mort

mort
mort, orte 1.
(mor, mor-t' ; au masculin, le t ne se lie pas, excepté dans la locution mor-t ou vif) part. passé de mourir.
   Qui a cessé de vivre.
   Après mon père mort, je n'ai point à choisir, CORN. Cid, IV, 2.
   De votre cheval mort je vous mis sur le mien, ROTR. Bélis. V, 5.
   S'il [votre fils] est bien fort, l'éducation rustaude est fort bonne ; mais, s'il est délicat, j'ai ouï dire à Brayer et à Bourdelot qu'en voulant les faire robustes, on les fait morts, SÉV. 14 juill. 1677.
   Les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort [Turenne], FLÉCH. Tur..
   Dans Florence jadis vivait un médecin.... De tous ses amis morts un seul ami resté...., BOILEAU Art p. IV.
   Tout le peuple.... Du prince déjà mort demandait la santé, RAC. Brit. IV, 2.
   Les vivants, quand ils sont bien fâchés, disent : je voudrais être mort ; et moi, je dirais volontiers au contraire : je voudrais me porter bien, FÉN. Dial. des morts anc. 18.
   Mort ou vif, c'est-à-dire soit mort, soit vivant.
   Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau, LA FONT. Fabl. IV, 19.
   Fig. et plaisamment. Mort ou vif, en quelque état que ce soit.
   C'est un homme mort, se dit d'un homme qui est ou qui paraît être dans un grand danger.
   Chair morte, chair frappée de mortification, qui a cessé de vivre, et qui se séparera du reste du corps.
   Frapper sur quelqu'un comme sur bête morte, le frapper violemment.
   À demi mort, à qui il ne reste que peu de vie.
   Des voleurs le laissent à demi mort, PASC. Prov. II.
   Je la vois entre son mari mourant, son fils à demi mort, sa belle-fille frappée d'un mal incurable, MAINTENON Lett. à Mme de Caylus, 28 mai 1717.
   Mort ivre, ivre au point d'avoir perdu tout sentiment. On dit aussi ivre mort.
   Au plur. Morts ivres.
   Cotte morte, voy. cotte 1.
   Terme de féodalité. Se faire mort d'un fief, délaisser à son plus proche héritier apparent un fief en avancement d'hoirie.
   Il se dit aussi des végétaux ; avec raison, puisqu'en effet ils ont la vie. Un arbre mort.
   Terme d'eaux et forêts. Bois mort, bois qui est abattu ou qui, étant debout, est sec et ne peut servir qu'à brûler.
   Mort bois, les épines, les ronces et le bois blanc, qui ne peuvent servir à aucun ouvrage.
   Feuille morte, feuille sèche qui tombe de l'arbre en automne.
   Feuille-morte, voy. feuille-morte.
   Terme de peinture. Nature morte, voy. nature, n° 22.
   Plus mort que.... se dit par exagération pour exprimer un vif sentiment de douleur, de terreur.
   À cet objet d'horreur, l'oeil troublé, le teint blême, J'ai demeuré longtemps plus morte que lui-même, ROTROU Antig. I, 2.
   Il [Démétrius] se montra à cette multitude, qui était plus morte que vive, et qui attendait dans un tremblement qui ne peut s'exprimer l'arrêt de sa condamnation, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 275, dans POUGENS.
   Qui a l'apparence de la mort.
   Une morte pâleur s'empare de son front, CORN. Soph. V, 8.
   Avoir le teint mort, les yeux morts, les lèvres mortes, avoir le teint décoloré, les lèvres pâles, les yeux éteints.
   Couleur morte, couleur sombre et sans éclat.
   Qui est comme glacé par la mort.
   Je n'osais me remuer, je ne tenais presque point de place, et j'avais le coeur mort, MARIVAUX Marianne, part. 1re..
   Fig. Il a la gueule morte, voy. gueule.
   Avoir la langue morte, se taire.
   N'y pas aller de main morte, voy. main, n° 1.
   Main-morte, voy. mainmorte.
   Mort se dit quelquefois pour damné, comme la mort se dit pour la damnation.
   Justes, pécheurs ; mort, vivant ; vivant, mort ; élu, réprouvé, PASC. Pens. XXIV, 12, éd. HAVET..
   Privé de chaleur, de mouvement, en parlant de parties du corps. Il est paralysé ; la partie inférieure du corps est morte.
   Parlons un peu de votre santé : n'êtes-vous point effrayée de ces jambes froides et mortes ?, SÉV. 22 sept. 1680.
   Fig. Mort à, mort pour, qui n'existe plus pour certaines choses.
   Je n'en ai point vu qui fût véritablement morte au monde, SÉV. 388.
   Sa vie, tout ecclésiastique, annonçait un pasteur entièrement mort aux choses du siècle, BOSSUET Panég. St Sulp. 2.
   Je ne suis point à moi ; tous mes amis doivent me regarder comme morte pour eux, MAINTENON Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 232, dans POUGENS.
   Mais croiras-tu qu'au sein de la souffrance, Mort au plaisir et mort à l'espérance...., VOLT. Enfant prod. III, 5.
   Mort au plaisir, insensible à la gloire, Dans le désert je traîne un long ennui, MILLEV. Chants élégiaques, l'Arabe..
   Mort de, qui éprouve une vive impression de.
   Toute morte de jalousie, SÉV. 5 janv. 1676.
   Je crois que vous ne savez pas que mon fils est allé en Candie.... j'en vois tous les périls, j'en suis morte, SÉV. 28 août 1668.
   J'arriverai à Chanteloup morte de fatigue, Mme DU DEFFANT Lett. à Walpole, t. II, p. 165, dans POUGENS.
   Familièrement. Tomber mort, perdre soudainement l'entrain qu'on avait.
