mal

mal
mal, ale
(mal, ma-l' ; au pluriel, maux, qu'on prononce mô ; l'x se lie : des mô-z affreux)
1°   Adj. Quinuit, qui blesse.
2°   S. m. Ce qui nuit, ce qui blesse.
3°   La part de mal qui, aux yeux de l'homme, règne dans l'univers.
4°   Ce qui est contraire à la vertu, à la probité, à l'honneur.
5°   Douleur physique, maladie.
6°   Un furoncle, un clou, un abcès, une tumeur.
7°   Dénomination de diverses maladies ou souffrances.
8°   Nom de diverses affections des animaux.
9°   Mal de vers ou mal de bassine ; mal subtil.
10°   Peine, travail.
11°   Dommage, perte, calamité.
12°   Inconvénient.
13°   Paroles désavantageuses, interprétation défavorable.
14°   Adv. Autrement qu'il ne faut.
15°   Se mettre mal.
16°   Prendre mal.
17°   Se trouver mal.
18°   Être mal avec quelqu'un.
19°   Être mal, être malade.
20°   Être mal, être dans une mauvaise situation ; être mal en, être mal pourvu.
21°   Être mal, n'avoir pas un visage agréable.
22°   Pas mal.
   Adj. Quinuit, qui blesse. Mal est adjectif masculin dans les locutions : bon gré, mal gré ; bon an, mal an.
   Il est aussi adjectif dans cette tournure : Il est mal d'acquérir la fortune par des voies illicites.
   Il me semble qu'il ne serait pas mal de considérer de plus près les amertumes présentes, BALZ. Disc. à la régente..
   .... Mais le peu que j'y vois Me paraît mal à vous, et dangereux pour moi, GRESS. Méchant, II, 1.
   Il est féminin dans les locutions suivantes (féminin que ne donne pas le Dictionnaire de l'Académie) : la male faim, voy. faim et malefaim ; la male heure (voy. heure, n° 13){{}}; <
   La force de la male tache du péché originel, GUI PATIN Lett. t. II, p. 556.
   Autrefois mal, male était un adjectif pleinement usité ; il ne reste plus, comme on voit, que des traces de cet usage.
   S. m. Le mal, ce qui nuit, ce qui blesse ; le contraire du bien (c'est l'adjectif mal pris substantivement).
   Ou que leur avint-il en ce vite départ [mort prématurée], Que laisser promptement une basse demeure Qui n'a rien que du mal, pour avoir, de bonne heure, Aux plaisirs éternels une éternelle part ?, MALHERBE I, 4.
   Parlez plus sainement de vos maux et des miens ; Chacun voit ceux d'autrui d'un autre oeil que les siens, CORN. Hor. III, 4.
   Et tous maux sont pareils alors qu'ils sont extrêmes, CORN. ib..
   À raconter ses maux souvent on les soulage, CORN. Poly. I, 3.
   Et de deux maux qu'on craint également Celui qui nous arrive est toujours le plus grand, CORN. Attila, IV, 2.
   Ne perdez pas le souvenir du mal au jour heureux, ni le souvenir du bien au jour malheureux, SACI Bible, Ecclésiastiq. II, 27.
   ....Quand le mal est certain, La plainte ni la peur ne change le destin, LA FONT. Fabl. VIII, 12.
   Sera-ce les philosophes qui nous proposent pour tout bien les biens qui sont en nous ? est-ce-là le vrai bien ? ont-ils trouvé le remède à nos maux ?, PASC. Pens. XII, 1, éd. HAVET..
   Qu'il y a un Dieu, qu'on est obligé de l'aimer, que notre vraie félicité est d'être en lui, et notre unique mal est d'être séparé de lui, PASC. ib..
   N'appelons mal que ce qui rend la victime de Dieu victime du diable, PASC. Lett. sur la mort de son père.
   Le mal est aisé, il y en a une infinité ; le bien presque unique ; mais un certain genre de mal est aussi difficile à trouver que ce qu'on appelle bien ; et souvent on fait passer pour bien à cette marque ce mal particulier, PASC. Pens. VI, 61, éd. HAVET..
   Nous n'avons ni vrai ni bien qu'en partie, et mêlé de mal et de faux, PASC. ib. VI, 60, éd. HAVET..
   Le plus grand des maux est les guerres civiles ; elles sont sûres, si on veut récompenser les mérites ; car tous diront qu'ils méritent ; le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance, n'est ni si grand, ni si sûr, PASC. ib. V, 3, éd. HAVET..
   Nous trouvions l'autre jour qu'il n'y avait de véritable mal dans la vie que les grandes douleurs ; tout le reste est dans l'imagination, SÉV. 4 mai 1672.
   Le plus grand de mes maux est de ne t'aimer plus, TH. CORN. Ariane, V, 6.
   Ni les maux qui l'ont surprise, ni ceux qu'elle a prévus n'ont abattu son courage, BOSSUET Reine d'Anglet..
   La pauvreté n'était pas un mal pour eux [les Romains], BOSSUET Hist. III, 6.
   Il importe que vous ayez des maux à souffrir, tant que vous en aurez à corriger ; il importe que vous ayez des maux à souffrir, tant que vous serez au milieu des biens où il est dangereux de se plaire trop, BOSSUET Sermons, Vêture de Mlle de Bouillon, 2.
   Reconnaissez ici le monde ; reconnaissez ses maux toujours plus réels que ses biens, BOSSUET Anne de Gonz..
   Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire, BOILEAU Art p. I.
   Quel est donc ce grand mal que leur courroux [des dieux] annonce ?, RAC. Théb. II, 2.
   Je souffre tous les maux que j'ai faits devant Troie, RAC. Andr. I, 4.
   Tout mal arrive avec des ailes, et s'en retourne en boitant, VOLT. Lett. Mme de Lutzelbourg, 14 oct. 1754.
   Il ne faut croire le mal que quand on ne peut plus faire autrement, VOLT. Lett. d'Argence, 10 juill. 1767.
   Je suis bien loin de vous dire, comme certains raisonneurs, que les maux particuliers forment le bien général ; cette extravagance est trop ridicule, VOLT. Jenni, 9.
   Il rassemble sur lui tous les maux des enfers, VOLT. Oedipe, I, 3.
