mon

mon
mon ou ma ou mes 1.
(mon ; l'n se lie, et la voyelle perd le son nasal : mo-n ami ou ma ou mê ; l's se lie : mê-z amis) adj. poss. qui répond au pronom personnel moi, je
   MON, au masc.; MA au fém. ; MES au plur. pour les deux genres
   Il exprime la possession qu'a la personne qui parle. Mon bien. Ma mère. Mes malheurs.
   Mais j'ai suivi mon ordre [l'ordre que j'ai reçu] et n'ai point deviné..., CORN. Suréna, II, 1.
   Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages, disent : mon livre, mon commentaire, mon histoire ; ils sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue, PASC. Pens. XXIV, 68, éd. HAVET..
   Que je ne cherche point à venger mes injures [les injures que j'ai reçues], RAC. Athal. II, 5.
   Il y a une conspiration contre moi plus forte que celle de Catilina ; soyez mes Cicérons, VOLT. Lett. d'Argental, 8 janv. 1752.
   Devant un nom féminin commençant par une voyelle ou par une h muette, au singulier, l'usage veut qu'on emploie le masculin. Mon amie. Mon humeur.
   Prenons parti, mon âme, en de telles disgrâces, CORN. Hor. III, 1.
   Il se dit aussi en parlant à une personne ou d'une personne qu'on aime.
   Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme, CORN. Hor. IV, 5.
   Mon Hermione encor le tient-elle asservi ?, RAC. Andr. I, 1.
   Ma Phoedime, eh ! qui peut concevoir ce miracle ?, RAC. Mithr. IV, 1.
   Aussi bien n'ai-je point vu d'aujourd'hui ma cruelle Marine, c'est ma comtesse à moi, BRUEYS Muet, I, 10.
   Familièrement. Il se met pour désigner des objets qui ne nous appartiennent pas dans le sens précis du mot, mais avec lesquels la personne qui parle a pourtant quelque rapport d'habitude ou de mention faite précédemment, etc. Voilà mes fous.
   Voilà mon homme pris, et ma vieille attrapée, CORN. Veuve, IV, 7.
   Il [le chat] y tombe [dans un piége] en danger de mourir ; Et mon chat de crier, LA FONT. Fabl. VIII, 22.
   Notre interprète transmit en indou le discours impie de mon jeune homme, VOLT. Voyages de Scarmentado..
   Je connais mon public : l'enthousiasme passe ; il n'y a que l'amitié qui reste, VOLT. Lett. d'Argental, 11 mars 1752.
   Je renverrai mon fat, et mon affaire est faite, GRESSET Méchant, III, 10.
   Il se dit dans le même sens devant les noms propres.
   Non, baron, je connais assez mon Londres, quoique je n'y sois que depuis trois semaines, BOISSY Français à Lond. I, 1.
   Je ne suis pas scrupuleux ; je lis quelquefois mon Pétrone, DIDER. Essai sur la peint. ch. 5.
   Mon, ma, mes devant les adverbes ou adjectifs comparatifs forment le superlatif. Mon meilleur ami. Ma plus chère espérance. Mes moindres chagrins.
   1. Autrefois on disait ma devant une voyelle et on élidait l'a comme nous l'élidons dans la : m'espée, m'esperance, etc. Il en est resté seulement m'amie, m'amour. C'est dans le courant du XIVe siècle que ce solécisme a commencé à s'introduire et à prendre force d'usage ; vrai solécisme, car le féminin a toujours été ma, ta, sa, et jamais mone, tone, sone. Comment s'est-il fait ? l'ancien picard, qui disait le pour les deux genres, disait aussi pour les deux genres men au lieu de mon, ma ; il est possible que l'influence picarde, qui a été considérable, se soit fait sentir et ait causé devant les voyelles la confusion de mon et de ma.
   2. Il faut dire : j'ai mal à la tête, et non pas à ma tête, parce que le pronom je montre suffisamment que c'est ma tête dont je veux parler, et que d'ailleurs on ne peut avoir mal à la tête d'un autre. Mais il faudra dire : je vois que ma jambe s'enfle, si je veux parler de ma jambe, et non pas seulement : je vois que la jambe s'enfle, parce que je peux très bien voir la jambe d'un autre s'enfler.
   3. Mon, ma, mes se répètent devant chaque substantif et devant chaque adjectif, à moins que ces adjectifs n'aient à peu près le même sens. On dit donc : Mon père et ma mère sont venus ; Je lui ai montré mes beaux et mes vilains habits. Mais on dit : Je lui ai montré mes beaux et brillants équipages. Il est évident dans le dernier exemple que les adjectifs beaux et brillants sont appliqués au même substantif.
   IXe s.
   Si salvarai eo [je] cist [ce] meon fradre Karlo, Serment.
