. ib. IV, 3.
   Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir, CORN. ib. IV, 3.
   .... C'est en vain qu'on se met en défense ; Ce Dieu touche les coeurs lorsque moins on y pense, CORN. ib. IV, 3.
   Les chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu de tout, CORN. ib. IV, 6.
   Et ne dédaigne pas de m'instruire en ta foi, Ou toimême à ton Dieu tu répondras de moi, CORN. ib. V, 2.
   Je n'adore qu'un Dieu maître de l'univers, CORN. ib. V, 3.
   Et, fabuleux chrétiens, n'allons point dans nos songes, D'un Dieu de vérité faire un Dieu de mensonges, BOILEAU Art p. III.
   Quatre cent vingt-six ans après le déluge, comme les peuples marchaient chacun en sa voie et oubliaient celui qui les avait faits, ce grand Dieu, pour empêcher le progrès d'un si grand mal, au milieu de la corruption commença à se séparer un peuple élu, BOSSUET Hist. I, 3.
   Je suis le Dieu de votre père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, SACI Bible, Exode, III, 6.
   Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ; Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire, Quels témoins éclatants devant lui rassemblés ! Répondez, cieux et mers ! Et vous, terre, parlez, L. RACINE Religion, I.
   Du Dieu que nous servons le tombeau profané, VOLT. Zaïre, II, 1.
   Au delà de leur cours [des astres] et loin dans cet espace Où la matière nage et que Dieu seul embrasse, Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fin ; Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin ; Au delà de ces cieux le Dieu des cieux réside, VOLT. Henr. VII.
   Le Dieu que nous servons est un Dieu de bonté, M. J. CHÉNIER Charles IX, II, 2.
   Ce Dieu quittant le monde y laissa l'espérance ; Lui-même a tant souffert ! il plaindra ma souffrance, C. DELAV. Paria, V, 1.
   Que ma raison se taise et que mon coeur adore ! La croix à mes regards révèle un nouveau jour ; Aux pieds d'un Dieu mourant puis-je douter encore ? Non ; l'amour m'explique l'amour, LAMART. Méd. I, 26.
   Soleil, premier amour de toute créature, Vastes cieux, qui cachez le Dieu qui vous a faits, LAMART. ib. I, 28.
   Quel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ? Que m'apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains Ce temps qui fait l'espoir ou l'effroi des humains ?, LAMART. Harm. I, 4.
   Ou si d'un Dieu qui dort l'aveugle indifférence Laisse au gré du destin trébucher sa balance, Et livre, en détournant ses yeux indifférents, La nature au hasard et la terre aux tyrans, LAMART. Méd. I, 20.
   Donnez, pour être aimés du Dieu qui se fit homme, Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme, Pour que votre foyer soit calme et fraternel, V. HUGO F. d'automne, 32.
   Le Dieu vivant, Dieu, l'Éternel.
   Le Dieu vivant m'est témoin que son ange m'a gardé, SACI Bible, Judith, XIII, 20.
   Ainsi du Dieu vivant la colère étincelle, RAC. Esth. II, 7.
   Le Dieu fort, le Dieu jaloux, le Dieu des armées, noms que Dieu a dans l'Écriture sainte et que les orateurs chrétiens lui donnent souvent en chaire.
   Dans un emploi analogue.
   Ô serments, ô Palmire ! ô vous dieu des vengeances !, VOLT. Fanat. III, 8.
   Le bon Dieu, Dieu.
   Un enfant répète après sa mère une prière au bon Dieu, CHATEAUB. Génie, I, VI, 4.
   Par extension, l'hostie consacrée et particulièrement le viatique. Porter, recevoir le bon Dieu.
   Un homme du bon Dieu, un homme simple, doux, crédule.
   Un vrai Parisien de Paris, un archiparisien du bon Dieu, J. J. ROUSS. Conf. IV.
   Dieu, être surhumain du polythéisme qui présidait au gouvernement d'une classe de phénomènes, d'un astre, d'un domaine de la nature. Les dieux des gentils. Les douze grands dieux, Jupiter, Mars, Neptune, Pluton, Vulcain, Apollon, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane et Vénus. Mercure était le dieu du commerce. Un dieu Gaulois. Rome ouvrit son Panthéon aux dieux des nations qu'elle avait soumises. Les dieux du premier, du second ordre.
   Trop favorables dieux, vous m'avez écoutée, Quels foudres lancez-vous quand vous vous irritez ?, CORN. Hor. III, 1.
   Pensez-vous que les dieux vengeurs des innocents D'une main parricide acceptent de l'encens ?, CORN. Hor. V, 2.
   Nos aïeux à leur gré faisaient un dieu d'un homme, CORN. Poly. IV, 6.
   Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux, CORN. ib. V, 3.
