nez

nez
( ; le z ne se prononce et ne se lie jamais : un né aquilin ; au pluriel, le z se lie : des né-zaquilins) s. m.
   Partie saillante, pyramidale et triangulaire du visage qui est l'organe de l'odorat. Le bout du nez, l'extrémité libre du nez. La racine du nez, l'endroit par où le nez se continue supérieurement avec la partie moyenne et inférieure du front.
   Je serais fort empêché de dire de quelle sorte j'ai le nez fait ; car il n'est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu, au moins à ce que je crois, LAROCHEFOUC. Portrait..
   Toutes [les femmes qui se font peindre] demandent les mêmes choses : un teint tout de lis et de roses, un nez bien fait, une petite bouche et de grands yeux vifs et bien fendus, MOL. le Sicilien, sc. 11.
   Le nez de Cléopatre : s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé, PASC. Pens. IV, 43, édit. HAVET..
   Votre fille est plaisante, elle n'a pas osé aspirer à la perfection du nez de sa mère, elle n'a pas voulu aussi.... je n'en dirai pas davantage ; elle a pris un troisième parti, et s'avise d'avoir un petit nez carré, SÉV. 60.
   Une quintessence de la Chine qui fait sortir le nez à celles qui n'en ont guère, et le fait rentrer à celles qui en ont trop, DANCOURT l'Opérateur Barry, Prol. sc. 4.
   Elle [Mme de Thianges] n'avait que de la blancheur, d'assez beaux yeux, et un nez tombant dans une bouche fort vermeille, qui fit dire à M. de Vendôme qu'elle ressemblait à un perroquet qui mange une cerise, Mme DE CAYLUS Mémoires, édit. de 1805, p. 103.
   Ah ! qui jamais aurait pu dire Que ce petit nez retroussé Changerait les loix d'un empire ?, FAVART Soliman II, III, 13.
   Il avait le visage long, avec un nez de perroquet, et, quoiqu'il n'eût pas mauvaise mine, il ne laissait pas d'avoir l'air d'un franc fripon, LE SAGE Gil Bl. III, 3.
   Son nez pointu touche à son court menton, VOLT. Ce qui plaît, etc..
   Un jeune libertin se promène au Palais-Royal ; il voit là un petit nez retroussé, des lèvres riantes, un oeil éveillé, une démarche délibérée, et il s'écrie : oh ! qu'elle est charmante !, DIDER. Mém. t. II, p. 169, dans POUGENS.
   Il n'y a pas d'homme dont les passions se peignent plus vivement sur son visage ; c'est peut-être le seul qui ait le nez expressif ; il loue du nez, il blâme du nez, il décide du nez, DIDER. ib. t. I, p. 285, dans POUGENS.
   Le nez est la partie la plus avancée et le trait le plus apparent du visage ; mais, comme il n'a que très peu de mouvement, et qu'il n'en prend ordinairement que dans les plus fortes passions, il fait plus à la beauté qu'à la physionomie, BUFF. Hist. nat. homme, Oeuv. t. IV, p. 292.
   Par plaisanterie, nez qui a coûté cher à mettre en couleur, nez dont la teinte rubiconde atteste que son porteur a bu et payé plus d'une bouteille.
   Nez de pompette, nez d'ivrogne.
   Nez fleuri, nez bourgeonné, plein de boutons causés par le vin.
   Nez enluminé, nez rouge comme chez les ivrognes.
   Par plaisanterie, nez de betterave, gros nez enluminé.
   Voilà un beau nez à porter lunettes, se dit pour se moquer d'un grand nez.
   Parler, chanter du nez, parler, chanter d'une manière désagréable, comme si le nez était bouché.
   Il est sûr qu'elle a appris à parler du nez, à rire sans en avoir envie, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, t. I, p. 163, dans POUGENS.
   Un ermite.... Parlant du nez à Dieu, chante au dos d'un lutrin, VOLT. Disc. 7.
   On dit de même : un ton de nez.
   Tant mieux, monseigneur, reprit le père d'un ton de nez fort dévot, SAINT-ÉVREMOND Conversation du père Canaye..
   Fig. et populairement. Vouloir manger le nez de quelqu'un, se dit de quelqu'un qu'on hait et qu'on veut écraser.