   Comme nous étions le plus en train, nous avons vu apparaître monsieur le Premier avec son grand deuil : nous sommes tous tombés morts ; pour moi, c'était de honte que j'étais morte, SÉV. 3 juill. 1676.
   Fig. En parlant des choses, qui est sans force, sans activité, éteint, par comparaison avec la mort qui éteint la vie.
   Qui fuit croit lâchement et n'a qu'une foi morte, CORN. Poly. II, 6.
   Mais, la reconnaissance morte, L'amour doit courir grand hasard, CORN. Agésil. I, 1.
   Ceux-là sont vraiment malheureux et n'ont que des espérances mortes, qui ont donné le nom de dieux aux ouvrages de la main des hommes, SACI Bible, Sagesse, XIII, 10.
   M. de Grignan m'est bien nécessaire ; car j'ai un coin de folie qui n'est pas encore bien mort, SÉV. 6 mai 1680.
   Vous avez grand'raison de ne pouvoir vous représenter Mme de Coulanges à l'agonie, et M. de Coulanges dans la douleur : je ne le croirais pas, si je ne l'avais vu ; une vivacité morte, une gaieté pleurante, ce sont des prodiges, SÉV. 21 oct. 1676.
   Les sociétés d'où on les ôte [les vérités fondamentales du christianisme] sont des sociétés mortes qui ne peuvent donner à Dieu des enfants, BOSSUET Var. XV, § 79.
   Messieurs, l'éloquence est morte, toutes ses couleurs s'effacent, BOSSUET Disc. Acad..
   Le parti de M. de Cambrai est mort, BOSSUET Lett. quiét. 443.
   Ce discours d'un guerrier que la colère enflamme Ressuscite l'honneur déjà mort en leur âme, BOILEAU Ép. IV.
   Sans tous ces ornements le vers tombe en langueur, La poésie est morte, ou rampe sans vigueur, BOILEAU Art p. III.
   Les devoirs ne sont plus que des pratiques mortes et inanimées, MASS. Carême, Tiéd. 2.
   Une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, BUFF. Quadrup. t. V, p. 14.
   Oeuvres mortes, voy. oeuvre, n° 12.
10°   Langue morte, voy. langue, n° 6.
   Mon père regarde comme mal employé le temps que je donne aux langues mortes, P. L. COUR. Lett. I, 17.
11°   Balle morte, balle qui a perdu la plus grande partie de l'impulsion qu'elle avait reçue.
   Aux premières décharges de la mousqueterie ennemie, le roi [Charles XII] reçut une balle à la gorge ; mais c'était une balle morte qui s'arrêta dans les plis de sa cravate noire et qui ne lui fit aucun mal, VOLT. Charles XII, 2.
12°   Eau morte, eau qui ne coule point, stagnante.
   Bras mort, dans une rivière, partie de rivière interceptée et où l'eau n'est plus courante. Dans certaines provinces, ces bras morts sont dit les morts.
   Mer Morte, nom d'un grand lac salé dans la Palestine.
   Morte eau, les petites marées au temps du premier et du dernier quartier de lune.
   À Audierne, la hauteur d'eau est de 4m, 80 en vive eau, et 3m, 30 en morte eau, GRANGEZ Voies navig. de France, p. 264.
   Le temps des plus petites marées. Nous sommes en morte eau.
   Morte eau se dit aussi du plus bas de l'eau, en parlant de la marée.
13°   Fig. Où il n'y a pas d'action, sans action.
   Pardonnez-moi, il y a des temps dans la vie où l'on ne peut rien faire, des temps morts, et je me trouve dans cette situation, VOLT. Lett. d'Argental, 26 sept. 1773.
   Argent mort, argent qui ne porte ni intérêt ni profit.
   Papier mort, se dit par opposition à papier timbré. Aujourd'hui on dit plutôt papier libre, papier non timbré.
   Lettre morte, écrit sans autorité. Cette loi n'est plus qu'une lettre morte.
   Pays mort, pays où il n'y a ni commerce, ni industrie.
   J'ai animé un pays entièrement mort, j'ai fait naître le travail et l'opulence dans le séjour de la misère, VOLT. Lett. d'Argental, 11 oct. 1771.
   Saison morte, ou morte saison, voy SAISON.
   Chardon mort, chardon bonnetier dont les pointes sont émoussées par le travail.
   Terme de fortification. Angle mort, se dit de l'angle que fait un flanc inutile pour la défense.
14°   Ancien terme de physique. Force morte, force aussitôt détruite qu'engendrée.
   Vous appelez cela une force morte ; or ces mots de force morte ne sont-ils pas un peu contradictoires ? ne vaudrait-il pas autant dire mort vivant, oui et non ?, VOLT. Dict. phil. Force physique..
   Chaleur morte.
   Pour reconnaître ce que cette chaleur morte, c'est-à-dire cette chaleur dénuée de tout aliment, pouvait produire...., BUFF. Hist. min. Introd. part. exp. Oeuv. t. VII, p. 120.
15°   Terme de chimie. Tête morte, voy. tête.
16°   Terme de marine. Tour mort, tour simple d'un cordage quelconque sur un appui.
   À morte charge, jusqu'aux écoutilles. Un bâtiment est à morte charge, quand on l'a chargé autant qu'il est possible.
   Eaux mortes, celles qui enveloppent et qui semblent accompagner la partie supérieure de l'arrière de la carène, lorsque le navire est en marche.
PROVERBE Morte la bête, mort le venin, c'est-à-dire un méchant qui est mort ne peut plus nuire.
   Lat. mortuus, irrégulièrement formé de mori (la forme régulière serait mortus) ; mortuus est une formation de mori avec le suffixe tuus, tua, comme dans mutuus, statua, etc.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. MORT. Ajoutez :
17°   Corps mort, voy. corps, n° 20.
18°   Terme de mécanique. Point mort, poids mort, voy. point et poids au Supplément.
