vivre

vivre
vivre 1.
(vi-vr'), je vis, tu vis, il vit, nous vivons, vous vivez, ils vivent ; je vivais ; je vécus, nous vécûmes ; je vivrai ; je vivrais ; vis, qu'il vive, vivons, vivez ; que je vive, que nous vivions, que vous viviez ; que je vécusse ; vivant, vécu, v. n.
   Être en vie. Les oiseaux vivent dans l'air, et les poissons dans l'eau. Les chênes vivent fort longtemps.
   Il n'y a rien qui exhorte tant à savoir bien mourir, que de n'avoir point de plaisir à vivre, VOIT. Lett. 71.
   Mes crimes, en vivant, me la pourraient ôter [la vie céleste], CORN. Poly. II, 6.
   Mécénas fut un galant homme ; Il a dit quelque part : qu'on me rende impotent, Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme Je vive, c'est assez, je suis plus que content, LA FONT. Fabl. I, 15.
   L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage, Ne dira-t-il jamais : c'est assez, jouissons ? Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre, LA FONT. ib. VIII, 27.
   Je dis toujours que, si je pouvais vivre seulement deux cents ans, je deviendrais la plus admirable personne du monde, SÉV. Lett. à Bussy, 27 juin 1679.
   La dernière heure [pour un vieillard] n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir, BOSSUET le Tellier..
   Indigne également de vivre et de mourir, On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir, RAC. Baj. I, 1.
   Cette expression : elle ne vit plus, ne lui ôtait que la vie, et ne lui donnait pas les laideurs de la mort, MARIV. Marianne, 7e part..
   J'ai vécu, c'est-à-dire, souffert trop longtemps, VOLT. Lett. Vaines, 12 août 1777.
   Il me semble que je vous avais conseillé de vivre, uniquement pour faire enrager ceux qui vous payent des rentes viagères, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 23 avr. 1754.
   Une raison pour vivre, est d'avoir vécu ; cela est évident dans les sept premières années de la vie, où le nombre des jours que l'on doit espérer va toujours en augmentant, BUFF. Prob. de la vie, t. x, p. 244.
   Plus on vit, plus on aime à vivre, même sans jouir de rien, J. J. ROUSS. Hél. VI, 11.
   J'échangerais ce qu'il me reste à vivre Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés, BÉRANG. Grenier..
   J'ai vécu, j'ai passé le désert de la vie, LAMART. Méd. I, 18.
   Âme, personne qui vive, avec une négation, personne.
   Ce grand et rare effet d'une imaginative Qui ne cède en vigueur à personne qui vive, MOL. l'Ét. II, 14.
   Faire vivre, prolonger l'existence. Le régime rigoureux qu'il suit, le fait vivre. Le médecin a fait vivre ce malade dont la poitrine est menacée.
   Fig.
   Vous y devez [dans la langue] avoir une souveraine puissance, et faire vivre ou mourir les paroles comme il vous plaît, VOIT. Lett. 53.
   Dans le style élevé. Il a vécu, il est mort.
   Non, non : avant ce coup Sabine aura vécu, CORN. Hor. II, 6.
   Au moment où je parle, ils ont vécu peut-être, VOLT. Brutus, v, 5.
   Fig. J'ai vécu, ma vie est finie, touche à son terme.
   C'en est fait, madame, et j'ai vécu, RAC. Mithr. v, 5.
   Il n'a que trop vécu, se dit d'une personne qu'on menace de faire mourir.
   Bajazet est un traître et n'a que trop vécu, RAC. Bajaz. IV, 6.
   Vis, vivez, se dit à une personne à qui l'on fait grâce de la vie.
   Vis donc, Horace, vis, guerrier trop magnanime ; Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime, CORN. Hor. v, 3.
   Par exagération. Ne pas vivre, être dans des inquiétudes continuelles qui troublent la vie.
   Mme votre mère ne vivait pas, et nous vous trouvions bien plus en danger que pendant la petite vérole, MAINTENON Lett. au duc de Noailles, 29 mai 1706.
   On dit dans le même sens : ce n'est pas vivre. Il est toujours malade, ce n'est pas vivre.
   Vivons-nous, chrétiens, vivons-nous ? cet âge que nous comptons et où tout ce que nous comptons n'est plus à nous, est-ce une vie !, BOSSUET Mar.-Thér..
   Dieu vit de toute éternité, vit dans les siècles des siècles, vit par lui-même, se dit pour exprimer la vie de Dieu infinie, éternelle, indépendante.
   Les bienheureux vivront éternellement avec Dieu dans la gloire, ils jouiront de la vue de Dieu pendant l'éternité.
