manche

manche
manche 1.
(man-ch') s. m.
   Partie d'un instrument par où on le prend pour s'en servir.
   L'homme enfin la prie humblement [la forêt] De lui laisser tout doucement Emporter une unique branche, Afin de faire un autre manche, LA FONT. Fabl. XII, 16.
   Fig. Cet homme branle au manche, dans le manche, il est irrésolu et tenté de changer de parti, de dessein ; et aussi il est en danger de perdre sa place, la fortune, la vie.
   Fig. Jeter le manche après la cognée, abandonner une affaire par dégoût, par découragement.
   Ne jetez pas, mon cher Enée, Le manche après votre cognée, SCARR. Virg. III.
   Manche à balai, long bâton au bout duquel est un balai.
   Tous les sorciers du siècle passé croyaient aller au sabbat sur une verge magique ou sur un manche à balai qui en tenait lieu ; et les juges, qui n'étaient pas sorciers, les brûlaient, VOLT. Dict. phil. Verge..
   Le manche de la charrue, que tient le laboureur et qui sert à déterminer la profondeur et la régularité du labour.
   Manche de gigot, voy. gigot.
   Le manche d'une basse, d'une contre-basse, d'un violon, d'une guitare, etc. pièce de bois collée à l'extrémité du corps de ces instruments, et servant non pas seulement à tenir l'instrument mais à porter les chevilles par le moyen desquelles on l'accorde ; c'est en posant les doigts de la main gauche sur le manche qu'on forme les différents tons.
   Savoir, connaître son manche, être sûr de son manche, savoir toucher les cordes avec justesse et précision.
   Terme de marine. Nom donné par quelques marins à une sorte de poignée à plusieurs mains que l'on adaptait à une rame trop grosse pour être maniée par un seul homme.
   Manche de couteau, nom vulgaire donné aux espèces de mollusques du genre solen.
   Fig. Manche à sabre, gens qui ne sont bons qu'à donner un coup de sabre.
   Les intérieurs d'âme que j'ai vus dans la retraite de Moscou m'ont à jamais dégoûté des observations que je puis faire sur les êtres grossiers, sur ces manches à sabre qui composent une armée, STENDHAL Corresp. 21 mai 1843.
   XIIIe s.
   Au bois [le bûcheron] ala pur demander à chascun fust [arbre] qu'il pot trover, Dou quel il peüst menche prendre, MARIE Fable 23.
   Un homme qui ilecques estoit lui monstra un coutel à un blanc manche qu'il tenoit en sa main, Miracles St Loys, p. 131.
   XIVe s.
   La main [il] giete au coustel, et si fort se revainge, Que partout lai [là] où fiert [il frappe], le boute jusqu'à mainge, Girart de Ross. V. 1776.
   XVe s.
   Tenant une masse d'or ; la teste estoit de fin acier tempré, et la manche bandée d'or et d'argent, Perceforest, t. I, f° 155.
   Le suppliant, qui tenoit en ses mains ung harnois que on appelle podet de fer avecques son marge de bois, DU CANGE marga..
   XVIe s.
   Et comme Cassius et quelques autres jettassent desjà les mains sur les manches de leurs espées par dessoubs leurs robbes pour les desguainer, AMYOT Brut. 19.
   Je vous gardois ces joyeux propos à quand la paix seroit faite.... mais quand j'ai veu qu'il s'en faloit le manche [qu'on en était loin], et qu'on ne sçavoit par où le prendre...., DESPER. Contes, I.
   Wallon, main ; bourguig. moinche ; provenç. margue ; espagn. et portug. mango ; ital. manico ; d'un bas latin manicum, fait sur le modèle du latin manica (voy. manche 2).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. MANCHE. s. m. Ajoutez :
   Fig. Se mettre du côté du manche, se mettre du côté le plus fort.
   Ajoutez : Toutefois il faut noter que le latin classique manubrium, avec l'accent sur nu, était représenté dans la langue d'oïl par manoir, qui est une dérivation correcte : XIIe s.