   En politique, comme en morale, c'est un grand mal que de ne point faire le bien, J. J. ROUSS. Disc. rétabl. des sciences..
   Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur, BEAUMARCH. le Barb. de Sév. II, 2.
   Sire, un mal violent veut un remède extrême, M. J. CHÉN. Ch. IX, III, 2.
   Un mal d'opinion, un mal qui n'est mal que dans l'opinion, dans l'imagination des hommes.
   Un mal d'opinion ne touche que les sots, MOL. Amph. I, 4.
   Les maux d'imagination, les maux qui ne sont pas réels.
   C'est une idée assez heureuse pour exprimer la crainte des maux d'imagination que l'allégorie d'un enfant qui souffle en l'air des boules de savon, et qui, s'effrayant de leur chute, inspire la même frayeur à une foule d'autres enfants, sur qui ces boules vont retomber, MARMONTEL Élém. de litt. Oeuvr. t. V, p. 129. dans POUGENS.
   Faire du mal, nuire, infliger quelque chose qui fasse souffrir.
   Tant de gens qui ne vous ont point fait de mal, PASC. Prov. XVI.
   Nous avons été si vilainement trompés par la Jarie.... si vous pouvez épargner Pasgerant, j'en serai bien aise ; mais, pour la Jarie, je vous prie de lui faire non-seulement toute la peur, mais encore le mal, s'il en faut venir là, SÉV. à d'Hérigoyen, 8 févr. 1687.
   Ce mensonge ne fait aucun mal à personne, FÉN. Tél. III.
   Je gagne déjà quelque chose à dire du mal ; si je puis parvenir à en faire, ma fortune est faite, VOLT. Écoss. I, 1.
   L'occasion de faire du mal se trouve cent fois par jour, et celle de faire du bien une fois dans l'année, comme dit Zoroastre, VOLT. Zadig, 4.
   Ils [les gens de la cour, dans un château royal, à la campagne] chassent à travers nos blés avec leurs chiens et leurs chevaux, ouvrent nos haies, gâtent nos fossés, nous font mille maux, mille sottises, P. L. COUR. Simple disc..
   Oh ! fuis ! détourne-toi de mon chemin fatal ; Hélas ! sans le vouloir je te ferais du mal !, V. HUGO Hern. III, 4.
   Vouloir du mal à quelqu'un, souhaiter que du mal lui arrive, être irrité contre lui.
   Aussi bien que Pompée, il vous voudra du mal, CORN. Pomp. I, 1.
   Que je veux de mal à mes gens, de ne vous avoir pas fait entrer d'abord !, MOL. Festin, IV, 3.
   Mais aujourd'hui, Cliton, elle attend ma visite, Et me voudra du mal, si je ne m'en acquitte, TH. CORN. l'Amour à la mode, I, 5.
   À la fin je me suis voulu un mal incroyable de m'être opposé un seul moment à ce mariage, D'ALLAINVAL École des bourg. III, 1.
   On dit dans le même sens : vouloir mal, ou, en renforçant, vouloir mal de mort.
   [Ô mort] Ceux qui te veulent mal sont ceux que tu conserves, MALH. I, 4.
   Mon coeur, es-tu si tendre Que de donner des pleurs à l'époux de Cassandre, Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?, ROTROU Vencesl. IV, 2.
   Je me veux mal de mort d'être de votre race, MOL. Femm. sav. II, 7.
   Je suis sotte, et veux mal à ma simplicité, De conserver encor pour vous quelque bonté, MOL. Mis. IV, 3.
   Vous voulez un grand mal à la nature humaine, MOL. ib. I, 1.
   Ils voulurent mal à leurs officiers de ce qu'ils n'étaient pas si bien servis, HAMILT. Gramm. 2.
   Il vous en prendra mal, mal vous en prendra, cela vous causera du mal, du dommage.
   Absolument. Le mal, la part de mal qui aux yeux de l'homme règne dans l'univers. Les philosophes ont cherché longtemps la cause du mal. La religion de Zoroastre attribue le mal à un mauvais principe qui partage la souveraineté du monde avec le principe de bien.
   Il n'y a point de mal pour le grand être ; il n'y a pour lui que le jeu de la grande machine qui se meut sans cesse par des lois éternelles, VOLT. Philos. de l'âme, 5.
   Wolmar se contentait de l'aveu que, peu ou beaucoup, enfin le mal existe, et de cette seule existence il déduisait défaut de puissance, d'intelligence ou de bonté dans la première cause, J. J. ROUSS. Hél. V, 5.
   Le mal dès lors régna dans son immense empire ; Dès lors tout ce qui pense et tout ce qui respire Commença de souffrir, LAMART. Méd. I, 7.
   Terme de philosophie. Mal métaphysique, imperfection de nature qui tient à l'essence des choses.
   Mal physique, les souffrances, les maladies, la mort.
   Mal moral, crime et péché.e qui est contraire à la vertu, à la probité, à l'honneur. La science du bien et du mal.
   Il y a des gens de qui l'on ne peut jamais croire du mal sans l'avoir vu ; mais il n'y en a point en qui il nous doive surprendre en le voyant, LA ROCHEF. Max. 197.
   Il n'a point vu le soleil et n'a point connu la différence du bien et du mal, SACI Bible, Ecclésiaste, VI, 5.
   Et le mal n'est jamais que dans l'éclat qu'on fait, MOL. Tart. IV, 5.
   On ne doit pas faire le moindre mal pour faire réussir le plus grand bien, PASC. Prov. 11.
   On se corrige quelquefois mieux par la vue du mal que par l'exemple du bien, PASC. Lett. à Mlle de Roannez, 7.
   Dieu conserve au juste un plus grand don ; il retire le pécheur d'un plus grand mal, BOSSUET Mar.-Thér..
   Il [saint Augustin] nous apprend qu'il y a en nous deux sortes de maux : il y a en nous des maux qui nous plaisent, et il y a des maux qui nous affligent, BOSSUET Sermons, Vêture de Mlle de Bouillon, 2.
   Quand les hommes veulent quitter le mal, le mal semble encore les poursuivre longtemps, FÉN. Tél. XXII.