   En termes de dévotion, il se dit par rapport à la disposition de l'âme qui est en état de grâce. Un pécheur converti vit de la vie de grâce, vit d'une vie nouvelle.
   Représentez-vous un véritable juste qui vit de la foi, MASS. Carême, Vérité de la relig..
   Passer sa vie en un certain temps. Ceux qui ont vécu avant l'ère chrétienne. Joinville a vécu dans le XIIIe siècle, et est mort au commencement du XIVe.
   Il se dit aussi par rapport au gouvernement, aux usages, aux lois du pays où l'on demeure. Les lois, les coutumes sous lesquelles nous vivons.
   Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, MOL. Tart. v, 7.
   En termes de galanterie, vivre sous les lois d'une femme.
   Passer sa vie.
   Si c'est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher ce qu'on est, c'en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu, PASC. Pens. XXIV, 57 bis, édit. HAVET..
   Est-on dans les grandes places pour se reposer et pour vivre ?, BOSSUET le Tellier..
   Jouissons de la vie ; ne nous refusons aucun plaisir ; le temps est court, hâtons-nous de vivre, parce que nous mourrons demain, et tout mourra avec nous, MASS. Carême, Doutes..
   Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir, VAUVENARGUES. Réflex. et max. 142.
   Il résultait de ses observations [de Montesquieu] que l'Allemagne est faite pour y voyager, l'Italie pour y séjourner, l'Angleterre pour y penser et la France pour y vivre, D'ALEMB. Élog. Montesq..
   D'une façon emphatique et absolument. Employer sa vie.
   Contre de telles gens [les stoïciens, qui ôtent les passions], quant à moi, je réclame : Ils ôtent à nos coeurs le principal ressort ; Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort, LA FONT. Fabl. XII, 20.
   Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais, PASC. Pens. III, 5.
   Quand il n'en faudrait retrancher [de la vie] ni l'enfance où l'homme ne se connaît pas, ni les maladies où l'on ne vit point...., BOSSUET le Tellier..
   La pensée de la mort nous trompe ; car elle nous fait oublier de vivre, VAUVENARGUES. Réfl. et max. 143.
   La plupart des hommes meurent sans avoir vécu ; vous vivez beaucoup, puisque vous pensez beaucoup, VOLT. Lett. d'Uzès, 4 déc. 1751.
   L'homme qui a le plus vécu n'est pas celui qui a compté le plus d'années, mais celui qui a le plus senti la vie ; tel s'est fait enterrer à cent ans, qui mourut dès sa naissance, J. J. ROUSS. Ém. I.
   Vivre ce n'est pas respirer, c'est agir ; c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence, J. J. ROUSS. ib..
   Ceux qui.... N'ont connu qu'une oisive et morne indifférence.... Ils n'ont fait qu'exister, l'amant seul a vécu, A. CHÉN. Élég. XXVI.
   Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front, V. HUGO Châtim. IV, 9.
   Avoir trop vécu, s'être livré à des excès dans sa jeunesse.
   Ceux qui ne meurent jamais que parce qu'ils ont trop vécu, Mme DE PUISIEUX Ridic. à la mode, p. 161, dans POUGENS.
   Vivre pour, consacrer sa vie à. Ne vivre que pour servir Dieu, que pour son pays, que pour l'étude.
   Ce coeur qui n'a jamais vécu que pour son époux, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Moi, j'aimerais Roxane, ou je vivrais pour elle !, RAC. Baj. III, 4.
   Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient pas, LA BRUY. XI.
   Que je le voie, plein de mépris pour moi, ne vivant plus que pour ma rivale, FÉN. Tél. VII.
   Qui ne vit que pour soi n'est pas digne de vivre, BOISSY Sage étourdi, II, 3.
   On a dit dans le même sens : ne vivre qu'à.
   Mon coeur gêné d'amour n'a vécu qu'aux ennuis, RÉGNIER Élég. I.
   Ainsi des plus grands saints la sagesse profonde Pour ne vivre qu'à Dieu fuyait les jeux du monde, CORN. Imit. I, 20.
   Vivre avec une femme, avoir avec elle des rapports conjugaux.
   Pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari, SACI Bible, St Paul, 1re ép. aux Cor. VII, 2.
   Savez-vous seulement [vous, Oedipe] avec qui vous vivez ?, VOLT. Oed. III, 4.
   En un sens défavorable. Vivre en état de concubinage. Elle vit avec un jeune homme.