19°   Terme d'exploitation de la houille et des mines. Mort terrain, voy. MORT-TERRAIN au Supplément.
20°   
   Perles mortes, perles qu'on pêche dans les parages de l'Écosse, et qui ressemblent à des yeux de poisson, CH. BLANC l'Art dans la parure, p. 319.
   En termes de fortification, l'angle mort est la partie du fossé d'un ouvrage de fortification qui, située au-dessous du plan de la plongée, n'est battue ni par des feux directs, ni par des feux de flanc.
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mort, morte 2.
(mor, mor-t') s. m. et f.
   Celui, celle qui a cessé de vivre. Ah ! c'est trop m'outrager.
   - N'outragez plus les morts, CORN. Nicom. II, 3.
   Les morts les mieux vengés ne ressuscitent point, CORN. Suréna, V, 3.
   J'ai appris d'un saint homme dans notre affliction qu'une des plus solides et plus utiles charités envers les morts est de faire les choses qu'ils nous ordonneraient s'ils étaient encore au monde, PASC. Lett. sur la mort de son père.
   C'est pour cette raison [le Saint-Esprit résidant dans les corps des saints jusqu'à la résurrection] que nous honorons les reliques des morts, et c'est sur ce vrai principe que l'on donnait autrefois l'eucharistie dans la bouche des morts, PASC. ib..
   Il [le comte de Fontaines] fut trouvé parmi ces milliers de morts dont l'Espagne sent encore la perte, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Attendons-nous que Dieu ressuscite des morts pour nous instruire ? il n'est point nécessaire que les morts reviennent ni que quelqu'un sorte du tombeau ; ce qui entre aujourd'hui dans le tombeau doit suffire pour nous convertir, BOSSUET Duch. d'Orl..
   De tout temps dans le christianisme on a prié pour les morts, BOURD. Commém. des morts, Myst. t. II, p. 534.
   Les tristes dépouilles d'une illustre morte, les larmes de ceux qui la pleurent, FLÉCH. Aiguillon..
   Les morts après huit ans sortent-ils du tombeau ?, RAC. Athal. I, 1.
   Il n'y avait de sûreté qu'en le faisant mourir.... car, dit-il en se servant du proverbe, les morts ne mordent point, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. X, p. 309, dans POUGENS.
   D'un éternel oubli ne tirez point les morts, VOLT. Sémiramis, II, 7.
   Les justes éloges sont un parfum qu'on réserve pour embaumer les morts, VOLT. Préface de l'Écossaise..
   Le nombre des morts est plus grand à Paris qu'à Londres depuis deux ans jusqu'à vingt ans ; ensuite plus petit à Paris qu'à Londres depuis vingt ans jusqu'à cinquante ans ; à peu près égal depuis cinquante jusqu'à soixante ans, et enfin beaucoup plus grand à Paris qu'à Londres depuis soixante ans jusqu'à la fin de la vie, BUFFON Probab. de la vie, Oeuv. t. X, p. 554.
   Les volontés des morts sont des lois souveraines, DUCIS Osc. III, 1.
   Les morts durent bien peu ; laissons-les sous la pierre ; Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière Moins vite qu'en nos coeurs, V. HUGO F. d'automne, 6.
   Un mort, une personne qu'on va enterrer.
   Monsieur le mort, laissez-nous faire, On vous en donnera de toutes les façons, Il ne s'agit que du salaire ; Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort, LA FONT. Fabl. VII, 11.
   Le curé de sa paroisse ayant su que c'était un bon mort, et qu'il avait le moyen de payer grassement ses funérailles, BOURSAULT Lett. nouv. t. I, p. 353, dans POUGENS.
   Dans le langage poétique, le rivage des morts, la demeure des morts, se dit des lieux où séjournent les morts.
   On ne voit pas deux fois le rivage des morts, RAC. Phèdre, II, 5.
   Croirai-je qu'un mortel, avant sa dernière heure, Peut pénétrer des morts la profonde demeure ?, RAC. ib. II, 1.
   Chez les morts, se dit dans le même sens.
   Mon âme chez les morts descendra la première, RAC. Phèdre, I, 3.
   Tête de mort, tête dont il ne reste que la partie osseuse.
   Faire le mort, retenir ses mouvements et sa respiration de manière à faire croire qu'on est mort.
   Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent, LA FONT. Fabl. V, 20.
   Fig. Faire le mort, ne pas répondre aux personnes par lesquelles on est questionné, interpellé par écrit.
   Terme de jurisprudence. Le mort saisit le vif, une personne en mourant transmet son bien à son héritier, sans qu'il soit besoin d'un acte de mise en possession.
   Danse des morts, voy. macabre.
   S. m. Mort se dit, à la tontine, d'un joueur auquel il ne reste rien de sa mise.
   Terme de whist. Jouer le mort, faire un mort, jouer le whist à trois personnes, en mettant sur table et découvrant le jeu d'un quatrième partenaire imaginaire.
   S. m. Terme de marine. Le mort de l'eau ou le mort d'eau, les marées les plus basses. On dit plutôt morte eau.
   Le mort, eau de chaux dans laquelle le tanneur a plongé plusieurs fois les peaux et qui a perdu sa force.
PROVERBES
   Plus de morts, moins d'ennemis.
   Qui court après les souliers d'un mort, risque souvent d'aller nu-pieds.
   Les morts ont toujours tort, c'est-à-dire on excuse toujours les vivants aux dépens des morts.
   XIIIe s.
   Par iceste signifiance Poons entendre quel creance Doivent avoir li mort es vis [aux vivants], MARIE Fable 33.
   Si fu.... La mort de Guion pardonée ; Car c'est coustume par devis, Les mors as mors, les vis [vivants] as vis, PH. MOUSKES ms. p. 627, dans LACURNE.