   Laure avait eu autant de peine à porter sa fille au mal que les autres mères en ont à porter les leurs au bien, LE SAGE Gil Blas, XII, 3.
   Que personne ne songe à tromper les autres, c'est s'abuser soi-même ; qui mal fait, mal trouvera, LE SAGE Guz. d'Alfar. I, 6.
   La honte, compagne du mal, me rendit muet, tremblant devant elle, J. J. ROUSS. Confess. IX..
   Tout ce qui est mal en morale est mal encore en politique, J. J. ROUSS. Lett. à d'Alembert..
   Serait-ce un mal de s'unir quand on s'aime, Pour que le ciel voulût nous en punir ?, MALFILÂTRE Narcisse, II.
   Induire quelqu'un à mal, le porter au vice, au péché, au crime.
   Mettre une femme à mal, la séduire.
   Le luxurieux animal Mit une pauvre fille à mal, SCARR. Virg. VI.
   Femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content, MOL. Festin, V, 7.
   Je ne pense pas que vous espériez la mettre à mal, HAMILT. Gramm. 7.
   Mettre à mal, se dit aussi, en général, pour corrompre.
   C'est l'imprimerie qui met le monde à mal, c'est la lettre moulée qui fait qu'on assassine depuis la création, et Caïn lisait les journaux dans le paradis terrestre, P. L. COUR. Lett. au réd. du Cens. 9.
   Penser, songer à mal, avoir quelque intention maligne ou mauvaise.
   Si un pauvre philosophe qui ne pense point à mal, s'avise de vouloir faire tourner la terre, VOLT. Dict. phil. Contradictions..
   Toutes ces bonnes gens sont trop occupés pour songer à mal, VOLT. Dial. XXIV, 3.
   Il n'y a pas de mal à, on ne pèche pas en.
   Quel mal y a-t-il d'aller dans un champ et de s'y promener en attendant un homme ?, PASC. Prov. 7.
   Il n'y a pas de mal entre eux, se dit pour exprimer que les relations d'un homme et d'une femme sont tout à fait innocentes.
   Messieurs, vous vous trompez, si vous croyez qu'il y ait du mal entre nous : je vous assure que nous sommes comme frère et soeur, SÉV. 48.
   Familièrement. Faire du mal, commettre quelque action contraire à la morale.
   Un jour la duchesse d'Uzès, étonnée de ses scrupules [de Mme de Montespan], ne put s'empêcher de lui en dire un mot : Eh ! pourquoi, madame reprit Mme de Montespan, faut-il, parce que je fais un mal, faire tous les autres ?, Mme DE CAYLUS Souvenirs, édit. 1805, p. 69.
   La comtesse : Si quelqu'un entrait ? - Suzanne : Est-ce que nous faisons du mal donc ?, BEAUMARCH. Mar. de Fig. II, 4.
   Douleur physique, maladie.
   J'ai une extrême tristesse de voir que mon âme soit divisée en deux corps si faibles que le vôtre et le mien, et qu'il faille que je sois toujours malade de mes maux ou des vôtres, VOIT. Lett. 42.
   Mes yeux ont-ils du mal pour en donner au monde ?, MOL. Éc. des f. II, 6.
   Considérez les maux que je souffre et qui me menacent ; voyez d'un oeil de miséricorde les plaies que votre main m'a faites, Ô mon Sauveur, qui avez aimé vos souffrances en la mort, PASC. Prière pour le bon usage des maladies, 10.
   Faites-moi bien connaître que les maux du corps ne sont autre chose que la punition et la figure tout ensemble des maux de l'âme, PASC. ib. 7.
   Quand on se porte bien, on admire comment on pourrait faire si on était malade ; quand on l'est, on prend médecine gaiement ; le mal y résout, PASC. Pens. VI, 16, éd. HAVET..
   La pauvre la Mousse a eu mal aux dents, SÉV. 78.
   Il a un peu mal à la main droite, SÉV. 474.
   Elle [ma fille] me mande qu'elle est mieux, qu'elle n'a point de mal à la poitrine, SÉV. au comte de Guitaut, 18 mai 1680.
   Toujours assis, comme son mal le demandait, BOSSUET le Tellier..
   Et celle [la maladie] que nous appelons la dernière, qu'est-ce autre chose, à le bien entendre, qu'un redoublement et comme le dernier accès du mal que nous apportons au monde en naissant ?, BOSSUET Mar.-Thér..
   Lorsqu'un mal funeste et contagieux se répandit tout à coup...., FLÉCH. Duc de Mont..
   Ces douces ménades Qui, dans leurs vains chagrins, sans mal toujours malades..., BOILEAU Sat. X..
   Courtois et Denyau [deux médecins], mandés à son secours.... sauront bien.... Lui donner sagement le mal qu'elle n'a point, BOILEAU ib..
   Vous périssez d'un mal que vous dissimulez, RAC. Phèdre, I, 1.
   Philoctète est peut-être le seul sujet tragique dans lequel les maux physiques puissent être admis, STAËL Corinne, VIII, 3.
   Un mal cuisant déchire ma poitrine, BÉRANG. le Malade.
   Particulièrement, les maux, petites souffrances continuelles, par opposition à maladie.
   Ne soyez point en peine de ma santé, elle est délicate : un rien la dérange : souvent des maux, jamais de maladie, MAINTENON Lett. à Mme d'Aubigné, 22 oct. 1681.
   Maux de nerfs, souffrances indéterminées, synonyme de vapeurs, hypocondrie, etc.
   Mal de tête, douleur qu'on éprouve à la tête, céphalalgie.
   Madame eut avant-hier la fièvre jusqu'au soir, Avec un mal de tête étrange à concevoir, MOL. Tart. I, 5.
   Elle feignit un mal de tête ; et l'on sait qu'un mal de tête, pour une jolie femme, est une manière civile de congédier les importuns, MARMONTEL Cont. mor. Heur. div..
   Mal du pays, maladie du pays, la nostalgie.
   Ces bals charmants où les femmes sont reines, J'y meurs, hélas ! j'ai le mal du pays, BÉRANG. Nostalgie..
   Mon ami, tu es triste, tu te promènes seul tu fuis tes camarades, tu as le mal du pays, P. L. COUR. Seconde lett. partie..