   Quant icil Gothes talhievet la spessece des roinces, li fers saillanz fors du manoir chaït el bruec [au lac], li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 67.
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manche 2.
(man-ch') s. f.
   Partie du vêtement où l'on met le bras.
   Énéas essuyant ses joues De la manche de son pourpoint, Car de mouchoir il n'avait point, SCAR. Virg. V.
   Les manches du chevalier font un bel effet à table ; quoiqu'elles entraînent tout, je doute qu'elles m'entraînent aussi ; quelque faiblesse que j'aie pour les modes, j'ai une grande aversion pour cette saleté, SÉV. 77.
   De demi-pied les coiffures baissèrent, La gorge se couvrit, les manches s'allongèrent, à peine on leur voyait le petit bout du doigt, PERRAULT Grisel. dans RICHELET.
   Elle tira de ses longues manches de soie ses bras nus d'une forme admirable et d'une blancheur éblouissante, VOLT. Zadig, 13.
   Manches de robes de femmes ; elles ont reçu différents noms suivant la mode. Manches plates. Manches à gigot, manches serrées au poignet, très larges et bouffantes auprès de l'épaule ; elles étaient fort à la mode sous Charles X. Manches à l'imbécile ou à la folle, manches très amples, fermées au poignet, et dans lesquelles on mettait de petits plombs à la hauteur du coude pour les faire pendre.
   Manches pendantes, bandes d'étoffe que l'on attache à de certaines robes de cérémonie. Manches d'avocat, de juge, de professeur.
   Manches d'anges, manches qui ne descendaient que jusqu'au coude.
   Tour de manche, garniture de ruban, de dentelle ou de fourrure, placée au-dessus de la manchette.
   Populairement. Jambes en manches de veste, jambes arquées.
   Tirer quelqu'un par la manche, le prendre par la manche de son habit.
   Il fallut que mon ami le tirât longtemps par la manche et le secouât pour le faire descendre jusqu'à lui, MONTESQ. Lett. pers. 128.
   Fig. Tirer quelqu'un par la manche, le faire souvenir de quelque chose, attirer son attention sur quelque chose.
   Vraiment je serai fort aise que ce M. de Matignon tire un peu la manche du garde des sceaux en ma faveur, VOLT. Lett. d'Argental, 18 nov. 1735.
   Fig. Tirer quelqu'un par la manche, insister pour qu'il demeure.
   Je suis si aise de les voir partir, que je n'ai garde de les tirer par la manche pour les retenir, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 2 mars 1764.
   Fig. Il ne se fera pas tirer la manche, par la manche, c'est-à-dire il fera volontiers telle chose, ou, en sens contraire, se faire tirer la manche, faire quelque chose avec peine.
   On assure que le pape cordelier se fait beaucoup tirer la manche pour abolir les jésuites, D'ALEMB. Lett. au roi de Prusse, 7 août 1769.
   Fig. Avoir une personne dans sa manche, en disposer à son gré.
   Si j'avais dans ma manche une fille de cent mille écus que vous refusassiez dans l'espoir d'être heureux avec Mlle de Florigni, je vous approuverais, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, 19 sept. t. I, p. 148, dans POUGENS..
   Tenir quelque chose dans sa manche, l'avoir à sa disposition, en être assuré.
   Ils tiennent à leur gré la fortune en la manche, RÉGNIER Sat. III.
   Moi.... Qui sais magie et noire et blanche, Qui tiens les diables dans ma manche, Théât. ital. Arleq. Jason, sc. 1.
   Fig. Tenir quelqu'un dans sa manche, disposer souverainement de quelqu'un, être en état d'en exiger tout ce qu'on voudra.
   Vraiment, vous tenez toute la justice dans votre manche ; et voilà encore un nouvel appui que vous allez avoir au palais, DANCOURT Femme d'intrigues, III, 1.
   Fig. Être dans la manche de quelqu'un, être à sa disposition.
   J'ai causé avec l'archevêque de Reims, qui vous est fort acquis ; son frère n'est point du tout dans la manche de Mme de Coulanges, SÉV. 1er déc. 1673.
