propriété

propriété
(pro-pri-é-té) s. f.
   Ce qui est le propre d'une chose. L'égalité des rayons est une propriété du cercle.
   On voit d'une première vue, que l'arithmétique fournit des propriétés sans nombre, et chaque science de même, PASC. Disproport. de l'homme, 2, éd. FAUGÈRE..
   Il nous donna soudain les propriétés de la ligne que les bombes avaient décrite en l'air, MONTESQ. Lett. pers. 128.
   Tandis qu'un pauvre algébriste passe sa vie à chercher dans des nombres des rapports et des propriétés étonnantes, VOLT. Dict. phil. Société roy. de Londres..
   Les qualités qui sont tellement propres à une chose, qu'elles ne sauraient convenir à d'autres, se nomment propriétés : être terminé par trois côtés est, par exemple, une propriété du triangle, CONDIL. Gramm. Préc. des leç. prél. art. 1, Oeuv. t. v, p. LXIX, dans POUGENS..
   Ce qui est le propre des substances. L'impénétrabilité est la propriété de la matière.
   Faibles et hardis comme nous sommes, savons-nous si Dieu n'a pas formé des millions d'êtres qui n'ont ni les propriétés de l'esprit ni celles de la matière à nous connues ?, VOLT. Phil. Newt. I, 6.
   Propriétés générales, celles qui appartiennent à tous les corps.
   Mode d'activité qui appartient en propre à chaque corps, qui lui est inhérent, qui lui permet d'agir d'une manière déterminée sur nous et sur les autres corps. Les propriétés physiques, chimiques, vitales. La propriété fébrifuge du quinquina.
   On se sert aussi de propriété en parlant de la vertu particulière de chaque plante et des autres choses naturelles : Cet homme connaît la propriété de tous les simples, la propriété de l'aimant, Acad. Observ. sur Vaugel. p. 8, dans POUGENS.
   On peut considérer la lumière et la chaleur comme deux propriétés du feu, ou plutôt comme les deux seuls effets par lesquels nous le reconnaissons, BUFF. Hist. min. Introd. part. exp. Oeuvr. t. VIII, p. 2.
   Rentrés enfin tout à fait dans le monde corporel, nous apercevons bientôt l'usage que nous pouvons faire de la géométrie et de la mécanique, pour acquérir sur les propriétés des corps les connaissances les plus variées et les plus profondes, D'ALEMB. Disc. prélim. Encycl. Oeuv. t. I, p. 201, dans POUGENS..
   Fig.
   La plupart des hommes ont, comme les plantes, des propriétés cachées que le hasard fait découvrir, LA ROCHEFOUC. Max. 344.
   L'absence a pour moi cette propriété-là, qu'elle n'a, je crois, pour personne : elle m'attendrit ; je me figure toujours les gens que je ne vois point les plus aimables du monde, FONTEN. Lett. gal. I, 9.
   Ce qui distingue particulièrement une chose d'avec une autre chose du même genre. La propriété de cette machine est de faire le travail plus économiquement que les autres du même genre.
   Cette grosse et lourde machine [la phalange macédonienne] sera terrible, à la vérité, à une armée sur laquelle elle tombera de tout son poids ; mais, comme parle Polybe, elle ne peut conserver longtemps sa propriété naturelle, c'est-à-dire sa solidité et sa consistance, parce qu'il lui faut des lieux propres, et pour ainsi dire faits exprès, BOSSUET Hist. III, 6.
   Parfaite convenance du mot, du langage, du style, pour ce qui est à exprimer.
   C'est abuser étrangement de la propriété des mots pour un homme qui sait parfaitement notre langue, BALZ. liv. IV, lett. 23.
   Il [Balzac] a effectivement des qualités merveilleuses ; on peut dire que jamais personne n'a mieux su sa langue que lui, et mieux entendu la propriété des mots et la juste mesure des périodes, BOILEAU Longin, Subl. réfl. 7.
   Qui jamais a eu comme lui [Voltaire] ce sentiment délicat et fin des propriétés du style, et de ses différences, et qui jamais avec plus de justesse nous en a marqué les degrés ?, MARMONTEL Oeuv. t. IV, p. 424.
   Le droit par lequel une chose appartient en propre à quelqu'un.
   L'esprit de propriété double la force de l'homme ; on travaille pour soi et pour sa famille avec plus de vigueur et de plaisir que pour un maître, VOLT. Dict. phil. Propriété..
   Possédé du démon de la propriété, GRESSET Méch. II, 7.
   Il faut se ressouvenir que le fondement du pacte social est la propriété ; et sa première condition, que chacun soit maintenu dans la paisible jouissance de ce qui lui appartient, J. J. ROUSS. Écon. polit..
   Le respect pour la propriété s'étend de jour en jour jusque chez les nations les moins éclairées, RAYNAL Hist. phil. XIII, 54.