   Chaud mal, la fièvre chaude, le transport au cerveau.
   Fig. Tomber de fièvre en chaud mal, tomber d'un petit accident en un plus grand, voir empirer sa condition.
   C'est tomber de fièvre en chaud mal, SCARR. Virg. I.
   Allez, Dieu vous garde de mal, se dit à quelqu'un que l'on congédie, que l'on reconduit.
   Faire mal à, causer de la douleur, de la maladie.
   Mon coeur.... N'entend pas que mes yeux fassent mal à personne, MOL. l'Étourdi, I, 3.
   La bise de Grignan [qui règne à Grignan, en Provence].... me fait mal à votre poitrine, SÉV. 29 déc. 1688.
   Faire mal se dit aussi de la partie qui est douloureuse. Le doigt me fait mal. Le genou m'a fait mal toute la nuit.
   Se faire mal, se blesser. Elle s'est fait mal au doigt.
   Sous prétexte que je me fais mal aux yeux, SÉV. 239.
   Familièrement, un mal, un furoncle, un clou, un abcès, une tumeur.
   Je ne puis continuer ma lettre : on parle d'ouvrir le mal du roi en quatre, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 7 sept. 1697.
   Mal joint à une autre qualification sert à dénommer diverses maladies ou souffrances.
   Mai des ardents, maladie qui paraît avoir été une affection gangréneuse, caractérisée surtout par des destructions de la peau et des membres ; cette affection a régné à diverses reprises d'une manière épidémique, pendant le moyen âge.
   Mal d'aventure, nom donné à de petits abcès qui surviennent près d'un des ongles de la main.
   On donne aussi aux panaris le nom de mal d'aventure.
   Mal caduc, mai Saint-Jean, mal sacré, haut mal, l'épilepsie.
   Mal chimique, nom donné par les ouvriers à la nécrose de la mâchoire inférieure causée par le travail prolongé dans les fabriques d'allumettes phosphorées ou allumettes chimiques.
   Mal de coeur, envie de vomir, nausées.
   À moitié chemin j'eus un grand mal de coeur, SÉV. 58.
   Mal de coeur, maux de coeur, symptôme de grossesse.
   Fig. Mal de coeur, dégoût de quelque chose ou de quelqu'un.
   Parlons un peu de votre frère, ma fille, il est d'une faiblesse à faire mal au coeur ; il est tout ce qu'il plaît aux autres, SÉV. 44.
   Il me vient tout conter, en disant qu'il se fait mal au coeur à lui-même ; je lui dis qu'il me fait mal au coeur aussi, je lui fais honte, je lui dis que ce n'est point la vie d'un honnête homme, SÉV. ib..
   Mal d'enfant, les douleurs d'une femme qui accouche.
   Une montagne en mal d'enfant, LA FONT. Fabl. V, 10.
   Mal de Fiume ou scherlievo, voy. ce mot.
   Mal français, voy. mal de Naples.
   Mal de gorge des prédicateurs, angine glanduleuse ou granuleuse.
   Mal de mâchoire, nom vulgaire donné au trismus.
   Mal de mer, indisposition à laquelle beaucoup de personnes sont sujettes lorsqu'elles vont sur mer, et qui est caractérisée par des désordres d'estomac.
   Mal de mère, l'hystérie.
   Mal de misère, nom donné par quelques médecins à la pellagre.
   Mal de montagne, l'ensemble des phénomènes qui se manifestent lors de l'ascension sur les hautes montagnes.
   Mal de mort, nom d'une espèce de lèpre, dans laquelle les parties affectées prenaient une couleur livide et semblaient dans un état complet de mortification.
   Mal de Naples, nom que les Français donnent à la syphilis, parce que des soldats l'apportèrent, dit-on, autrefois du siége de Naples, vers la fin du XVe siècle ; les Italiens, au contraire, qualifient cette maladie de mal français.
   Tu pourras lui dire, que sans ma maladie de Naples (qui n'était pas le mal de Naples), j'aurais fait il y a six mois cette demande, P. L. COUR. Lett. 27 juill. 1808.
   Mal de rose ou mal des Asturies, sorte de pellagre, ainsi dite parce qu'elle donne une teinte rouge à la peau et qu'elle règne dans les Asturies.
   Mal rouge de Cayenne, espèce d'éléphantiasis.
   Mal Saint-Antoine, sorte d'érésipèle.
   Mal Saint-Jean, la chorée.Mal Saint-Lazare, l'éléphantiasis.
   Mal Saint-Main, nom donné tantôt à la gale, tantôt à la lèpre.
   Mal de Saint-Roch, maladie des paveurs et tailleurs de pavés de Paris et de Fontainebleau, et qui provient de l'introduction de la poussière du grès dans les poumons.
   Mal de Siam, nom donné à la fièvre jaune, parce qu'on a cru que, dans le XVIIe siècle, elle avait été apportée de Siam dans les îles de l'Amérique ; ce qui est une erreur.
   Mal vénérien, la syphilis.
   Populairement. Avoir du mal, avoir la syphilis. Donner du mal, gagner du mal, communiquer la syphilis, être atteint de syphilis.
   Il s'emporta, et dit... que, si sa femme avait du mal, elle était...., SÉV. 21 août 1675.
   Mal vertébral de Pott, carie d'une ou de plusieurs vertèbres, ainsi appelée parce que Pott, chirurgien anglais, en a donné une excellente description.
   Mal est employé dans le langage des vétérinaires pour désigner diverses affections des animaux.
   Mal d'âne, crevasses qu'on remarque souvent autour de la couronne du sabot des bêtes chevalines, de l'âne surtout, lorsque ces animaux sont atteints d'eaux aux jambes.
   Mal de bois ou mal de brout, maladie qui attaque les bestiaux qu'on mène paître, au printemps, dans les bois.
   Mal de cerf, maladie du cheval qui ne paraît pas différer du tétanos.
   Mal d'encolure, nom générique des blessures de la partie supérieure de l'encolure produites par des contusions ou des frottements répétés.
   Mal de feu ou mal d'Espagne, hépatite aiguë des animaux, accompagnée d'inflammation des méninges. On l'appelle aussi vertige idiopathique.
   Mal de foie, nom vulgaire qui a été donné à la pourriture du mouton ou cachexie aqueuse.