   J'approuve cependant que chacun ait ses dieux, Qu'il les serve à sa mode et sans peur de la peine, CORN. ib. V, 6.
   Les dieux à qui les sert font espérer des grâces, CORN. Tite et Bérén. IV, 3.
   Et je l'aurai promis à la face des dieux, CORN. Agésil. I, 2.
   Les dieux, premiers auteurs des fortunes des hommes, ROTROU St Gen. V, 5.
   Les hommes portèrent la peine de s'être soumis à leurs sens ; les sens décidèrent de tout et firent, malgré la raison, tous les dieux qu'on adora sur la terre, BOSSUET Hist. II, 1.
   Tous les dieux des peuples sont des idoles ; mais c'est le Seigneur qui a fait les cieux, SACI Bible, Paralip. I, 16.
   Voilà de ces grands dieux la suprême justice, RAC. Théb. III, 2.
   Je conçois qu'on reçut d'abord les oracles avec avidité et avec joie, parce que rien n'était plus commode que d'avoir des dieux toujours prêts à répondre sur tout ce qui causait de l'inquiétude ou de la curiosité, FONTEN. Oracles, II, 7.
   La parole des dieux n'est point vaine et trompeuse, Leurs desseins sont couverts d'une nuit ténébreuse, VOLT. Oreste, I, 2.
   S'il est des dieux cruels, il est des dieux propices, VOLT. Guèbr. IV, 6.
   Je ne vous demande pas si une planète est dieu, si le bélier d'Ammon est dieu, si le boeuf Apis est dieu, et si Cambyse a mangé un dieu en le faisant mettre à la broche, VOLT. Dial. 29.
   Des dieux que nous servons connais la différence, VOLT. Alz. V, 7.
   Les dieux de la fable, les dieux du polythéisme, considérés comme appartenant non plus à une religion, mais à la mythologie.
   En dieu, comme un dieu, comme un être divin, supérieur.
   Agir, parler, punir ou pardonner en dieu, VOLT. Fanat. I, 4.
   Familièrement. Comme un dieu, très bien, parfaitement. Il parle comme un dieu.
   Dieux ! Justes dieux ! Grands dieux ! Bons dieux ! loc. interj. dont on se sert pour exprimer des sentiments très divers.
   Quelles grâces, bons dieux, ne lui dois-je point rendre !, CORN. Théodore, IV, 2.
   Jurer ses grands dieux, affirmer avec de grandes protestations.
   La femme, neuve sur ce cas Ainsi que sur mainte autre affaire, Crut la chose et promit ses grands dieux de se taire, LA FONT. Fabl. VIII, 6.
   Magdeleine.... jurait ses grands dieux De...., LA FONT. Jum..
   Elle jura ses grands dieux qu'elle ne l'écouterait de sa vie, HAMILT. Gramm. 10.
   Elle jure ses grands dieux qu'elle se porte bien, SÉV. 243.
10°   Demi-dieu, être surhumain d'un ordre inférieur dans le polythéisme, ou homme né d'un dieu et d'une mortelle, comme Hercule.
   Par extension, héros, homme supérieur à l'humanité.
   C'est par elle [la justice] qu'un roi se fait un demi-dieu, CORN. Hor. V, 2.
   De ces fameux proscrits, ces demi-dieux mortels, CORN. Cinna, I, 3.
   Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux, BOILEAU Sat. V.
   J'ai vu ce demi-dieu [Alexandre] devenu le plus cruel des barbares, après avoir été le plus humain des Grecs, VOLT. Dial. XXIX, 1.
   [Essex, d'Aumale] Tels qu'aux remparts de Troie on peint les demi-dieux, VOLT. Henr. VI.
11°   Par extension, les dieux de la terre, les rois, les puissants du jour.
   Ce qui flatte les ambitieux, c'est une image de la toute-puissance qui semble en faire des dieux sur la terre, BOSSUET Politique, X, 2, 5.
12°   Personnage qui excite l'enthousiasme, la vénération, l'amour. Ils le regardaient comme leur sauveur et leur dieu. Pour eux c'était un dieu.
   Vous êtes un dieu, se dit à quelqu'un dans l'ivresse de l'admiration et de la reconnaissance.
   Il est le dieu du peuple et celui des soldats, CORN. Nicom. II, 3.
   Antoine est-il pour eux un dieu plus favorable ?, VOLT. Triumv. IV, 4.
   Celui qui a une grande supériorité, qui domine. Le dieu de la poésie. Vestris fut surnommé le dieu de la danse.
13°   Fig. L'objet d'un culte. L'argent est le dieu du jour.
   Délaissés des faux dieux en qui vous aviez mis votre espérance, MASS. Car. Rech..
   Faire son dieu, se faire un dieu de quelqu'un ou de quelque chose, avoir pour quelqu'un, pour quelque chose un attachement excessif. Il n'aime que les richesses ; il en fait son dieu.