   Tâte voir si le nez te branle, se dit dérisoirement et populairement à une personne qui se flatte d'un succès qu'elle n'a aucune chance d'obtenir.
   Ils viennent regarder qui a le plus beau nez, se dit de gens oisifs qui se promènent.
   Saigner au nez, du nez, voy. saigner.
   Voir la longueur de son nez, être dans un lieu obscur où l'on voit très peu.
   En ces lieux mal illuminés, On voit la longueur de son nez, SCARR. Virg. VI.
   Fig. Ne pas voir plus loin que son nez, que le bout de son nez, avoir peu de lumières, peu de prévoyance.
   À moins que d'être illuminés, Les mortels plus loin que leur nez Ne peuvent jamais voir les choses, Bien loin d'en connaître les causes, SCARR. Virg. II.
   Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez, L'autre était passé maître en fait de tromperie, LA FONT. Fabl. III, 5.
   Fig. Tirer les vers du nez à quelqu'un, tirer de lui un secret en le questionnant adroitement.
   Vous avez envie de me tirer les vers du nez, MOL. G. Dand. II, 7.
   Il m'a voulu tirer les vers du nez, mais je lui ai donné son reste comme il faut, ALAIN l'Épreuve réciproque, sc. 6.
(Cette locution singulière vient probablement de ce que, en serrant fortement le nez, on fait sortir de la peau du nez de petits morceaux d'une matière demi-solide qu'on a comparée à des vers, et qui est le produit des follicules cutanés.)
   Pincer le nez à quelqu'un, lui serrer le nez. Il faut pincer le nez à cet enfant, pour lui faire ouvrir la bouche.
   Fig. Pincer le nez, faire faire quelque chose à quelqu'un malgré lui.
   Après il faut l'histoire [il faut que Pauline, fille de Mme de Grignan lise l'histoire] ; si on a besoin de lui pincer le nez pour lui faire avaler, je la plains, SÉV. 15 janv. 1690.
   Venir frotter son nez, essayer de se faire recevoir par quelqu'un, en quelque lieu.
   Viens, viens frotter ton nez auprès de ma colère, MOL. Dép. amour. IV, 4.
   Fig. Mettre son nez, mettre le nez, fourrer son nez où l'on n'a que faire, se mêler indiscrètement de quelque chose.
   Je me fusse plutôt laissé crucifier, Que de mettre le nez où je n'ai rien à faire, RÉGNIER Sat. XI.
   Monsieur, il ne faut jamais qu'un serviteur mette le nez dans les affaires de ceux dont il mange le pain, HAUTER. Coch. supposé, sc. 3.
   Et songez à vous taire, Sans mettre votre nez où vous n'avez que faire, MOL. Tart. II, 2.
   Mettre le nez dans, se mêler de.
   Est-ce à vous d'y mettre le nez ?, MOL. Médec. m. lui, I, 2.
   Le père aura mis son nez mal à propos dans cette amitié, SÉV. 343.
   M. Boucherat a trouvé que, toutes ses dettes et ses legs payés, il ne lui restait [à Turenne] que dix mille livres de rente ; c'est deux cent mille francs pour tous ses héritiers, pourvu que la chicane n'y mette pas le nez ; voilà comme il s'est enrichi en cinquante années de service, SÉV. 28 août 1675.
   Je suis à une belle distance pour mettre mon nez dans tout cela [les affaires de Provence], SÉV. 18 déc. 1675.
   Il ferait beau voir que chacun mît le nez dans mes affaires, MARIVAUX Pays. parv. part. 6.
   Fig. Mettre le nez dans une affaire, commencer à l'examiner.
   Fig. Mettre le nez dans les livres, commencer à étudier.
   Mais une bonne fois, ma très chère, mettez un peu votre nez dans le livre de la Prédestination des saints de saint Augustin, SÉV. 436.
   Je trouve que l'étude est le parfait moyen De gâter la jeunesse, et n'est utile à rien ; Aussi je n'ai jamais mis le nez dans un livre, REGNARD Ménechmes, III, 8.
   Mettre à quelqu'un le nez sur, lui faire voir, toucher ce qui lui échappait.