   Mal de garrot, meurtrissure ou blessure faite au garrot du cheval.
   Mal de pied, nom vulgaire donné au piétin.
   Mal de rognon, contusion sur les apophyses épineuses des dernières vertèbres dorsales et des vertèbres lombaires, chez les bêtes chevalines.
   Mal de taupe, tumeur qui survient à la région de la nuque chez le cheval, et même chez le boeuf, où elle porte le nom d'écrouellet.
   Mal de tête de contagion, nom donné tantôt à l'anasarque, tantôt à la morve gangréneuse chez le cheval.
   Terme de magnanerie. Mal de vers ou mal de bassine, affection observée dans les fabriques où l'on dévide les cocons de soie.
   Terme de fauconnerie. Mal subtil, espèce de phthisie qui attaque les oiseaux de proie.
10°   Peine, travail. Il a eu bien du mal à l'armée.
   Le lendemain aura soin de lui-même ; à chaque jour suffit son mal, SACI Bible, Évang. St Math. VI, 34.
   Se donner du mal, prendre de la peine. Il s'est donné beaucoup de mal pour faire réussir cette affaire.
   Que de mal nous nous donnons Pour tromper des infidèles !, BÉRANG. Chapons..
   Fig. Avoir du mal, bien du mal à faire une chose, la faire avec répugnance, avec chagrin. Il a eu bien du mal à vous quitter.
11°   Dommage, perte, calamité. La gelée a fait beaucoup de mal aux vignes.
   Quel mal nous fait sa vie ?, CORN. Poly. I, 4.
   Sur les coussins où la douleur l'enchaîne, Quel mal, dis-tu, vous fait ce roi des rois ?, BÉRANG. Octavie..
12°   Inconvénient.
   Il n'y a point de mal qu'elle médite un peu là-dessus, BALZ. liv. VII, lett. 47.
   Je ne saurais choisir un plus parfait berger ; Tout le mal que j'y trouve est qu'il est étranger, RACAN Berger. I, sc. 3, Arténice..
   Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours Qu'il faut chômer..., LA FONT. Fabl. VIII, 20.
   Le mal est qu'en rimant, ma muse un peu légère Nomme tout par son nom, et ne saurait rien taire, BOILEAU Disc. au roi..
   Le mal de changer est-il toujours moins grand que le mal de souffrir ?, MONTESQ. Esp. XIX, 18.
   Quel mal y aurait-il à prévenir un forfait par de l'indulgence pour une faiblesse ?, DIDER. Claude et Nér. I, 48.
   Quand on le découvrirait, le grand mal ! est-il défendu d'aimer la campagne, la solitude ?, GENLIS Ad. et Théod. t. III, p. 186, dans POUGENS.
   Il n'y a que demi-mal, le mal est peu considérable.
13°   Paroles désavantageuses tenues sur quelqu'un ou quelque chose ; et aussi interprétation défavorable donnée à quelque chose. C'est un homme qui prend tout en mal. La médisance tourne en mal les paroles innocentes. Pourquoi expliquer en mal ce qui est dit indifféremment ?
   Qu'on parle bien ou mal du fameux cardinal ; Ma prose ni mes vers n'en diront jamais rien ; Il m'a fait trop de bien pour en dire du mal, Il m'a fait trop de mal pour en dire du bien, CORN. .
   Ce poëme a tant d'illustres suffrages qui lui donnent le premier rang parmi les miens, que je me ferais trop d'importants ennemis si j'en disais du mal, ID. Cinna, Exam..
   Parbleu ! tous les autres comédiens qui étaient là pour la voir [une pièce], en ont dit tous les maux du monde, MOL. Critique, 7.
   Avec ces premiers [les confesseurs] on est comme Mlle d'Aumale, on aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler, SÉV. 238.
   Le mal qu'on dit d'autrui ne produit que du mal, BOILEAU Sat. VII.
   On m'a dit aujourd'hui du mal de la santé de M. d'Argenson ; c'est le seul mal qu'on puisse dire de lui, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 26 juill. 1764.
   Je serais fort étonné si le roi son père [de Frédéric II] revenait de sa maladie ; il faut qu'il soit bien mal, puisqu'il est défendu en Prusse de parler de sa santé ni en bien ni en mal, VOLT. Lett. d'Argenson, 30 mars 1740.
   Dites, pour l'achever, du mal de la maison, GRESSET Méchant, III, 9.
   La louange la plus flatteuse pour une jolie femme, c'est le mal qu'on lui dit de ses rivales, MARMONTEL Cont. mor. 4 flac..
   On lit dans la Bruyère, VIII : Pensant mal de tout le monde, il n'en dit de personne. Il serait plus correct de dire : Pensant du mal de tout le monde.
14°   Mal, adv. Autrement qu'il ne faut.
   Quel espoir mal conçu te rapproche de moi ? Aurais-je de l'amour pour qui n'a point de foi ?, CORN. la Place royale, V, 8.
   Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures, On pense en être quitte en accusant son sort, LA FONT. Fabl. V, 11.
   Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustât l'histoire, Le loup fut un sot de le croire, LA FONT. ib. XI, 6.
   Pour modérer leur folie au moins mal qu'il se pouvait, PASC. Pens. VI, 52, édit. HAVET..
   Un as mal à propos jeté, BOILEAU Sat. X..
   Paix ! crois-moi, ne parle guère ; J'en sais qui, sans dire mot, N'ont pas mal fait leur affaire, CHAULIEU Dialogue entre deux perroquets.
   Un amant en grand deuil a toujours son mérite ; Et, quand, comme Carlin, on serait mal formé, Du moment qu'on hérite, on est sûr d'être aimé, REGNARD le Distr. II, 7.
   Mais qui sait mal, n'apprendra jamais bien, J. B. ROUSS. Épît. II, 6.
   Vous ne pouvez plus être occupé à bien dire, quand vous êtes effrayé par la crainte de dire mal, MONTESQ. Déf. Espr. lois, part. 3.
   Pour bien assurer qu'une chose est mal, il faut voir en même temps qu'on pourrait mieux faire, VOLT. Philos. Traité de métaph. ch. II.
   Mais tremblez en formant ces noeuds mal assortis, VOLT. Alz. I, 4.