   Elle se fait un dieu de ce prince charmant, Et vous doutez encor qu'elle en fasse un amant ?, RAC. Alexand. I, 1.
   Faire son dieu de soi-même, MASS. Car. Immut..
   Cette engeance, qui ne connaît, comme vous le dites si bien, que deux dieux, l'intérêt et l'orgueil, D'ALEMB. Lettre au roi de Prusse, 10 juillet 1775.
PROVERBES
   Ce que femme veut, Dieu le veut, c'est-à-dire les femmes viennent ordinairement à bout de ce qu'elles veulent.
   La voix du peuple est la voix de Dieu, d'ordinaire le sentiment général est fondé sur la vérité.
   Le récit précédent suffit Pour montrer que le peuple est juge récusable ; En quel sens est donc véritable Ce que j'ai lu dans certain lieu, Que sa voix est la voix de Dieu ?, LA FONT. Fabl. VIII, 26.
   Qui donne aux pauvres prête à Dieu, c'est-à-dire que Dieu récompense ceux qui font l'aumône.
   L'homme propose et Dieu dispose, c'est-à-dire l'issue de ce que l'homme projette est dans les mains de Dieu.
   Chacun pour soi, Dieu pour tous, se dit pour exprimer que chacun défend ses intérêts, sous la protection de Dieu, qui veille sur tous les hommes.
   1. Quand Dieu signifie le créateur incréé du monde, il prend un grand D ; dans les autres cas, il prend un petit d.
   2. Hôtel-Dieu, lever-Dieu, fête-Dieu sont non pas des ellipses de la préposition de, mais un archaïsme. L'ancien français, ayant conservé du latin deux cas seulement, le sujet et le régime, marquait la possession en mettant le complément au cas régime.
   3. Dans Dieu vous gard', gard' ne devrait pas avoir d'apostrophe, n'étant pas pour garde. Dans l'ancien français le présent du subjonctif se distinguait du présent de l'indicatif en supprimant l'e muet.
   IXe s.
   Pro Deo amur, Serment.
   In quant Deus savir et podir me dunat [me donne de savoir et pouvoir], ib..
   Xe s.
   Voldrent la veintre li Deo inimi [les ennemis de Dieu voulurent la vaincre], Eulalie.
   XIe s.
   Li reis Marsile la tient [l'Espagne] ki Deu nen aime, Ch. de Rol. 1.
   Dient Franceis : Deus ! que pourrat-ce estre ?, ib. XXV.
   Cil premier cop est nostre, Deu merci, ib. XCIII.
   Por Deu, [je] vous prie que ne seiez fuiant, ib. CXIV.
   XIIe s.
   La loi Deo [de Dieu], Roncisv. p. 1.
   Beau sires niés [neveu], entendez moi pour Dé, ib. p. 35.
   Qui par nos dex [dieux] veut avoir sauvison, ib. p. 128.
   Mi dame deu [mes seigneurs dieux], je vous ai mout servi, ib. p. 141.
   Mais se Dieu plaist, ce ne m'aviendra mie, Couci, II.
   Jà puis Dex ne me doint Joie en ma vie, ib. II.
   Diex ! car [je] la peüsse tenir Un seul jour à ma volenté !, ib. III.
   Douce dame, car m'otroiez pour Dé Un douz regard de vous...., ib. XIV.
   L'apostole [il] salue de Deu et de son nom [en son nom], Sax. XIV.
   Au jour du jugement quant Dex tiendra ses plais, ib. XV.
   E que vous eüssiez merci e pieté De mei qui sui mendis en estrange regné ; Mais Deu merci jo ai à mun vivre à plenté, Th. le mart. 77.
   Mes fiz [mon fils] estes en Deu : si vus dei chastier, ib. 78.
   XIIIe s.
   Car il ne plut à Dieu qui tout a à garder, Berte III.
   Berte s'est esveillie, si se commande à Dé, ib. XV.
   Une marastre [j'] avoie, le cors Dieu la gravent, ib. XLVII.
   Cele dame morut, l'ame en puist Diex garder, ib. III.
   Au departir lor fis la loupe ; Or m'en repent, Diex moie coupe, Ren. 10818.
   Renart, dist Grinberz, par ma foi, Ce est le miaudre que g'i voi, Et faites si, ne deloiez, Et je m'en vois, à [avec] Dieu soiez, ib. 19206.
   Trestuit se claiment de Renart, Et font une noise si grant Que en n'oïst pas Dieu tonant, ib. 11898.
   Dieu merci, teles malveses coustumes ne cueurent pas, BEAUMANOIR XXXVIII, 15.
   Se Dius m'ahit [m'aide], et li saint, et toutes les saintes...., BEAUMANOIR LXIV, 10.