   Je lui mis, comme on dit, le nez sur ce morceau de grec, qu'il n'avait pu voir sans moi, P. L. COUR. Lettre à M. Renouard..
   Fig. Avoir toujours le nez sur quelque chose, ne pas lever le nez de dessus quelque chose, y être constamment appliqué. Elle a toujours le nez sur son ouvrage.
   Fig. Mener quelqu'un par le nez, par le bout du nez, voy. mener, n° 12.
   Se casser le nez, se heurter le nez contre quelque chose.
   Ceux qui vont trop vite sont sujets à se casser le nez, GUI PATIN Lett t. II, p. 294, dans POUGENS.
   Fig. Se casser le nez, ne pas trouver chez lui quelqu'un qu'on allait voir. Vous étiez sorti, et je me suis cassé le nez.
   En un autre sens, se casser le nez, ne pas réussir, avoir un échec.
   Elle tint bon, Frédéric échoua Près de ce roc, et le nez s'y cassa, LA FONT. Faucon..
   Les troupes de Paris auraient le nez cassé, TH. CORN. l'Inconnu, V, 4.
   Que je traite avec vous, par lettres, des choses où Aristote, Platon, saint Thomas et saint Bonaventure se sont cassé le nez, c'est ce qu'assurément je ne ferai pas, VOLT. Lett. d'Argenson, 14 déc. 1770.
   Donner du nez en terre, tomber la face contre terre.
   Près de donner du nez en terre, SCARR. Virg. V.
   Fig. Donner du nez en terre, échouer dans quelque entreprise, avoir du dessous.
   Et fait au plus matois donner du nez en terre, RÉGNIER Sat. XIV.
   Il y en a trois ou quatre douzaines [d'apothicaires] qui ressemblent bien mieux à des gens qui vont donner du nez en terre faute d'emploi qu'à de bons marchands, GUI PATIN Nouv. lett. t. I, p. 111, dans POUGENS.
   Fig. Avoir toujours quelqu'un sur le nez, à cheval sur le nez, en être perpétuellement occupé d'une manière désagréable.
   Vous avez toujours l'auteur sur le bout du nez, et vous croyez l'ouvrage hardi, parce que cet auteur a une fort méchante réputation, VOLT. Lett. d'Argent. 21 déc. 1768.
   Fig. Il lui en pend autant au nez, il est menacé de pareille déconvenue. On dit plus souvent : autant lui en pend à l'oeil, voy. pendre, v. n.
   Fig. Se couper, s'arracher le nez pour faire dépit à son visage, faire par dépit contre quelqu'un une chose dont on souffre le premier.
   Prenez-vous-en par le bout du nez, c'est-à-dire vous êtes vous-même coupable d'un crime dont vous voulez noircir les autres ; locution venue, dit de Brieux, d'une ancienne coutume qui obligeait celui qui avait accusé quelqu'un à faux à lui faire réparation publique en se prenant le nez.
   Allonger le nez, s'approcher pour voir, flairer, goûter. Dès qu'on parle de cela, il faut le voir allonger son nez. Tu as beau allonger ton nez, ça ne te regarde pas, ce n'est pas pour toi. Attends, attends, je vas te faire allonger le nez !
   Allonger le nez, faire la moue. Il allonge le nez sur tout ce qu'on lui donne. On lui sert ce qu'on a de meilleur, et il allonge le nez.Faire un pied de nez à quelqu'un, se moquer de lui ; c'est un geste que l'on fait en mettant le pouce d'une main sur le nez et le pouce de l'autre main sur le petit doigt de la première main.
   Et quand ils sont enchaînés, Vous leur faites un pied de nez, SCAR. dans LEROUX, Dict. comique..
   Il a un pied de nez, se dit de quelqu'un d'attrapé, qui n'a pas réussi ; par allusion au geste du pied de nez.
   Avant jour dans la rue avec un pied de nez, RÉGNIER Sat. XI.
   En sortant du palais, je l'abordai en lui disant : M. Renaudot, vous pouvez vous consoler, car vous avez gagné en perdant. Comment donc ? me répondit-il. C'est, lui dis-je, que vous étiez camus lorsque vous êtes entré ici, et que vous en sortez avec un pied de nez, GUI PATIN Lett. t. II, p. 42.