   La surprise avec laquelle j'appris par lui que personne ne doutait dans le monde que je n'eusse vécu avec Mme d'Épinay, comme Grimm y vivait maintenant, ne peut être égalée que par celle qu'il eut lui-même en apprenant combien ce bruit était faux, J. J. ROUSS. Conf. x..
   On épouse une femme, on vit avec une autre, l'on n'aime que soi, SAURIN Moeurs du temps, 5.
   Vivre avec le public, vivre dans la prostitution.
   Cette Rosten, qui vit avec le public, fille d'un acteur, MIRAB. Lett. orig. t. IV, p. 167.
   Il se construit avec certains noms de temps et d'une manière qui pourrait faire croire qu'il a un régime direct ; mais il n'en est rien : c'est une ellipse de pendant, durant.
   Oui c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie, CORN. Ment. III, 5.
   Le regret qu'ont les hommes du mauvais emploi du temps qu'ils ont déjà vécu, ne les conduit pas toujours à faire de celui qui leur reste à vivre, un meilleur usage, LA BRUY. XI.
   L'homme, qui est trente ans à croître, vit quatre-vingt-dix ou cent ans ; le chien, qui ne croît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans, BUFF. Hist. nat. hom. t. IV, p. 354.
   Nous trouverons dans la table qu'à l'âge de 25 ans on n'a vécu que le quart de sa vie, qu'à l'âge de 38 ans on n'en a vécu que la moitié, et que ce n'est qu'à l'âge de 56 ans qu'on a vécu les trois quarts de sa vie, BUFF. Hist. nat. hom. t. IV, p. 424.
   Ah ! si l'on peut vivre mille ans en un quart d'heure, à quoi bon compter tristement tous les jours qu'on aura vécu ?, J. J. ROUSS. Hél. I, 10.
   Similis, courtisan de Trajan, ayant, sans aucun mécontentement personnel, quitté la cour et tous ses emplois pour aller vivre paisiblement à la campagne, fit mettre ces mots sur sa tombe : J'ai demeuré soixante-seize ans sur la terre, et j'en ai vécu sept, J. J. ROUSS. Lett. à M. de Malesherbes, 3.
   Se nourrir. Les animaux qui vivent de proie. Il fait cher vivre dans cette ville. Il a fait meilleur vivre cette année que l'année dernière où les récoltes avaient souffert.
   Jean était vêtu de poil de chameau ; il avait une ceinture de cuir autour des reins, et vivait de sauterelles et de miel sauvage, SACI Bible, Évang. St Marc, I, 6.
   On ne vit ni d'air ni d'amour, LA FONT. Fianc..
   Je vis de bonne soupe, et non de beau langage, MOL. Femm. sav. II, 7.
   Le roi a très bien dormi ; il a grand'faim, et est bien las de ne vivre que de bouillons, DANGEAU I, 420, 23 nov. 1686.
   Parmi des tas de blé vivre de seigle et d'orge, BOILEAU Sat. VIII.
   Sa nourriture était simple ; il vivait comme les soldats, pour leur donner l'exemple de la sobriété et de la patience, FÉN. Tél. XVII.
   Les Tartares de l'Asie et les Patagons de l'Amérique vivent également de la chair de leurs chevaux, BUFF. Suppl. à l'hist. nat. t. XI, p. 130.
   Il [Sommanocodom] vivait avec un grain de riz par jour ; il arracha un de ses yeux pour le donner à un pauvre auquel il n'avait rien à donner, RAYNAL Hist. phil. IV, 13.
   Familièrement. Il vit de rien, il mange très peu, il dépense très peu pour sa nourriture.
   La bouche pleine, osez-vous bien Chanter l'amour qui vit de rien ?, BÉRANG. Gourmands..
   Fig.
   Je me renferme avec eux, et je vis de sentiments, de douleurs, et de chagrins, MAINTENON Lett. à l'abbé Gobelin, 1674, t. II, p. 11.
   La riche fiction est le charme des vers ; Nous vivons du mensonge, L. RAC. Relig. ch. IV.
   Vivre de régime, suivre un régime, vivre avec beaucoup de règle pour cause de santé.
   Il vivait de régime et mangeait à ses heures, LA FONT. Fabl. VII, 4.
   Vivre à table d'hôte, manger habituellement à une table commune où chacun paye tant par repas.
   Ils vivent en commun, se dit de plusieurs personnes qui n'ont qu'une table tenue à frais communs.
   Vivre sur soi-même, se dit d'une personne d'embonpoint, qui mange peu, et qui semble se sustenter de sa propre substance.
   Fig.
   Nous sommes dans un profond silence.... dans un entier éloignement de toute sorte de nouvelles, et vivant enfin sur nos réflexions, SÉV. 12 mai 1680.