   XIVe s.
   Sachez que les trespassés de ce siecle, après qu'ils sont morts, sçavent ce que d'eux en ce siecle est faict de ce que ordonné ils ont ; et ce savent ils par les bons anges qui habitent entre les vivans en l'air, BOUTEILLER Somme rural, livre II, tit. 9, p. 341, dans LACURNE..
   XVIe s.
   La personne, soit homme ou femme.... peut se faire mort par devant bailly [fiction légale par laquelle une personne se supposait morte et disposait en conséquence], Coust. génér. t. II, p. 846.
   La guerre est la feste des morts, COTGRAVE .
   Mort 1 ; bourguig. mô ; wallon, moirt.
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mort 3.
(mor ; le t ne se prononce pas et ne se lie pas : la mor a des rigueurs ; excepté dans les locutions : la mor-t aux rats, et il a souffert mor-t et passion ; au pluriel. l's ne se lie pas : des mor affreuses ; cependant plusieurs la lient : des mor-z affreuses) s. f.
   Fin de la vie. On distingue la mort naturelle et la mort accidentelle.
   Le peuple offre le sceptre [à qui délivrerait Thèbes du Sphinx].... De cent cruelles morts cette offre est tôt suivie, CORN. Oed. I, 4.
   Faites du bien à votre ami avant la mort, et donnez l'aumône au pauvre selon que vous pouvez, SACI Bible, Ecclésiastiq. XIV, 13.
   Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser, PASC. Pens. IV, 5, éd. HAVET..
   La mort est plus aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril, PASC. ib. VI, 58.
   Le présent ne nous satisfaisant jamais, l'espérance nous pipe, et, de malheur en malheur, nous mène jusqu'à la mort qui en est un comble éternel, PASC. ib. VIII, 2.
   Mort soudaine seule à craindre, et c'est pourquoi les confesseurs demeurent chez les grands, PASC. ib. XXV, 59.
   Nous savons que la vie, et la vie des chrétiens, est un sacrifice continuel qui ne peut être achevé que par la mort, PASC. Lett. sur la mort de son père.
   De sorte que la mort est le couronnement de la béatitude de l'âme et le commencement de la béatitude du corps, PASC. ib..
   Je suis toujours surprise de la mort des jeunes personnes, SÉV. 399.
   La mort est affreuse quand on est dénué de tout ce qui peut nous consoler en cet état, SÉV. 27 déc. 1684.
   La mort, qui est la plus importante action de notre vie, a été aussi le plus bel endroit de la sienne, SÉV. 5 janv. 1687.
   [La reine d'Espagne, fille de Madame, et mourant très rapidement] mandant au roi qu'elle n'a point de regret à la vie, et qu'elle meurt de sa mort naturelle, quoique d'abord elle eût dit comme feu Madame, et se repentant, comme elle, de l'avoir dit, SÉV. 23 févr. 1689.
   Quel est notre aveuglement, si, toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants, nous attendons les derniers soupirs, pour prendre des sentiments que la seule pensée de la mort devrait nous inspirer à tous les moments de la vie !, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Il doit mourir de mort violente, BOSSUET Hist. II, 4.
   La mort se déclare ; on ne tente plus de remèdes contre ses funestes attaques, BOSSUET le Tellier..
   Au lieu de l'histoire d'une belle vie, nous sommes réduits à faire l'histoire d'une admirable mais triste mort, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Et dans les tourments inouïs de sa dernière maladie.... elle n'a eu à se repentir que d'avoir une seule fois souhaité une mort plus douce, BOSSUET Anne de Gonz..
   Qu'il [l'homme] se multiplie tant qu'il lui plaira, il ne faut toujours pour l'abattre qu'une seule mort, BOSSUET Sermon sur l'honneur, 1.
   Alors donc [après la résurrection] l'homme sera rétabli dans son premier état, la mort mourra, BOSSUET Méd. sur l'Év. Dern. sem. du Sauv. 41e jour..
   Si j'allais (ah ! plutôt la mort), si j'allais vous enseigner quelque erreur, je verrais tout mon auditoire se révolter contre moi, BOSSUET la Vallière..
   Ces langueurs, ces abattements, ces diminutions, que Tertullien appelle des portions de la mort, ne la lui faisaient-ils pas éprouver par avance ?, FLÉCH. Mme de Mont..
   La mort de madame la Dauphine est une de ces morts précieuses qui couronnent une belle vie, FLÉCH. Dauphine..
   Je ne suis point fort triste, nous n'en avons point de nouveaux sujets ; mais la mort est préférable à la vie, MAINTENON Lett. au duc de Noailles, t. V, p. 92, dans POUGENS..
   Ces histoires de morts lamentables, tragiques, BOILEAU Sat. X..
   Les haines sont si longues et si opiniâtres que le plus grand signe de mort dans un homme malade, c'est la réconciliation, LA BRUY. XI.
   Qui ne craint point la mort est sûr de la donner, VOLT. Oreste, III, 8.
   Je crois, toutes réflexions faites, qu'il ne faut jamais penser à la mort ; cette pensée n'est bonne qu'à empoisonner la vie ; la grande affaire est de ne point souffrir, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 18 nov. 1761.
   Le corps meurt peu à peu et par parties ; son mouvement diminue par degrés, la vie s'éteint par nuances successives, et la mort n'est que le dernier terme de cette suite de degrés, la dernière nuance de la vie, BUFF. Hist. nat. hom. Oeuv. t. IV, p. 351.
   La mort, ce changement d'état si marqué, si redouté, n'est dans la nature que la dernière nuance d'un état précédent, BUFF. ib. p. 367.
   La mort n'est pas une chose aussi terrible que nous nous l'imaginons, nous la jugeons mal de loin, c'est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu'on vient à en approcher de près, BUFF. ib. p. 371.