   Fig. Être à la manche de quelqu'un, le suivre, l'appuyer, le soutenir.
   Mais aussi a-t-il [Jurieu] à sa manche, tout ce parti-là [la populace réfugiée] avec une préoccupation qui va presque jusqu'à la fureur, BAYLE Lett. à Minutoli, 27 août 1691.
   Mettre une chose dans sa manche, s'en saisir, s'en emparer.
   Populairement. Du temps qu'on se mouchait sur la manche, du temps qu'on était fort simple.
   Cela est bon dans la première partie de notre histoire que nous nous mouchions sur la manche, DON QUICHOTTE dans LE ROUX, Dict. comique..
   Ne pas se moucher sur la manche, être entreprenant, résolu, plein d'expérience.
   Se moucher sur la manche, vient sans doute de l'habitude qu'ont les enfants ou les gens malpropres de se moucher sur leur manche.
   Cordeliers à la grande manche, cordeliers rentés.
   Avoir la conscience large comme la manche d'un cordelier, ne se faire scrupule de rien.
   Fig. Il a la manche large, se dit d'un casuiste, d'un directeur relâché.
   Fausses manches, manches qu'on met par-dessus d'autres.
   Outre les manches étroites de cette robe, on y avait adapté une autre paire de manches lesquelles étaient fendues pour laisser passer tout l'avant-bras, et flottaient à vide jusqu'à terre.... ces secondes manches coûtaient plus cher que les véritables, peut-être parce qu'elles ne servaient à rien ; on leur doit ce proverbe : c'est une autre paire de manches, MARCHANGY Tristan le voyageur, ch. LIX..
   Fig. C'est une autre paire de manches, c'est une autre affaire, ce n'est pas la même chose. La conversation [dans une société où se trouvait Buffon] ayant commencé de la part de Mlle de l'Espinasse par des compliments flatteurs et fins.
   ... quelqu'un remarque avec éloge combien M. de Buffon avait su réunir la clarté à l'élévation du style.... " Oh ! diable, dit M. de Buffon, la tête haute, les yeux à demi fermés, et avec un air moitié niais, moitié inspiré, oh ! diable, quand il est question de clarifier son style, c'est une autre paire de manches ! " à ce propos, à cette comparaison des rues, voilà Mlle de l'Espinasse qui se trouble, MORELLET Mémoires, ch. VI.
   Voici bien une autre paire de manches, voici bien une autre affaire.
   Gentilshommes de la manche, gentilshommes dont la fonction était d'accompagner les fils de France dans leur jeunesse ; ces gentilshommes accompagnaient partout les princes, et, comme l'étiquette ne leur permettait pas de les tenir par la main, ils ne les touchaient qu'à la manche ; de là leur nom.
   M. le marquis de Louville, gentilhomme de la manche du duc d'Anjou, suivit en Espagne ce prince devenu roi de cette grande monarchie, FONTEN. Louville..
   Gardes de la manche, compagnie de vingt-cinq gentilshommes qui se tenaient de chaque côté du roi dans les cérémonies et toutes les fois qu'il allait à la chapelle.
   Fig. Il s'est fait mon garde de la manche, il ne me quitte pas.
   S'étant fait mon garde de la manche, il se faisait une loi de ne me pas quitter d'un pas, J. J. ROUSS. Prom. 7.
   La manche ou la bonne manche, nom, en Italie, du pourboire. Il eut tant pour la bonne manche.
   Manche de velours, nom d'une sorte d'oiseaux du genre des fous, communs vers le cap de Bonne-Espérance, et qui ont le bout des ailes noir, et le reste du corps blanc.
   Terme de marine. Tuyau ou conduit fait de cuir ou de toile, et servant à divers usages.
   Manche de pompe, tuyau goudronné, qui reçoit de la pompe l'eau qu'on en fait sortir.
   Manche à vent, manche qui fait l'office de ventilateur.
   Manche d'Hippocrate, sorte de filtre usité dans les officines, fait jadis de jonc, aujourd'hui fait de feutre en forme de pyramide ; on dit aussi chausse d'Hippocrate.