   Il aura un pied de nez avec sa jalousie, MOL. G. Dand. I, 2.
   Populairement. Ce n'est pas pour son nez, c'est-à-dire la chose dont il s'agit ne lui est pas destinée.
   On dit ironiquement dans le même sens : c'est pour son nez ; vraiment c'est pour son nez.
   Que c'est pour leurs beaux nez que se font les ballets, Qu'elles sont le sujet des vers et des poulets, RÉGNIER Sat. III.
   Ils croient qu'on leur doit pour rien la courtoisie, Mais c'est pour leur beau nez, RÉGNIER Sat. XIII.
   Hé bien ! tu vois, Cléanthis, ce ménage ; Veux-tu qu'à leur exemple ici, Nous fassions entre nous un peu de paix aussi, Quelque petit rapatriage ? - C'est pour ton nez, vraiment, cela se fait ainsi, MOL. Amph. II, 7.
   Ce n'est pas pour ton nez que le four chauffe, signifie cela ne sera pas pour toi.
   Terme de peinture et de sculpture. Mesure proportionnelle. Le nez est le tiers de la face.
   Nez se dit en parlant de quelques animaux. Le nez d'un chien. Les chiens qui se portent bien ont le nez frais et humide.
   Nez au vent, se dit du chien qui, le nez levé, flaire le vent et les odeurs qu'il apporte.
   Et chien couchant chassant devant, Branlant la queue et nez au vent, SCARR. Virg. I.
   Fig.
   Laissez-moi donc sous ma bannière, Vous, messieurs, qui, le nez au vent, Nobles par votre boutonnière, Encensez tout soleil levant, BÉRANG. le Vilain..
   Nez de renard, présence de marques de feu au nez et aux lèvres du cheval.
   Terme de manége. Porter le nez au vent, se dit en parlant des chevaux qui lèvent fort la tête.
   Se dit, par extension, des personnes qui marchent le nez en l'air, des gens à la mine éventée, à l'air important.
   Il ne faut pas qu'une dame ait l'air ni le ton trop hardi, qu'elle ait le regard trop élevé ni le nez au vent, VOYER D'ARGENSON Mém. p. 413, dans POUGENS.
   Déployez-moi cette figure, ce nez un peu au vent, DIDER. Essai sur la peint. ch. 3.
   On dit dans le même sens : nez en l'air, nez haut.
   Son nez en l'air semble narguer l'amour, FAVART Soliman II, I, 1.
   M. de Stairs, au nez haut, arrive ici [Bruxelles] dans ce moment, VOLT. Lett. d'Argental, 2 fév. 1744.
   Nez se dit pour tout le visage.
   Il me regarde au nez, et riant me reproche..., RÉGNIER Sat. XI.
   Mettant son manteau sur son nez, Il avait regagné bien vite, De peur d'être mouillé, son gîte, SCARR. Virg. I.
   La belette avait mis le nez à la fenêtre : Ô dieux hospitaliers, que vois-je ici paraître ? Dit l'animal chassé du paternel logis, LA FONT. Fabl. VII, 16.
   [Les souris] Mettent le nez à l'air, montrent un peu la tête, Puis rentrent dans leurs nids à rats, LA FONT. ib. III, 18.
   Mouillé, fangeux, ayant au nez la bise, LA FONT. Orais..
   La fille enfin met le nez hors des draps, LA FONT. Herm..
   Et jure, que la première fois qu'elle viendra lui parler dans le nez, comme elle fait toujours, elle vous imitera, et lui donnera sur sa vilaine joue, SÉV. 70.
   Je reviens mettre mon nez au bout de l'allée, SÉV. 343.
   Je partis en fuyant, le nez dans mon manteau, RAIM. POISSON, Bar. de la Crasse, sc. 3.
   Mettre le nez dehors, s'aventurer à sortir.
   C'était un temps à ne pas mettre le nez dehors, SÉV. 660.
   Sans oser mettre le nez dehors, SÉV. 85.
   À peine notre flotte a-t-elle mis le nez hors de Brest qu'elle a été battue par les Anglais, VOLT. Mém. Volt..