   À qui, barbares, ferez-vous croire qu'un fils puisse être la propriété d'un père ; une femme, la propriété d'un mari ; un domestique, la propriété d'un maître ; un nègre, la propriété d'un colon ?, RAYNAL ib. XI, 24.
   La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, Code Nap. art. 544.
   La propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations, ib. art. 711.
   La propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds, RAYNAL art. 716.
   Quelle est la sauve-garde de la propriété ? le gouvernement, CAMBACÉRÈS Inst. scienc. mor. et pol. t. III, p. 4.
   La société, en constituant toute propriété, a trois objets en vue : rémunérer le travail, perpétuer la famille, accroître la richesse publique, LAMART. Rapp. à la chambre des dép. Propriété litt..
   Nue propriété, voy. nu, n° 5.
   La chose qui appartient en propre à quelqu'un. Ce champ est ma propriété.
   Ils [les hommes qui n'ont que leurs bras] seront libres de vendre leur travail à qui voudra le mieux payer ; cette liberté leur tiendra lieu de propriété, VOLT. Dict. phil. Propriété..
   Biens-fonds, terres, maisons. Il a vendu sa propriété. Cette belle propriété lui appartient.
   Ils achètent de grands biens pour les revendre en détail, et, de profession, décomposent les grandes propriétés, P. L. COUR. Lett. v..
   Ils disaient que, de mes trois maisons, la dernière doit retourner à Dieu ; les deux autres pourraient servir à recomposer une grande propriété pour le marquis, P. L. COUR. 2e lett. partic..
   La grande propriété, l'ensemble des grandes propriétés. Les partages prescrits par le Code civil ont beaucoup diminué en France la grande propriété.
   On dit de même : la petite, la moyenne propriété.
   Propriété littéraire, droit que l'auteur d'un livre conserve sur son oeuvre, quand il ne l'a point aliéné définitivement, et qu'il transmet à ses héritiers pour un temps limité par la loi. On dit de même : propriété artistique.
   De toutes les propriétés, la moins susceptible de contestation.... c'est sans contredit celle des productions du génie ; et, si quelque chose doit étonner, c'est qu'il ait fallu reconnaître cette propriété, assurer son libre exercice par une loi positive ; c'est qu'une aussi grande révolution que la nôtre ait été nécessaire pour nous ramener sur ce point, comme sur tant d'autres, aux simples éléments de la justice la plus commune, LAKANAL Rapport à la Convention, 19 juillet 1793.
   Les uns disaient : la propriété des grandes oeuvres de l'esprit est le patrimoine de la société avant d'être le domaine privé et utile d'une famille quelconque, LAMART. Rapp. à la ch. des dép. Propr. litt..
   Les conditions de la propriété artistique ne sont pas identiquement les mêmes que les conditions de la propriété littéraire, LAMART. ib..
   Dans le langage mystique, état d'une âme propriétaire.
   Il est bien rare de trouver des âmes assez pures pour posséder purement et sans propriété le don de Dieu, FÉN. t. XVIII, p. 357.
   XIIe s.
   Tresqu'à la saint Martin l'unt pur respit mené, Ainz qu'il eüst saisine de sa proprieté, Th. le mart. 120.
   XIIIe s.
   As proprietés lors se tindrent, La terre meïsmes partirent, Et au partir bones [bornes] i mirent, la Rose, 9634.
   Poures estoit en sa riqueche, Et non poissans en sa nobleche, Sans eür en sa propreté, Et mendians en sa plenté, GUI DE CAMBRAI Barl. et Jos. p. 84.
   Li maistres dit que les proprietez de la chose sont tels que par eles puet [peut] li parleres dire et prover sa entencion ; de cele chose Tulles dit que ces proprietez sont en quatre manieres : une qui se tient en toute la chose, une autre qui se tient en la chose faisant, une autre qui est jointe à la chose, et une autre qui est environ la chose, BRUN. LATINI Trésor, p. 532.
   Eslire celui cheval qui ait les proprietez et les tesches [qualités] qui besoignables sont à ce de quoi il doit servir, BRUN. LATINI ib. p. 241.
   De ce avient toute descorde, que tu t'efforces de torner mes choses en ta proprieté, BRUN. LATINI ib. p. 408.
   XIVe s.
   L'aprentis demande quelz proprietez Dieu donna aux chiens, Modus, f° XXV, verso.
   XVe s.
   Et ce qu'elles ont, habandonner En commun sanz propreté, E. DESCH. Poésies mss. f° 408.
   XVIe s.
   Il y peult avoir à cela quelque proprieté occulte, MONT. I, 184.
   Génev. proprî ; prov. propiedad ; ital. proprietà ; du lat. proprietatem, qualité particulière et possession, de proprius, propre.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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