   Fourneau à manche, ou, simplement, manche, nom d'un fourneau d'affinage pour les monnaies.
   Terme de pêche. Filet en forme de cône.
10°   Terme de géographie. Espace étroit de mer resserré entre deux terres.
   À l'embouchure du fleuve Tistendall, près de la manche de Danemark, VOLT. Charles XII, 8.
   Absolument, la Manche, le canal compris entre les côtes de France et celles d'Angleterre (on met une majuscule). Traverser la Manche. Département de la Manche.
11°   Terme de jeux. Partie. Jouer en deux ou trois manches.
   Avoir une manche, avoir gagné une partie.
   Être manche à manche, avoir gagné chacun une partie.
   Au whist, la manche est une des parties liées qui composent le rob.
12°   Au XVIe siècle, on appelait manches les ailes d'un bataillon. Manche de main droite. Manche de main gauche.
PROVERBE Il faudrait lui mettre du plomb dans la manche, se dit, en Normandie, à celui qui commet quelque étourderie ; locution tirée de l'ancien usage de mettre du plomb aux manches (voy. l'historique).
   XIIe s.
   La couele e l'estamine out desuz cel [sous cet habit] li ber [saint Thomas] ; Mais de pans e de mances les out fait escurter ; Car ne voleit al siecle sa vie demustrer, Th. le mart. 155.
   XIIIe s.
   E fu atourné [décidé] que li prestre qui avoient capes e mances les averoient reondes, Chr. de Rains, 88.
   Et vous en vostre mance arés Cent onces d'or que porterés, Fl. et Bl. 2133.
   Aux festes et aus diemanches Ne metoit gans, ne vestoit manches, Tant que midis estoit passez, RUTEB. II, 164.
   XVe s.
   S'il m'en venoit de nouvel ung à mon plaisir, bel et jeune, jà n'en seroit escondi, et ne me deuist laissier mance en bras [quand il ne devroit me laisser une chemise sur le dos], les Évang. des quenouilles, p. 106.
   Sa manche sera enfermée En deux poingnets de plomb pesant, Rec. de farces, etc, p. 427.
   La chemise saint Loys, dont il fault [manque] une manche.... et une cedule de parchemin.... escripte de la main de monseigneur saint Loys des enseignements qu'il envoya à sa fille, DE LABORDE Émaux, p. 481.
   XVIe s.
   Pres mes amis honnestement J'aime mieux boire et mouiller l'anche, Que manger mon pain en ma manche [seul], N'ayant jamais contentement, JEAN LE HOUX Vau de Vire, 12.
   Il tenoit la volonté de Gracchus en sa manche, et par puissance et par cognoissance ; ils estoient plus amis que citoyens, MONT. I, 214.
   Conscience plus large que la manche d'un cordelier, LANOUE 97.
   Le sage a toujours une maladie ou un voyage en sa manche, pour s'en aider à sa necessité, MARG. Nouv. LXIII.
   Il faut couler la ptizane par une manche de drap, ou une serviette blanche, PARÉ XXI, 17.
   Aucunefois n'estant de la partie, J'estoy si bien de mon faict advertie, Qu'autant de fois qu'une reste on gaignoit, Autant de fois la manche on me donnoit, DU BELLAY VI, 164, verso..
   Provenç. mangua, mancha, marga ; catal. manega ; espagn. manga ; ital. manica ; du lat. manica, dérivé de manus, main.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
2. MANCHE. s. f.
   Ajoutez :
   Faire la manche.
   Chantant à la porte des cabarets et faisant la manche, c'est-à-dire quêtant après avoir chanté, PH. AUDEBRAND l'Illustration, 27 janv. 1877, p. 51.
12°   Ajoutez :
   Au XVIIe s. Le bataillon était partagé en trois manches ou sections.
   [Sous Louis XIV] Le bataillon se disposait sur six rangs, partagés en trois manches, les piquiers au centre,..., E. DE BARTHÉLEMY Journ. offic. 26 mars 1876, p. 2135, 3e col..

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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