   Nez à nez, face à face, l'un vis-à-vis de l'autre.
   ....Et vous vous souvenez Que vous vous trouvez, vous et ce fils, nez à nez, PIR. Métrom. III, 7.
   On dit dans le même sens : nez pour nez.
   J'ai trouvé nez pour nez, Comme un grand revenant, Géronte sur ses pieds, REGNARD Légat. IV, 8.
   Mettre son nez quelque part, s'y montrer.
   Votre frère veut aller mettre son nez à l'armée, SÉV. 344.
   Montrer son nez, se faire voir. Il a bien à faire de venir montrer là son nez.
   À peine le vert veut-il montrer le nez ; pas un rossignol encore, enfin l'hiver le 17e d'avril, SÉV. 17 avr. 1689.
   On dit dans le même sens : montrer le bout de son nez.
   Du Plessis m'a écrit que sa chimère n'avait montré que le bout de son nez, SÉV. 18 sept. 1689.
   Donner sur le nez à quelqu'un, le frapper au visage ; et fig. le tancer.
   Mon fils s'en pâme de rire ; je lui donnerai sur le nez tout aussitôt que je le pourrai, SÉV. 244.
   Fig. Donner d'une chose par le nez, dire quelque chose à tort et à travers.
   Et sur les jours caniculaires, Ils [les médecins] nous donnent encore, avec leurs lois sévères, De cent sots contes par le nez, MOL. Amph. II, 3.
   Vous me donnez par le nez de l'historiographe ; vraiment le roi m'ôta cette charge quand le roi de Prusse me prit à force, VOLT. Lett. Mme Lutzelbourg, 14 sept. 1753.
   J'aurais pu lui donner comme un autre de l'héroïque par le nez, VOLT. Lett. en vers et en prose, 159.
   Fig. Planter au nez, dire quelque chose de grossier, de désagréable.
   Sur cela, il sort une voix terrible de ce joli visage, qui nous plante au nez d'un air ridicule, que mauvaise herbe croît toujours, SÉV. 17 nov. 1675.
   Regarder quelqu'un sous le nez, s'approcher de lui de très près pour le regarder, comme pour le braver, pour le choquer.
   Comme cette action ne lui parut pas naturelle, il la regarda sous le nez, HAMILT. Gramm. 10.
   Fermer la porte au nez, fermer la porte au moment où quelqu'un s'y présente pour entrer ; et fig. ne pas vouloir le recevoir.
   Vous me deviez fermer la porte au nez, RAC. Plaid. II, 2.
   Peu s'en est fallu que son portier ne vous ait fermé la porte au nez, DANCOURT Chev. à la mode, IV, 1.
   Familièrement. Au nez de quelqu'un, en sa présence, et aussi en le bravant.
   Et leur dire à leur nez qu'ils n'ont rien fait qui vaille, RÉGN. Sat. IX..
   Oui, me railler, vous dis-je, et de plus à mon nez, HAUTER. App. tromp. I, 12.
   Vous voulez encore lui parler de votre mariage, après que sa femme vous a dit à votre nez qu'il n'en sera jamais rien, HAUTER. Crisp. médec. III, 3.
   Elle écoute un amant, elle en fait un mari ; Le tout au nez du mort qu'elle avait tant chéri, LA FONT. Matrone d'Éph..
   Je vous trouve plaisant d'user de cet empire, Et de me dire au nez ce que vous m'osez dire, MOL. Mis. IV, 2.
   Il ne sera pas dit que l'on cachète une lettre à mon nez, sans que je vous donne quelque légère signifiance, CH. DE SÉV. dans SÉV. 1er sept. 1680.
   Rire au nez de quelqu'un, se moquer de lui en face.
   Les verrous ne faisaient aucun bruit ; On me riait au nez, RÉGNIER Sat. X..
   À votre nez, mon frère, elle se rit de vous, MOL. Tart. I, 6.
   A-t-on jamais vu une pendarde comme celle-là, qui me vient rire insolemment au nez ?, MOL. Bourg. gent. III, 2.
   Elle ne peut s'empêcher de lui faire un éclat de rire au nez, HAMILT. Gramm. 7.
   Fig. Jeter à quelqu'un une chose au nez, la lui reprocher.