   Dix commanda que on amast son proisme [prochain] comme soi meisme, BEAUMANOIR XXXVIII, 12.
   Ce nous sanle [semble] grans porfis, se noz, par nostre travail, à l'ayde de Diu, lors poons parfere cest livre, BEAUMANOIR ib..
   Se Diex morut en la croiz, ainsi fist-il [S. Louis], JOINV. 192.
   Dex hait moult poure orgueilleux, jeune paresseux, et vieil luxurieux, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 18.
   XIVe s.
   Quant le dieu de fortune ou destinée donne du bien assez, quel mestier est il de amis ? nul, ORESME Eth. 282.
   Et se il est nul autre don fait des diex as hommes, il est raisonnable que felicité soit don de dieu, ORESME ib. 20.
   Quand il y a trop grant distance, si come d'un qui soit fait dieu à l'autre qui est encor home, adonques n'y est pas amisté, ORESME ib. 242.
   XVe s.
   [La roine d'Angleterre passa la mer pour voir son mari] Et eut si bon vent, Dieu mercy, qu'elle fut tantost outre, FROISS. I, I, 308.
   Connestable, dit le roi, Dieu vous en oye !, FROISS. II, II, 196.
   En nom Dieu, dit messire Robert, le royaume vous loué-je bien vuider, et traire devers l'empire, FROISS. I, I, 12.
   En nom de Dieu, seigneurs, ce respondirent les fuyans...., FROISS. I, I, 133.
   [Le capitaine voulait qu'on abandonnât les fauxbourgs, les bourgeois dirent :] qu'ils se trairoient sur les champs et attendroient là la puissance du roi d'Angleterre.... quand le connestable ouït leur bonne volonté, si respondit : ce soit au nom Dieu, et vous ne combattrez point sans moi et sans mes gens, FROISS. I, I, 271.
   La fin de ceulx qui assavourent les choses terriennes est la mort, les quels aussi font de leur ventre leur dieu, Jeh. de Saintré, ch. 5.
   Ma fille [Jeanne d'Arc], estes-vous venue pour lever le siege d'Orleans ? à quoy elle respondit : en nom Dé, dist elle, Chron. du siege d'Orléans, 1429, Bibl. des Chartes, 3e série, t. III, p. 504.
   XVIe s.
   Dieu a cent mille aïes [aides], LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 15.
   Dieu sçait qui est bon pelerin, LEROUX DE LINCY ib. p. 17.
   Il est riche que Dieu aime, il est poure que Dieu hait, H. EST. Precellence, p. 168.
   Contre Dieu nul ne peut, H. EST. ib..
   En peu d'heures Dieu labeure, H. EST. ib..
   L'homme propose et Dieu dispose, H. EST. ib..
   Dieu paie tout, H. EST. ib..
   Qui du sien donne, Dieu lui redonne, H. EST. ib..
   Il ne perd rien qui ne perd Dieu, H. EST. ib..
   Qui en son vivant met Dieu en oubli, à la mort ne luy souvient de luy, H. EST. ib..
   Qui s'abbaisse, Dieu l'essauce [exhausse], H. EST. ib..
   Dieu donne le fil à toile ourdie, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 15.
   Dieu est au prendre et le diable au rendre, LEROUX DE LINCY ib..
   Dieu me garde de quatre maisons, De la taverne, du lombard [lieu de prêt], De l'hospital et de la prison, LEROUX DE LINCY ib..
   Dieu donne le froid selon la robbe, LEROUX DE LINCY ib. p. 16.
   À qui Dieu veut ayder, sa femme meurt, LEROUX DE LINCY ib. p. 18.
   De Dieu vient le bien, et des aveilles le miel, LEROUX DE LINCY ib. 19.
   Dict sans faict à Dieu deplaict ; Dict faisant à Dieu plaisant, LEROUX DE LINCY ib..
   Faites loyaulté, et Dieu vous la fera, LEROUX DE LINCY ib..
   Il ne croit en Dieu que sur bons gages [il est quelque peu athée], LEROUX DE LINCY ib. p. 21.
   Salus nous doint Dieu et florins, Que prou trouverons de cousins, LEROUX DE LINCY ib. p. 22.
   Picard, guiu, diu, djiu ; bourguig. dei ; franc-comtois, due ; provenç. deus, dieus ; catal. deu ; espagn. dios ; portug. deos ; ital. dio ; du latin deus. Dans le vieux français, deus, dex, diex, au nominatif ; deu, dieu, au régime.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
DIEU.
   2° Ajoutez :Faire Dieu, dans le langage des adversaires du catholicisme, changer l'hostie au corps et au sang de Jésus-Christ.
   15°
   Arbre de Dieu, le ficus religiosa, BAILLON Dict. de bot. p. 247.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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