   Enfin la joie bête et ridicule de tous les fanatiques au sujet de cette mort [de Voltaire], D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 29 juin 1778.
   La mort, mon fils, est un bien pour tous les hommes, elle est la nuit de ce jour inquiet qu'on appelle la vie, BERN. DE ST-P. Paul et Virg..
   Fig.
   Ne sont-ce pas des morts, et des morts effroyables, Que tant de changements d'êtres si variables, Qui se disent toujours fatigués d'espérer ?, A. DE MUSSET Poésies nouv. Lett. à Lamartine..
   Belle mort, mort glorieuse.
   Mourir pour son pays est un si digne sort, Qu'on briguerait en foule une si belle mort, CORN. Hor. II, 3.
   Une bonne mort, une mort au milieu des sentiments religieux et en s'acquittant de tous les devoirs de la religion.
   Nous espérons obtenir par elle [la Vierge] une bonne mort après une vie toute mondaine, BOURDAL. Assompt. de la Vierge, Myst. t. II, p. 342.
   Mort subite, mort qui survient instantanément. Les morts subites sont causées d'ordinaire par des ruptures du coeur ou des gros vaisseaux.
   Il disait que, loin de craindre une mort subite, c'était celle qu'il choisirait, DUCLOS Oeuvr. t. VI, p. 178.
   Donner la mort, voy. donner, n° 6.
   Mettre à mort, voy. mettre.
   Dans le langage élevé et poétique, porter la mort, voy. porter.
   Familièrement. Souffrir mort et passion, voy. passion.
   Familièrement. Mourir de sa belle mort, mourir de mort naturelle.
   Il serait plus honnête de me laisser mourir de ma belle mort, VOLT. Lett. d'Argental, 30 janv. 1778.
   Fig.
   Tu dis qu'il faut brûler mon livre ; Les tiens auront un meilleur sort, Ils mourront de leur belle mort, J. B. ROUSS. Ép. III, 16.
   Être à l'article de la mort, être à l'agonie.
   Être malade à la mort, être fort malade, être près de mourir.
   Gens du monde, vous ne pensez pas à ces horribles profanations [de la messe] ; à la mort, vous y penserez avec confusion et saisissement, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Il est plaisant que je sois si politique, en étant continuellement à la mort, VOLT. Lett. d'Argental, 6 déc. 1777.
   Au milieu de ce premier triomphe, le roi tomba malade à Calais ; il fut plusieurs jours à la mort, VOLT. Louis XIV, 6.
   Dès qu'on a le genre nerveux véritablement attaqué, on est porté à se croire continuellement à la mort, GENLIS Maison rust. t. II, p. 261, dans POUGENS.
   Entre la vie et la mort, dans un fort grand péril par maladie ou par accident.
   Alors qu'entre la vie et la mort incertaine, Comme un fruit par son poids détaché du rameau, Notre âme est suspendue et tremble à chaque haleine...., LAMART. Méd. II, 22.
   Être au lit de la mort, au lit de mort, être à l'extrémité.
   Un pécheur qui, étendu dans le lit de la mort, commence à ne plus compter sur sa vie, MASS. Avent, Mort du pécheur..
   À son lit de mort, avant de mourir, en mourant.
   Fig. Avoir la mort entre les dents, être fort vieux ou fort malade.
   Je vois tout l'excès du ridicule où je me jette à mon âge [en faisant une tragédie à 84 ans], la syndérèse dans le coeur, et la mort entre les dents, ou du moins entre les gencives, car de dents je n'en ai plus, VOLT. Lett. d'Argental, 30 janv. 1778.
   Avoir la mort sur les lèvres, être près de mourir, avoir la figure d'un mourant.
   Mille morts, se dit, par exagération, pour les plus grands supplices ou les plus grandes douleurs, ou les plus grands périls. La goutte lui a fait souffrir mille morts.
   Xipharès... à travers mille morts, ardent, victorieux, S'était fait vers son père un chemin glorieux, RAC. Mithr. V, 4.
   Plutôt de mille morts dussiez-vous me punir...., RAC. ib. III, 5.
   Vouloir mal de mort, vouloir beaucoup de mal à quelqu'un.
   Je me veux mal de mort d'être de votre race, MOL. Femmes sav. II, 7.
   La mort exécute le vif, les héritiers du créancier mort peuvent faire exécuter l'obligé qui vit.
   Pères de la Mort, s'est dit d'hommes religieux ou de moines qui se vouaient à l'assistance des moribonds. À Paris, on appelait particulièrement ainsi les augustins déchaussés ou Petits pères.
   Hussards de la mort, nom donné à certains régiments de hussards qui portaient pour insignes une tête et des os de mort, et qui, disait-on, ne faisaient aucun quartier à l'ennemi.
   Dans le style soutenu, la mort est souvent personnifiée.
   La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier, La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier, MALH. VI, 18.
   La mort ne surprend point le sage, Il est toujours prêt à partir, LA FONT. Fabl. VIII, 1.
   Défendez-vous par la grandeur ; Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ; La mort ravit tout sans pudeur, LA FONT. ib..
   Ce que vous dites sur la liberté que prend la mort d'interrompre la fortune est incomparable, SÉV. 8 juin 1676.
   Un tel homme voyant approcher la mort.... lui montre lui-même l'endroit où elle doit frapper : Ô mort, lui dit-il d'un visage ferme, tu ne me feras aucun mal.... achève donc, Ô mort favorable, et rends-moi bientôt à mon maître, BOSSUET le Tellier..
   Sans menacer, sans avertir, la mort se fait sentir tout entière dès le premier coup, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Laissons donc au sage mépriser tous les états de cette vie, puisqu'enfin, de quelque côté qu'on s'y tourne, on voit toujours la mort en face qui couvre de ténèbres nos plus beaux jours, BOSSUET ib..