   C'est un étrange fait du soin que vous prenez à me venir toujours jeter mon âge au nez, MOL. Éc. des mar. I, 1.
   Faut-il.... qu'en toute rencontre.... On te rejette au nez le scandaleux affront Qu'une femme mal née imprime sur ton front !, MOL. Sgan. 9.
   Fig.
   Avoir le nez de, avoir l'apparence, la réputation de.... Moi qui n'ai pas le nez d'être Jean qui ne peut, RÉGNIER Sat. XI.
   Avoir le nez tourné vers, se disposer à aller, à faire.
   J'ai le nez tourné vers Paris ; mon fils y est déjà, SÉV. 1er mars 1676.
   Fig.
   Avoir le nez tourné à... Être en chance de.... Il mourut un des hommes de la cour qui avait le nez le plus tourné à une grande fortune : ce fut le comte de Mailly, SAINT-SIMON 66, 98.
   Comment peut-on imaginer que j'aie persécuté Jean-Jacques ?.... en vérité, ai-je le nez tourné à la persécution ?, VOLT. Lett. d'Alembert, 15 sept. 1762.
   Nez s'est dit familièrement en termes d'amitié.
   Hai, hai ! mon petit nez, pauvre petit bouchon, MOL. Éc. des maris, II, 14.
   Le sens de l'odorat. Ce chien a bon nez.
   Et des chiens attroupés l'instinct intelligent Déjà d'un nez avide interroge le vent, DELILLE Én. IV.
   Fig.
   C'est une des belles chasses qu'il est possible de voir, que celle que nous faisons après M. de Bellièvre et M. de Mirepoix ; ils courent, ils se relaissent, ils se forlongent, ils rusent, mais nous sommes toujours sur la voie, nous avons le nez bon, et nous les poursuivons toujours, SÉV. 196.
   Terme de chasse. Avoir le nez fin, se dit d'un chien qui chasse avec succès dans la poussière et pendant la chaleur. Avoir le nez dur, se dit d'un chien qui entre difficilement dans la voie. Chien de haut nez, celui qui chasse le nez haut.
   Fig. Sagacité, prévoyance.
   Marinette eut bon nez, quoi qu'on en puisse dire, De ne permettre rien un soir qu'on voulait rire, MOL. le Dép. II, 4.
   J'avais bon nez, sans doute, et son voisinage déjà m'avait donné quelque soupçon, MOL. G. Dand. I, 2.
   Comme il a bon nez, il n'est pas longtemps la dupe, SÉV. 64.
   Je ne crois pas que le marquis [de Villeroi] prenne le personnage d'amant ; il est observé par gens qui ont bon nez, et qui n'entendraient pas raillerie, SÉV. 13 avr. 1672.
   Il y a là de quoi faire rire les gens qui ont le nez fin, VOLT. Lett. roi de Prusse, août 1759.
   Avoir du nez, flairer, deviner.
   Pour qui avait du nez, l'odeur de la ligue leur sortait par tous les pores, SAINT-SIMON 177, 104.
   Familièrement. Mettre le nez dessus, deviner ce dont il s'agit.
   Nous inventâmes des supplices pour le premier qui mettrait le nez sur l'attachement qu'il aurait pour vous, SÉV. 133.
   J'ai mis le nez dessus, n'est-ce pas ?, DANCOURT les Agioteurs, I, 4.
   Bout du nez, portion de la lèvre supérieure du cheval, située entre les deux naseaux, et servant d'organe de toucher aux solipèdes, en raison de la grande sensibilité que développent dans cette partie les cordons nerveux considérables qui viennent y aboutir.
   Dans le boeuf, le bout du nez est formé par le mufle ; dans le porc, il porte le nom de groin ou boutoir.
   Partie des insectes appelée aussi chaperon ou épistome.
   Terme de marine. Avant, proue du navire, employé seulement dans cette locution : être sur son nez, enfoncer sa proue dans l'eau plus qu'il ne convient.
10°   En terme rural, on dit qu'une charrue est sur son nez quand elle s'enfonce trop dans la terre.