   Comment me prouverez-vous que ces mauvais penchants dont vous prétendez le guérir [l'enfant], ne lui viennent pas de vos soins mal entendus, bien plus que de la nature ?, J. J. ROUSS. Ém. II.
   Mal, dans un sens négatif.
   Toutefois j'aurais tort de jeter dans les coeurs, L'avis étant mal sûr, de paniques terreurs, CORN. Cid, II, 7.
   Et nous aurions le ciel à nos voeux mal propice...., CORN. Hor. V, 3.
   Et la vertu timide est mal propre à régner, CORN. Perthar. IV, 3.
   Il semble qu'ils sortent d'ici mal satisfaits, MOL. Préc. 2.
   Qu'ils viennent essayer leur main mal assurée, RAC. Brit. IV, 3.
   Mal fait, dont le corps est mal fait, qui a mauvaise tournure.
   Une personne aussi malfaisante que mal faite, BALZ. I, 340.
   Substantivement.
   Peux-tu me conseiller de commettre un forfait, D'abandonner Lélie et prendre ce mal fait ?, MOL. Sgan. 2.
   On écrit quelquefois en un seul mot : malfait.
   Faire mal, exécuter d'une manière défectueuse. Il fait mal tout ce qu'il fait.
   C'est mal dire, c'est s'exprimer d'une façon inexacte.
   Chardon de la Rochette.... se présente à l'Académie, qui toute d'une voix le refuse ; non, c'est mal dire : on ne fit nulle attention à lui, P. L. COUR. Lettre à messieurs de l'Académie.
   Cote mal taillée, voy. cote.
   Terme de blason. Mal taillé, se dit des pièces grossièrement dessinées.
   Terme de chasse. Un animal est mal mené lorsqu'il a beaucoup couru et qu'il est sur ses fins.
   Mal à l'aise, incommodé tant au physique qu'au moral. Mal à l'aise en présence d'une personne qu'il avait offensée.
   Pris dans un corps mal fait, où je suis mal à l'aise, V. HUGO le Roi s'amuse, II, 2.
15°   Se mettre mal, s'habiller sans goût, voy. mettre.
16°   Prendre mal une chose, s'en offenser. Il a mal pris la réponse qu'on lui a faite.
   Prendre mal un passage, n'en pas saisir le véritable sens.
   Parler mal, dire du mal.
   [Il] Parle bien de lui-même et mal de tout le monde, GRESSET Méchant, IV, 6.
17°   Se trouver mal, tomber en faiblesse, en défaillance, et aussi éprouver du malaise.
   Se trouver mal d'une chose, en éprouver du dommage, de l'inconvénient.
   Mal en point, voy. point.
18°   Être mal avec quelqu'un, être brouillé avec lui.
   Je vous assure que ceux qui disent et qui écrivent que vous êtes mal avec moi sont mal instruits : vous n'y avez jamais été si bien, MAINTENON Lett. au card. de Noailles, 24 mars 1706.
   C'est mon avis ; si vous ne le suivez pas, nous n'en serons pas plus mal ensemble, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, t. II, p. 146, dans POUGENS.
   Il est vrai que j'étais née douce, et qu'avec le caractère que j'avais, rien ne m'aurait plus inquiétée que de me sentir mal dans l'esprit de quelqu'un, MARIVAUX Marianne, 10e part..
   L'opinion publique, la créance de tous les ligueurs était qu'il fallait tuer son roi, s'il était mal avec la cour de Rome, VOLT. Henr. Évén. sur lesquels elle est fondée..
   Mettre quelqu'un mal avec, le brouiller avec.
   Il était impossible de le mettre mal [Aristippe] avec eux [les rois], FÉN. Aristippe..
   Se mettre mal avec quelqu'un, se brouiller avec lui.Être mal en cour, n'avoir pas la faveur du prince.
   Ce sont apparemment mes ennemis, madame, qui vous ont fait ces contes ; ils vont criant que je suis mal en cour, VOLT. Taureau blanc, 3.
   Fig.
   Trop mal avec la fortune pour pouvoir en soutenir la dépense [d'une certaine existence], HAMILT. Gramm. 5.
   N'être pas mal avec une dame, se dit dans un style cavalier pour faire entendre qu'on a touché son coeur.
   Je suis venu à la campagne, me dit-il, pour faire plaisir à la maîtresse de la maison, avec laquelle je ne suis pas mal, MONTESQ. Lett. pers. 48.
19°   Être mal, être extrêmement malade.
   Être très mal, être en grand danger.
   Sa fille a été très mal, SÉV. 34.
   J'ai pu vous dire, madame, j'ai été très mal, je le suis encore, parce que la chose est vraie, et parce que l'expression est très conforme à nos décisions académiques ; ce le signifie évidemment : je suis très mal encore ; ce le signifie toujours la chose dont on vient de parler, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 30 mars 1775.
   Être au plus mal, être dans un état désespéré.
20°   Être mal, être dans une mauvaise situation ; se mettre mal, se mettre dans une mauvaise situation.
   Tout le fruit qu'on en cueille est de se mettre mal, Et d'avancer par là les desseins d'un rival, MOL. le Dép. I, 2.
   Vous voilà mal, au moins, si j'en crois l'apparence, MOL. Tart. V, 1.
   Nous sommes mal, monsieur, dans nos affaires [il s'agit de la possibilité d'une arrestation], MOL. Mis. IV, 4.
   Ceux qui sont mal dans leurs affaires, PASC. Prov. VIII.
   Nous ne sommes pas si mal que nos ennemis le croient, et que nous le disons souvent nous-mêmes, MAINTENON Lett. au duc de Noailles, 3 mai 1705.
   Ce libraire était mal dans ses affaires ; M. de Voltaire lui prêta dix mille livres, VOLT. Comment. oeuvr. aut. Henr..
   Être mal en, être peu pourvu de.
   Un de leurs citoyens, Noble, à ce que l'on dit, mais un peu mal en biens, CORN. le Ment. V, 1.
   Vous voilà bien mal en preuves, PASC. Prov. XVI.
   Être mal en, signifie aussi que ce qu'on a est mauvais. Il est mal en femme.