   Il s'affaiblissait, ce grand prince, mais la mort cachait ses approches, BOSSUET Louis de Bourbon..
   La grandeur et la gloire ! pourrons-nous encore entendre ces noms dans ce triomphe de la mort ?, BOSSUET Duch. d'Orl..
   Madame fut douce envers la mort, comme elle l'était envers tout le monde, BOSSUET ib..
   [Les princes] dégradés à jamais par les mains de la mort, BOSSUET ib..
   Elle se trouve toute vive et tout entière entre les bras de la mort, sans l'avoir presque envisagée, BOSSUET Mar.-Thér..
   La voilà, malgré ce grand coeur, cette princesse si admirée et si chérie ! la voilà telle que la mort nous l'a faite !, BOSSUET Duch. d'Orl..
   La mort a rejoint ce qu'elle avait séparé, FLÉCH. Duc de Mont..
   Ô mort, cruelle mort, que ne lui laissais-tu plus longtemps le plaisir de voir le fruit de ses travaux ?, FLÉCH. Mme de Mont..
Il serait bon à aller quérir, à aller chercher la mort, se dit d'un homme lent en tout ce qu'il fait.
   La Mort, personnification de la mort, personnage mythologique que l'on représente le plus souvent sous la forme d'un squelette armé d'une faux (on met une majuscule). Un malheureux appelait tous les jours La Mort à son secours : Ô Mort, lui disait-il, que tu me sembles belle ! Viens vite, viens finir ma fortune cruelle.
   La Mort crut, en venant, l'obliger en effet, LA FONT. Fabl. I, 15.
   Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie, Se plaignait à la Mort que précipitamment Elle le contraignait de partir tout à l'heure, LA FONT. ib. VIII, 1.
   Un fantôme s'élance sur le seuil des portes inexorables, c'est la Mort ; elle se montre comme une tache obscure sur les cachots qui brûlent derrière elle ; son squelette laisse passer des rayons livides de la lumière infernale, CHATEAUBR. Mart. VIII.
   Dans le langage de l'Écriture, les ombres de la mort, la mort (voy. ombre).
   Mort d'homme, se dit des accidents, des rixes où quelqu'un est tué.
   En ces occasions l'on frappe, l'on assomme, Et pour moins, bien souvent, il arrive mort d'homme, HAUTEROCHE le Soup. mal apprêté, sc. 6.
   Il y a ici mort d'homme et supposition, DANCOURT Mari retrouvé, sc. 22.
   Et si je n'avais pas apaisé la querelle, Il serait arrivé mort d'homme ou de femelle, REGNARD Ménechm. III, 1.
   Crime de mort, crime emportant la peine de mort ; coupable de mort, coupable méritant la mort (locutions qui ne se disent plus beaucoup).
   C'était un crime de mort de paraître en la présence du roi [sans être appelé], L. RACINE Rem. Esth. I, 3.
   Quand Assuérus y était [dans la chambre du trône], quiconque y entrait sans être appelé était coupable de mort, L. RACINE ib. II, 1.
   La peine capitale. Il vota la mort. Abolir la peine de mort. Toutes les voix allaient à la mort, ont été à la mort.
   Cette affaire va à la mort, elle doit finir par un arrêt de mort.
   Sentence, arrêt de mort, condamnation qui porte la peine de mort.
   Testament de mort, déclaration que fait un condamné avant son supplice.
   Par extension. Testament de mort, écrit qui atteste les derniers sentiments d'une personne.
   Terme de droit. Mort civile, cessation de toute participation aux droits civils.
   La mort éternelle, la mort de l'âme, la seconde mort, la condamnation des pécheurs aux peines de l'enfer.
   Quand il [le livre de l'Apocalypse] les condamne tous [les timides] à la seconde mort, à cette mort si terrible et si étrange, à ce lac ardent de feu et de soufre, BALZ. De la cour, 5e disc..
   Craignez les occasions prochaines ; car qui aime son péril, il aime sa mort, BOSSUET Sermons, Intégrité de la pénitence, 3.
   Des infidélités légères qui ne donnent pas la mort à l'âme, MASS. Carême, Tiédeur, 1.
   Tous les péchés ne sont pas des péchés à la mort, MASS. ib..
   Mort de l'âme, la perte de la grâce sanctifiante par le péché mortel.
   Mort morale, état de l'âme où tout sentiment moral est éteint.
   Pour garantir le jeune infortuné de cette mort morale dont il était si près, il commença par réveiller en lui l'amour-propre et l'estime de soi-même, J. J. ROUSS. Ém. IV.
   La mort au monde, la retraite loin du monde, soit dans une maison religieuse, soit chez soi et dans la demeure privée.
   Faites bien comprendre à nos soeurs en quoi consiste la mort au monde, MAINTENON Lettre à Mme de Glapion, t. III, p. 194, dans POUGENS..
   Par extension.
   Je ne connais personne qui ait autant de besoin que vous, monseigneur, d'une mort continuelle à tout intérêt et à toute passion, MAINTEN. Lett. au cardinal de Noailles, 30 avril 1697.
   Mort mystique de l'âme, détachement général du péché.
10°   Fig. Extinction, destruction, ruine. Le monopole est la mort de l'industrie.
   Je veux, dans un seul malheur, déplorer toutes les calamités du genre humain, et, dans une seule mort, faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines, BOSSUET Duch. d'Orl..
   ...Ce marquis... qui sans cesse au jeu... Voit la vie ou la mort sortir de son cornet, BOILEAU Sat. IV.
   On a ri à la mort du jansénisme et du molinisme, VOLT. Mél. litt. Avert. d'une éd. des pensées de Pascal..
   Les moralités sont la mort de toute bonne éducation, J. J. ROUSS. Ém. V.