11°   Terme de relieur. Le nez, l'obliquité des cahiers que la couseuse n'a pas tenus verticalement. Le volume présente une pointe, soit vers le commencement, soit vers la fin ; cette pointe se désigne sous le nom de nez ; la rognure ne peut corriger ce défaut qu'aux dépens de la régularité des marges, Extrait du Manuel du relieur, p. 344, Roret, 1827.
   Autrement la rognure n'est jamais unie, et faisant successivement plusieurs sauts, le livre finit par être plus haut d'un côté que de l'autre, ce que l'on nomme, en termes de l'art, faire du nez, LESNÉ la Reliure, p. 174.
12°   En termes de fondeur, on nomme nez une croûte de scories qui se forme, par la fraîcheur du vent, au devant de la tuyère par laquelle le vent est introduit dans le fourneau.
   Dans la fonte des cloches, morceau de planche taillé en forme de couteau qui, en tournant le compas, dispose sur le collet du moule la figure des anses.
13°   Petite éminence de terre cuite qu'on ménage aux tuiles plates pour les accrocher à la latte.
14°   Nez de busque, partie du bois d'un fusil de munition qui forme un ressaut près de la poignée.
15°   Partie d'un soufflet qui se termine en pointe ; se dit surtout des soufflets d'orgue.
16°   Poisson du genre des squales, la lamie cornubique (sélaciens), appelé aussi long-nez et squale long-nez.
   Nez de potence, espèce de serpent
17°   Nez, au sens de cap. Cap Gris-nez près Calais. Le cap d'Antifer, près du Havre, a pour vrai nom de sa partie essentielle le Nez d'Antifer : ainsi l'on a la Courtine d'Antifer, le Fourquet d'Antifer et le Nez d'Antifer (l'étymologie directe est le norrois naes, angl. ness, cap, qui se rapportent aussi sans doute au nez du visage).
PROVERBES
   Un grand nez ne gâta jamais beau visage.
   Sur tous les autres nez son nez a l'avantage, Et jamais un grand nez n'orna mieux un visage, Mme DESHOULIÈRES Portr. de Linières..
   Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez, c'est-à-dire il est de la sagesse de tolérer un petit mal, lorsqu'on risque, en voulant y remédier, d'en causer un plus grand.
   Si on lui tordait le nez, il en sortirait du lait, voy. tordre.
   Cela paraît comme le nez au milieu du visage, se dit d'une chose très apparente.
   On dit dans le même sens par ironie : Cela ne paraît pas plus que le nez au milieu du visage.
   Béranger a, pour la rime, écrit né : Turpin d'abord trouve lui-même Coeur de vingt ans non profané ; Mais un bon moine de Thélème Le croque à l'instant sous son né, Mort de Charlemagne Laharpe avait fait la même chose dans son poëme de Tangu et Félime, ch. IV : L'infortuné Ouvre une figue et l'avale ; son né Grandit d'un pied.
   XIe s.
   [Il] Tranche le nes et la bouche et les dens, Ch. de Rol. CXXIII.
   XIIe s.
   Le nes moult très bien fait, les dens menus et blans, Sax. v.
   XIIIe s.
   Quant li archevesques oï la lettre lire, si li cheï le nés, et fu li plus esbahis homme del monde et il et tout li sien, Chr. de Rains, p. 242.
   XIVe s.
   Poi [j] aroie d'honeur, se le vostre perdez ; Car trop a laide face cil qui n'a point de nez, Guesclin. 6805.
   Se une partie du nez estoit deperdue, et incisions fussent faites es parties adjacentes, à ce que les parties fussent relachiées et peussent estre traites et aoniées [réunies] ensemble, H. DE MONDEVILLE f° 99, verso..
   XVe s.
   Et ce qui plus estoit, c'estoit le dangier des principales personnes à qui de heure en heure il en pendoit autant au nez, G. CHASTEL. Chron. des ducs de Bourg. 3e partie, ch. 20.
   XVIe s.
   Quand vous estes tous ensemble, vous vous laissez mener par le nez à tels, de qui chacun de vous à part ne voudroit pas prendre le conseil en ses privez affaires, AMYOT Caton, 15.
   Le comte d'Ostrate, qui estoit mandé, eut meilleur nez, et se sauva, D'AUB. Hist. I, 256.