   Tous [les amants de Pénélope] s'écrièrent que Télémaque était bien mal en hôtes : l'un, dirent-ils, est un mendiant, et l'autre nous donne des extravagances pour des prophéties, FÉN. t. XXI, p. 469.
21°   Dans le langage familier, être mal se dit pour exprimer que le visage est laid, que la tournure est laide. Cette jeune fille est mal. Cette jeune fille n'est pas mal.
   On le dit aussi des choses. Ce vin n'est pas mal. Ce thème n'est pas mal.
22°   Pas mal, se dit familièrement pour approuver quelque chose. Pas mal, vraiment.
   Pas mal, pour un barbare, VOLT. Dict. phil. Dieu..
   Dans le langage familier, pas mal signifie aussi en assez bon nombre, en assez grande quantité. Il n'y avait pas mal de curieux à ce spectacle.
   Pour une jeune fille, elle n'en sait pas mal ; De ces ruses d'amour la croirait-on capable ?, MOL. Éc. des maris, II, 8.
   Tu n'es pas mal impertinent, BARON Homme à bonnes fort. I, 5.
   Après quelques plaintes sur la fausseté des calomnies et l'indécence des outrages répandus dans un mémoire signé, dit-on, Beaumarchais Malbête [Me Malbeste était l'avocat de Beaumarchais], le gazetier de France entreprend de se justifier par un petit manifeste signé Marin, qui n'est pas Malbête, BEAUMARCH. Supplém. au 1er mém. à cons. note 1.
PROVERBES
   Mal vit qui ne s'amende pas, c'est-à-dire il vient un temps où il faut se résoudre à changer de vie.
   Mal sur mal n'est pas santé, se dit en parlant de plusieurs afflictions et infortunes qui arrivent coup sur coup.
   Chacun sent son mal, se dit en se plaignant de quelque affliction secrète dont on ne veut pas dire la cause, et aussi en signifiant qu'on se fait seul idée du mal qu'on ressent.
   Aux grands maux les grands remèdes.
   Mal d'autrui n'est que songe, c'est-à-dire on est bien moins touché du mal d'autrui que du sien propre.
   Avec un participe présent, le participe s'accorde si mal est devant, et reste invariable si mal est après. Des personnes mal pensantes ; des personnes pensant mal.
   Et qu'il est aux enfers des chaudières bouillantes Où l'on plonge à jamais les femmes mal vivantes, MOL. École des femmes, III, 2.
   Xe s.
   Elle n'out eskoltet les mals conselliers, Eulalie.
   Ne aiet niuls male voluntatem contra sem peer [contre son pair], Fragm. de Valenc. p. 469.
   De paganis e de mals christianis, ib..
   E sis [si les] penteiet [repentait] de cil mal que fait habebant, ib..
   XIe s.
   Dès or [il] comence le conseil que mal prist, Ch. de Rol. XII.
   Mal seit del cuer [coeur] qui el piz [poitrine] se couarde, ib. LXXXV.
   Come en Espaigne tu venis [vins] mal, seignur !, ib. CCIV.
   Ne bien ne mal [il] ne respond [à] son nevu, ib. XV.
   Mult grant mal font et cil duc et cil conte, ib. XXVIII.
   Il dist après : paien, mal aies-tu !, ib. CXLIV.
   Ensemble aurons et le bien et le mal, ib. CLVII.
   De nos Franceis [il] va disant si mals mots, ib. XCI.
   Male chançon n'en deit estre chantée, ib. CXI.
   XIIe s.
   Cist maus [ce mal] est grois [grief], Roncisv. 25.
   Qu'après nos mors n'en soit dit negun mal, ib. 49.
   Si Deu plaist et je vif, je vous mettrai à mal, ib. 193.
   Quant je fui mal à [avec] Karlon au vis fier, ib. 161.
   Vendus nous a par male traïson, ib. 84.
   Onques en lor jouvente [ils] ne firent se mal non, Saxons, III.
   Pour lor bonté [je] le di, ne nul mal [je] n'i entent, ib. XXI.
   S'onques grans biens dut estre desserviz [mérité] Por mal avoir, bien doi merci atendre, Couci, V.
   Je ne doi pas amors grant mal vouloir, S'à la plus bele dou mont [du monde] mon cuer rent [je rends mon coeur], ib. IX.
   J'aim mieux ainsi soufrir et endurer Ces très douz maus...., ib. X.
   Et qui mal quiert, il doit bien mal souffrir, ib. XX.
   Et quant mi mal li [à elle] sont bel et plaisant, ib. XX.
   Biax niés [neveu], dist-il, or vait de mal en pis : Se nel trovons, nos sommes mal baillis, Raoul de C. 309.
   XIIIe s.
   Et sachiés que nous ne venismes mie ci pour mal faire, mais pour vous aidier et desfendre, VILLEH. LXVIII.
   Vostre cler vis [visage], qui sembloit flor de lis, Est si alés ore de mal en pis...., QUESNES Romanc. p. 108.
   Si qu'ele fait les bons pour maus [méchants] tenir, HUES DE LA FERTÉ Romanc. p. 184.
   Car li vilains le dist, et s'est vertés [c'est vérité], Que trop vient tost qui mal doit aporter, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 492.
   Il establi les eves de la mer Rouge aussi comme en un boucel [outre, in utre], si que mal ne firent au pueple qui passoit, Psautier, f° 93.
   De deux maux doit en [on] prandre lou meilleur, Merlin, f° 65, recto.
   Et Berte le reçoit, qui mal n'i a pensé, Berte, XV.
   [Elle] Prent pour Dieu plus en gré tous les maus qu'ele endure, ib. XLII.
   Car ele n'ot nouvele qui en mal ne se mue, ib. LXXX.
   Mal semble que je soie de lignage royal, ib. XXVI.
   Dame, ce dit Margiste, de male heure sui née, ib. LXXXII.
   Et li baron se partirent et ralerent cascuns [chacun] en sa tere à mesaise de cuer [coeur], pour çou qu'il n'avoient mie acompli lor volonté et avoient aquis la male amour la roine, Chr. de Rains, p. 189.
   Mariages est maus [mauvais] liens, la Rose, 8871.
   Et plus en gré sunt receü Li biens dont l'en a mal eü, ib. 2614.