   Les jeunes gens quelquefois se passionnent pour l'étude : c'est la mort à tout avancement, P. L. COUR. Lett. à l'Acad. des inscr..
   Familièrement. La mort au beurre, se dit de mets dont la préparation demande beaucoup de beurre. Les épinards sont la mort au beurre.
11°   Fig. Un grand chagrin. Ce fils dénaturé lui donne la mort.
   Et le coup qui surprend un espoir légitime, Porte plus d'une mort au coeur de la victime, CORN. Androm. II, 4.
   Avoir la mort dans l'âme, dans le coeur, être très affligé.
   Mme de Chaulnes m'a fort conté les affaires des états... elle me paraît la mort au coeur de toutes les troupes [envoyées en Bretagne], SÉV. 22 déc. 1675.
   Vous voyez devant vous une reine éperdue Qui, la mort dans le sein, vous demande deux mots, RAC. Bérén. III, 3.
   Elle a.... la fièvre, la migraine, Tout ce qu'on peut avoir.... la mort au fond du coeur, LANOUE Coquette corr. V, 1.
   Familièrement. C'est une mort que d'avoir affaire à un pareil homme, que de poursuivre une telle affaire, c'est-à-dire c'est une grande peine, c'est une grande misère que de.... C'est une mort que d'attendre si longtemps.
   C'est une mort, signifie aussi : il y a de quoi rendre malade, de quoi tuer.
   Vous savez ce que c'est pour moi que la santé de votre chère femme ; mais vous l'avez laissée trop écrire ; c'est une mort que cet excès [Mme de Grignan venait d'accoucher], SÉV. 23 févr. 1676.
   C'est ma mort, c'est la chose la plus désagréable pour moi.
12°   En termes de jeu, jouer à la mort de telle somme, jouer jusqu'à ce que telle somme soit perdue.
13°   Mort aux rats, drogue dont on se sert pour faire mourir les rats ; c'est d'ordinaire une substance arsenicale.
   Le sulfate de baryte est employé en Angleterre comme mort aux rats, THENARD Traité de chimie, t. II, p. 425, dans POUGENS.
   Mort aux mouches, cobalt ou arsenic délayé dans l'eau.
   Mort aux chiens, colchique d'automne.
   Mort de safran, petite truffe parasite, rhizoctonia crocorum. DC.
   Mort au chanvre, orobanche rameuse.
   Mort aux poules, jusquiame noire.
   Mort aux vaches, renoncule scélérate.
   Mort aux poux, staphysaigre.
14°   Populairement. La petite mort, le frisson. J'ai la petite mort dans le dos.
15°   Mort noire ou peste noire, nom donné à la grande peste qui dévasta le monde au milieu du XIVe siècle.
16°   À mort, loc. adv. De manière qu'on en meure. Il fut blessé à mort.
   Fig. être frappé à mort, être attaqué d'une maladie dont les symptômes annoncent une mort certaine.
   Condamner, juger à mort, condamner quelqu'un à la peine de mort.
   Combat à mort, combat qui ne doit se terminer que par la mort d'un des combattants.
   C'est un duel ? - à mort : ou ma vie, ou la vôtre !, C. DELAVIGNE Marino Faliero, II, 13.
   Populairement. À mort, excessivement. Boire à mort.
   À mort ! exclamation pour menacer de mort. À mort les traîtres !
   On dit dans le même sens et dans le même emploi exclamatif : mort à ! Mort aux traîtres !
17°   À la mort, loc. adv. Extrêmement, excessivement, en parlant de la haine, de l'ennui et d'autres sentiments analogues.
   Je suis ennuyée à la mort d'en entendre parler, SÉV. 36.
   Elle soutint que c'était obstination pure, que je m'ennuyais à la mort dans ma retraite, J. J. ROUSS. Conf. X.
   Brutal, avare, amoureux et jaloux à l'excès de sa pupille, qui le hait à la mort, BEAUMARCH. Barb. de Sév. I, 4.
   Je hais la toilette à la mort, GENLIS Théât. d'éduc. l'Enfant gâté, I, 3.
18°   À la vie et à la mort, loc. adv. Pour toujours. Je suis votre ami à la vie et à la mort.
   Entre nous, c'est à la vie et à la mort, notre amitié durera toujours.
   Il ne me pardonnera ni à la vie ni à la mort, il ne me pardonnera jamais.
   Vous voyez bien ces vingt sols-là, Marianne, je ne vous les pardonnerai jamais, ni à la vie, ni à la mort, MARIVAUX Marianne, part. 2.
   Terme de vénerie. À la mort, chiens ! cri que les chasseurs emploient pour appeler les chiens quand le cerf est pris.
19°   Par la mort ! sorte de serment et de menace.
   Par la mort ! par la tête ! si je le trouve, je le veux échiner, MOL. Scapin, II, 9.
   Quiconque remuera, par la mort, je l'assomme !, MOL. Éc. des f. II, 2.
   Mort de ma vie, autre serment qui sert à affirmer avec une sorte d'impatience.
   Et mort de ma vie, la grâce saura bien vous préparer les chemins !, SÉV. 440.
   Mort de ma vie, que les gens sont sots quand ils sont amoureux !, BRUEYS Grondeur, III, 5.
PROVERBES
   De tant de douleur on ne saurait faire qu'une mort.
   Dieu ne veut pas la mort du pécheur, c'est-à-dire il faut être indulgent pour la faiblesse humaine.
   Après la mort le médecin, voy. médecin.
   Il y a remède à tout, hors à la mort.
   XIe s.
   Si me gardez et de mort et de honte, Ch. de Rol. II.
   Ne lui chaut, sire, de quel mort nous mourions, ib. XV.
   Si chalengez [défendez] et vos morz et vos vies, ib. CXLI.
   Oliviers sent que à mort est ferut, ib. CXLIV.