   Et Karlus meos sendra [mon selgneur], ib..
   XIe s.
   Conseiler mei come mi hume saive [mes hommes sages], Ch. de Rol, II., Que jel suivrai od [avec] mil de mes fedelz, ib. VI.
   Là vous suirat, ce dist, mis avoez, ib. IX.
   Tu n'es mes hom, ne je ne sui tis sire, ib. XXI.
   XIIe s.
   Baron, amenez-moi mon felon boisseor [trompeur], Ronc. 198.
   Ma seror te donai par bone volonté, ib. 198.
   Men escient [à mon escient], ib. p. 26.
   Tenez m'espée, ib. p. 29.
   [à] Marsilion de moie part nonciez..., ib. 120.
   En Rencevals gisent mort mi Frenzois, ib. 137.
   Que m'amor ne soit doutée, Couci, I.
   Tuit mi penser sont à ma douce amie, Couci, II.
   XIIIe s.
   Je voudroie, par m'ame, qu'ele fust decolée, Berte, XVI.
   XIVe s.
   Et reçoy m'ame en ta benoite foy, Ménagier, I, 1.
   J'ay par mon ire esmeu plusieurs à jurer moult vilainement et de moult vilains sermens, ib. I, 3.
   Et que on le deist en ma presence et à mon ouie, ib. I, 3.
   Je me suis excusé et mectoie mon excusation premierement, ib..
   XVe s.
   Je ferray [frapperai] d'estoc et de taille De m'espée sur lui tous jours, Resurrect. N. S. Mystère.
   XVIe s.
   Pourtant je veux, m'amie et mon desir..., MAROT I, 343.
   Sus, louez Dieu, mon ame, en toute chose, MAROT IV, 308.
   Un soleil voit naistre et mourir la rose ; Mille soleils ont veu naistre m'amour, RONS. 52.
   Il m'est souvenu de mon homme, MONT. I, 382.
   Depuis le temps des rois de très louable memoire, mes pere et aieul, D'AUB. Hist. II, 242.
   Berry, moun, devant une voyelle : moun âne ; wallon, mi ; Hainaut, mén ; picard, men, min ; au fém. em', ème, emn' ; provenç. mas, mon ; au fém. ma, au plur. mei, miei ; espagn. et ital. mio, mia ; du lat. meum, mea. Dans l'ancienne langue mis, mes était le nominatif singulier, pour le masculin ; mon, le régime singulier ; mi, le nominatif pluriel ; mes, le régime pluriel. Mon, ma, ainsi que le, la, ton, ta, son, sa, se caractérisent comme les seuls mots qui aient gardé les terminaisons latines en um, a ; cela tient à leur enclytisme, faisant que leur finale n'avait pas occasion de tomber.
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mon 2.
(mon) particule adv. qui sert à affirmer, à interroger ; elle est tout à fait inusitée.
   Ardez, voire, c'est mon, RÉGNIER Sat. XI.
   M. Jourdain : Lorsque je hante la noblesse, je fais paraître mon jugement ; et cela est plus beau que de hanter votre bourgeoisie. - Mme Jourdain : Çà mon vraiment, il y a fort à gagner à fréquenter vos nobles, MOL. Bourg. gent. III, 3.
   XIIe s.
   E ceaus [ceux] qu'um ne purra aveir ne asembler, Lur mesage od lur letres i deivent faire aler, Saveir mun s'il voldrunt cel sacre graanter [octroyer], Th. le mart. 127.
   XIIIe s.
   Li rois apela celi prince, et li dit : tu es revenu de l'ost des Tartarins, et il repondit : Sire, ce sui mon, JOINV. 264.
   Aus chevaliers la montre et dit : Vez, voi ci le plus hardi home Qui soit d'Illande jusqu'à Rome ; Il a plus cuer que un lion. Cil respondent que ce a mon, MÉON Nouv. rec. I, 253.
   À folie me font entendre ; à folie, voir, ce font mon, Car je n'i voi nule raison, la Manekine. V. 458.
   XVIe s.
   Respondez-moi, veu ceste foy constante, à sçavoir-mon, s'il nous laisse au besoing ?, MAROT I, 304.
   Tu estimes bien ce qui sert, et non pas ce qui nuit. - Ce fay mon, dit Critobule, LA BOÉTIE 109.
   Origine incertaine. On a indiqué la particule grecque et la particule de l'ancien scandinave mun ; suédois, monne ; mais ces particules sont dubitatives, interrogatives, et mon est affirmatif. Diez émet une conjecture ingénieuse et plausible : il suppose que mon répond à l'adverbe latin munde (munde ayant donné mon, comme mundus avait donné mont) ; de sorte que mon signifierait purement, certainement.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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