   Quant il pleut le soir et fait mal tens de nuit, JOINV. 230.
   Par male avanture, au tourner que je fiz ma teste...., JOINV. 256.
   Taillebours, qui siet sus une male riviere que l'en appele Tarente [Charente], JOINV. 206.
   Quant aucuns est trovés mors, et il n'apert sor li nul signal pour lequel le [la] mors li soit venue, on doit mix [mieux] croire qu'il soit mort de mal d'aventure qu'autrement, BEAUMANOIR LXIX, 14.
   Bestes mues n'ont nul entendement, qu'est biens ne qu'est maus [mal], BEAUMANOIR LXIX, 6.
   XIVe s.
   Et avecques ce ils voient que les fortunes d'unes meismes personnes sont variables et sont males et après bonnes, ORESME Eth. 23.
   Se aucun fiert sanz ce que il soit courcié [courroucé], il fait plus mal que celui qui fiert pour ce que il est courcié, ORESME ib. 209.
   Mal de l'heure que l'acointai, Chastelain de Couci, V. 2593.
   XVe s.
   Sachez que monseigneur d'Anjou me veut grand mal pour la garnison de Lourdes que vous tenez, FROISS. II, III, 10.
   Par saint Denis, repondirent les chevaliers, sire, vous dites voir ; et mal ait qui fuira, FROISS. I, I, 327.
   Les choses iront si mal que les Turcs et les Tartares conquerront toute Grece et convertiront à leur loi, FROISS. II, III, 25.
   Et moult souvent par trop boire.... ils avoient.... si mal en leurs testes que ils ne se pouvoient aider tout le jour, FROISS. II, III, 34.
   Je deconfirai Jean Lyon sans coup ferir, et le mettrai si mal du comte, qu'oncques n'en fut si bien que il en sera mal, FROISS. II, II, 52.
   Toutefois, tout bien considéré, ne veoient-ils point de mal à lui demander...., FROISS. II, III, 19.
   Et quand on dit à Clisson ce qu'il falloit qu'il feist.... ou autrement il seroit en grand danger de sa vie, il luy feit grand mal de l'accorder, JUVÉNAL DES URSINS Charles VI, 1387.
   J'ai maintes fois ouy dire : qui le bien laisse et le mal prent, il fait follie à escient, Perceforest, t. IV, f° 113.
   Se puet chascun net maintenir qui veult, Ne pour nul grief ne doit à mal tourner : Fay ce que doiz et aviengne que peut, E. DESCH. Ball. Fais ce que dois..
   Le roy, à qui il suffisoit d'avoir joué son personnage.... ne leur fist aucune malle responce, mais seullement leur dist...., COMM. IV, 8.
   Qui bien ne mal ne peut souffrir à grant honneur ne peut venir, J. de Saintré, p. 136, dans LACURNE.
   XVIe s.
   Mal pense, qui ne repense, H. EST. Précellence, p. 197.
   Ores me sont courroucez ennemis, Me regardans de mal oeil en travers, AMYOT Solon, 26.
   Le territoire estoit si maigre, qu'à male peine pouvoit-il rapporter pour nourrir ceulx qui le labouroient, AMYOT ib. 42.
   Il luy feit mal de veoir ceste belle image prisonniere entre les mains des barbares, AMYOT Thém. 55.
   Une autre fois il dit au mesme lieu tous les maulx du monde de luy, AMYOT Cicéron, 31.
   La vie n'est de soy ny bien ny mal ; c'est la place du bien et du mal, MONT. I, 86.
   J'en feus si mal, que j'en cuiday remourir, MONT. II, 58.
   Ho, dist-il, vous n'estes tant mal que vous dictes ; non, ou je suys bien trompé à vostre physiognomie, RAB. Pant. II, 21.
   lia, malemort, nous as-tu tollu le plus parfaict des hommes !, RAB. ib. II, 30.
   Le mal feut plus fort que les remedes, RAB. ib. IV, 17.
   De choses mal acquises le tiers hoir ne jouira, RAB. ib. III, 1.
   Non pas par mal [par méchanceté], mais en se jouant, Nuits de Straparole, t. I, p. 116, dans LACURNE.
   D'aucuns feust nommé le mal de Naples, la grosse verolle ; les uns l'ont appellé le mal françois ; et plusieurs autres noms a eu la dite maladie ; mais de moi, je l'appelle le mal de celui qui l'a, Hist. du chev. Bayard, p. 56, dans LACURNE.
   Il [le duc d'Orléans, fils de François 1er] alloit plus viste que monsieur le Dauphin son frere, il estoit prompt, bouillant, et aimant à faire tousjours quelque petit mal, BRANT. Cap. fr. t. I, p. 340, dans LACURNE.
   À peine endure mal qui ne l'a appris, COTGRAVE .
   Il est tost deceu qui mal ne pense, ID. .
   Tel se plaint qui n'a point de mal, COTGRAVE .
   Autant pleure mal batu que bien batu, COTGRAVE .
   Mal fait qui ne parfait, COTGRAVE .
   Mal poise qui ne contrepoise, COTGRAVE .
   Mal soupe qui tout disne, COTGRAVE .
   Qui mal entend mal respond, COTGRAVE .
   Mal se joue qui fiert [frappe] la joue, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 343.
   À mal faire n'y gist qu'amende [réparation], LEROUX DE LINCY ib. p. 344.
   Wallon, mâ, mau ; bourguig. maul : quique maule foteugne, quelque mauvaise fortune ; mau, un mal ; picard, mau : Berry, c'est une male affaire ; mau, un mal ; provenç. mal, mau ; espagn. mal ; portug. mão, et adv. mal ; ital. malo, et adv. mate ; du lat. malus. Il y a dans le sanscrit mala, sale, avare, malina, sale, noir, mauvais ; ces sens conduisent à malus ; le sens primitif est noir, sale ; il y faut donc rattacher le terme grec qui signifie noir.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
   MAL. Ajoutez :
23°   Mal à pied, voy. mal-à-pied au Supplément.
   XVIe s. Ajoutez :
   Et lors commença en la navire le mal de mer [scorbut], dont bien les deux tiers de l'equipage fut affligé, Relation du capitaine de Gonneville, du 19 juin 1505.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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