   XIIe s.
   De mort à vie suscitas Lazaron, Ronc. 48.
   Jà de plus aspre mort nel pouvez justicier, ib. 200.
   E tu, bels sires, en cel lieu ù tu seras, u à mort u à vie, jo i serai, Rois, p. 175.
   En vostre amor, qui donra [donnera] mort ou vie, Couci, XXI.
   XIIIe s.
   Sa fille [elle] i a trouvée, que la male mort fiere [puisse frapper], Berte, XII.
   Se je n'ai d'une cose [chose] que je desire à mort, Chron. de Rains, 108.
   Li uns des sers sunt si soujet à lor seigneurs, que lor sires pot penre quanqu'il ont, à mort et à vie, et lor cor tenir en prison toutes les fois qu'il lor plest, soit à tort, soit à droit, qu'il n'en est tenus à respondre fors à Dieu, BEAUMANOIR XLV, 31.
   S'il i a mort d'homme, tout cil qui sont au fet quieent [tombent] en la merci du comte, de cors et d'avoir, BEAUMANOIR LX, 10.
   XIVe s.
   Et ainsi celui est principalement dit fort qui se met en perilz de bonne mort, ORESME Eth. 79.
   Qui plus despend qu'à lui n'afiert, Sans coup ferir, à mort se fiert [blesse], J. DE VIGNAY Esches moralisés, f. 74.
   Il me fera morir, bien sai, sans nul detri [retard] ; Car il me het à mort, et aussi foi-je lui, Guesclin. V. 16416.
   Mais mettez tout à mort, celle soudoierie ! Avant à ces ribaus ! lor puissance est faillie, ib. V. 17456.
   Mieux vaut prison que mort ; car adès en yst-on [sort-on] ; Mais li homs qui est mors, jamais ne revoist-on, ib. V. 12260.
   XVe s.
   Mort de moy ! vous y jouez vous Avec dame merencolie ? Mon cueur, vous faictes grant folye, C'est la nourrisse de courroux, CH. D'ORL. Rond..
   Rien n'est d'armes, quand la mort assaut, LEROUX DE LINCY t. II, p. 413.
   Le marechal a le jour du vendredi en grande reverence ; il n'y mange chose qui prenne mort, ne vest couleur fors noire, Bouciq. IV, 3.
   Qui croit de leger les rapports De ses yeulx sans autre esperance, Pourroit mourir de mille morts Ainçois qu'ataindre à sa plaisance, ALAIN CHARTIER la Belle dame sans merci..
   Mourir de mort acquise [violente], Perceforest, t. IV, f° 85.
   Or entendez, chere cousine, qu'il est ici malade avecques un sien compaignon ; si vous prie pour Dieu, que je puisse parler à luy, car c'est ma mort et ma vie, ib. t. I, f° 43.
   XVIe s.
   Elle en faisoit l'essai sur les criminels de mort qui estoient detenus es prisons, AMYOT Anton. 93.
   Le jeudi consequent, nonobstant grand tempeste, De canonner à mort l'Anglets sur nous tempeste, MORIN Siége de Boulogne, p. 34.
   Ceux qui voyent comment ce mal me met au bas, Comme il revient soudain, n'attendent qu'un trespas Qui ces petites morts d'heure à autre finisse, DESPORTES Diane, II, 60.
   Beze est mort de mort civile, à sçavoir par bannissement, et de mort spirituelle, à sçavoir par l'excommunication, D'AUB. Conf. II, 6.
   Ils crioient, Nouvelles, nouvelles, comme on crie la mort aux rats et aux souris, Sat. Mén. p. 197.
   Syncope ou petite mort, PARÉ VII, 14.
   J'apperceu une vigne plus chargée de fruits que toutes les autres, et m'enquerant de la raison, on me respondit qu'elle estoit chargée à la mort, PALISSY 30.
   Et ne voyant moyen de se desveloper, voulut vendre sa mort, M. DU BELLAY 6.
   Le semblable se fera pour toutes mises outre des plaintes, significations et recours à mort de la chandelle [extinction des feux], Nouv. coust. génér. t. II, p. 189.
   On dit en commun proverbe que telle vie, telle mort, PASQUIER Recherches, livre VI, p. 531, dans LACURNE.
   La mort n'a point d'ami, le malade n'en a qu'un demi, COTGRAVE .
   Bonne la mort qui nous donne la vie [qui ouvre le paradis], COTGRAVE .
   Contre la mort n'y a point d'appel, COTGRAVE .
   À longue corde tire qui la mort d'autrui desire, COTGRAVE .
   Haine de prince signifie mort d'homme, COTGRAVE .
   À toute heure la mort est preste, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 231.
   Le capitaine Bayard, se sentant blecé à mort d'une arquebusade dans le corps, MONT. I, 16.
   ....ceux qui entreprennent, vivants et respirants, jouyr de l'ordre et honneur de leur sepulture, et qui se plaisent de veoir en marbre leur morte contenance ; heureux qui sachent resjouyr et gratifier leur sens par l'insensibilité, et vivre de leur mort, MONT. I, 18.
   Jamais homme ne se prepara à quitter le monde plus purement et pleinement, et ne s'en desprint plus universellement que je m'attends de faire ; les plus mortes morts sont les plus saines, MONT. I, 79.
   Moy qu'il [la Boétie] laissa d'une si amoureuse recommandation, la mort entre les dents, par son testament, heritier de sa bibliotheque et de ses papiers, MONT. I, 206.
   Pays messin, moûe ; prov. mort ; esp. muerte ; ital. morte ; du lat. mortem (voy. mourir).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
3. MORT. Ajoutez :
20°   Arbre de mort, le mancenillier, BAILLON, Dict. de botan. p. 257.
————————
mort 4.
(mor) s. m.
Troisième réservoir des conches dans un marais salant.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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