   On fit une petite breche, les pieces ayans le nez levé et tirans de mille pas, D'AUB. ib. I, 269.
   D'abord l'evesque et sept de meilleure marque donnerent du nez à terre [tombèrent morts], D'AUB. I, 344.
   Il avoit l'oeil louche, le nez troussé, les nazeaux ouverts, D'AUB. ib. II, 420.
   Au temps qui court, qui a beau nez, il boit à la bouteille, PALSGR. p. 811.
   Epigramme que je vous estale tout de son long, non que j'y trouve aucun nez [finesse, esprit], PASQUIER Rech. IX, p. 794, dans LACURNE.
   Chaque legislateur se met une justice en buste, et chacun d'eux luy fait, si ainsi voulez que je le die, un nez de cire, et la diversifie sur le moule de ses conceptions particulieres, PASQUIER Lettres, t. II, p. 465.
   Voulez-vous en françois braver un homme, vous dites que vous le ferez bien camus, ou que vous lui rendrez le nez aussi plat comme une andouille, PASQUIER Rech. VIII, p. 693.
   Mener les hommes par le nez comme buffles, H. EST. Apol. pour Hérod. p. 573, dans LACURNE.
   Spinelle voyant ce conseil n'avoir profité à son mari, auquel si auparavant elle avoit tiré le nez d'un doigt, elle luy allongea depuis de deux brasses, Nuits de Straparole, t. II, p. 145, dans LACURNE.
   Fallut donner la bataille qu'ils perdirent, et fallut après s'en retourner en France, avec un nez de honte ; car par ce moyen tout l'Estat de Milan se perdit, BRANT. Capit. franç. t. II, p. 172, dans LACURNE.
   Quand ce vient au fait et au prendre, comme l'on dit, il [l'État de Vienne] saigne du nez, FROMENTEAU Finances, 3e livre, p. 291.
   Chacun mouche son nez, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 268.
   Qui coupe son nez defigure son visage, LEROUX DE LINCY ib. p. 38.
   Le defendeur se retira chez luy, ou demeura par les chemins s'il voulut, avec un pied de nez, NOEL DUFAIL Cont. d'Eutrap. ch. VII.
   Wallon, nase ; namur. nâz' ; provenç. nas, naz ; ital. naso ; du lat. nasus ; russe, nós ; sanscr. nas, nasa (accent long sur les deux a).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
NEZ. Ajoutez :
18°   Populairement. Prendre son nez pour ses fesses, s'est dit autrefois comme on dit aujourd'hui : prendre son cul pour ses chausses.
   Élise, comment donc, ils te font des caresses ; Mon maître assurément prend son nez pour ses fesses, QUINAULT Rivales, I, 3.
19°   En termes d'ouvrier, nez d'une marche d'escalier, le profil, le rebord d'une marche.
   Machines à faire les nez de marches d'escaliers..., Alm. Didot-Bottin, 1871-72, p. 779, 4e col..
20°   Terme de zingueur. Quand on fait entrer des tuyaux de zinc les uns dans les autres, on y adapte des nez en zinc pour les arrêter à un endroit déterminé.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • nez — NEZ. s. m. Cette partie eminente du visage qui est entre le front & la bouche, & qui sert a l odorat. Grand nez. petit nez. nez aquilin. nez retrousse. nez épaté. nez evasé. nez pointu. nez de perroquet. nez de furet. nez camus, camard. nez… …   Dictionnaire de l'Académie française

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  • NEZ — s. m. Cette partie saillante du visage qui est entre le front et la bouche, et qui est l organe de l odorat. Grand, petit nez. Nez aquilin, retroussé, épaté, pointu. Nez de perroquet, de furet. Nez camus, camard. Nez enluminé, bourgeonné,… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • Nez — Pour les articles homonymes, voir Nez (homonymie). Nez …   Wikipédia en Français

  • nez — n.m. Avoir du nez, avoir le nez fin, avoir le nez creux, savoir deviner, être prévoyant, avoir du flair. / Mettre son nez dans les affaires des autres, se mêler indiscrètement de ce qui ne vous regarde pas. / Mettre à quelqu un le nez dans son… …   Dictionnaire du Français argotique et populaire

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