   Fig. Vivre de sa réputation, vivre sur sa réputation, garder son crédit, son influence non par ce qu'on fait, mais par le souvenir de ce qu'on a fait.
   Nous vivons [nous Français] encore un peu de notre ancienne réputation littéraire ; mais cette vie précaire ne durera pas longtemps, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 20 nov. 1772.
10°   Se procurer les moyens de vivre, de se soutenir. Vivre de son travail. Vivre de ses revenus.
   Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute, LA FONT. Fabl. I, 2.
   Il est juste que ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel, PASC. Prov. VI.
   Au lieu que ce devrait être de l'argent pour vivre, c'est de l'argent pour avoir vécu, SÉV. 339.
   Ces malheureux [les gredins du Parnasse] cherchent à penser pour vivre, et moi je n'ai vécu que pour penser, VOLT. Lett. Panckoucke, 13 févr. 1769.
   La basse littérature cherche toujours à tout empoisonner ; elle ne vit que de ce métier, VOLT. Lett. Lebrun, 9 décemb. 1760.
   Il faut bien que je vive, disait l'abbé Desfontaines à un ministre d'Etat ; le ministre eut beau lui dire qu'il n'en voyait pas la nécessité ; Desfontaines vécut, VOLT. Lett. Albergati, 23 déc. 1760.
   Avoir de quoi vivre, posséder un revenu suffisant pour la manière dont on vit.
   Non, morbleu, il n'y aura plus moyen de vivre avec moi ; car je n'aurai bientôt plus de quoi vivre, DANCOURT Maison de camp. sc. 14.
   En mauvaise part, vivre d'industrie, vivre par des moyens peu honorables.
   Vivre de ménage, vivre avec économie, et fig. par plaisanterie, vendre ses meubles pour subsister.
   Martine : Un homme.... qui me vend pièce à pièce tout ce qui est dans le logis ! - Sganarelle : C'est vivre de ménage, MOL. Méd. m. lui, I, 1.
   Vivre au jour le jour, au jour la journée, vivre avec ce qu'on gagne chaque jour.
   Fig. Vivre au jour le jour, vivre sans prévoyance, sans s'inquiéter du lendemain.
   Fig. Il vit de la grâce de Dieu, se dit d'un homme à qui on ne connaît aucune ressource pour subsister. Il se dit aussi d'un homme qui mange très peu, et à peine assez pour se soutenir.
   Fig. Vivre d'espérance, vivre dans l'attente de quelque bien, et se soutenir par cette attente.
10°   Terme d'administration militaire. Se procurer les aliments nécessaires à une armée.
   Il [le marquis de Resnel] prétend qu'on n'a pas de quoi vivre une campagne, si l'on n'a en divers magasins de quoi en vivre deux, PELLISSON Lett. hist. t. II, p. 204.
   Ce jour-là même, il [Napoléon] interpella hautement un administrateur par ces mots remarquables : Pour vous, monsieur, songez à nous faire vivre ici [Vitepsk] ; car, ajouta-t-il à haute voix, nous ne ferons pas la folie de Charles XII, SÉGUR Hist. de Nap. v, 1.
   Nos longs et lourds convois auraient appesanti notre marche ; il était plus à propos de vivre du pays, SÉGUR ib. III, 2.
   Vivre à discrétion, se dit des soldats qui se font traiter à leur gré par les habitants du pays envahi.
11°   Se dit par rapport à la dépense que l'on fait, à l'état que l'on tient. Vivre splendidement, honorablement, noblement, grandement, largement. Vivre en prince, en grand seigneur. Vivre misérablement, mesquinement, petitement.
   Je sais que la vengeance Est un morceau de roi ; car vous vivez en dieux, LA FONT. Fabl. X, 12.
   Vivre noblement, vivre d'une façon qui ne déroge en rien à la noblesse (locution qui vieillit).
   Que dites-vous tous les jours vous-mêmes de ceux qui lui ressemblent ? un tel vit noblement ; il mange son bien avec honneur, MASS. Carême, Mauv. riche..
   Vivre noblement, vivre en gentilhomme, vivre sans rien faire.
   Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme, Sans rien faire, LA FONT. Fabl. III, 2.
12°   Mener une certaine existence, un genre de vie quelconque. Vivre dans le célibat, dans le mariage. Vivre dans la joie, dans la tristesse. Il vit content.
   Les prêtres et les religieux, zélés et infatigables pasteurs de ce troupeau affligé, qui vivaient en Angleterre pauvres, errants, travestis, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Si je n'ai pas vécu la compagne d'Achille, RAC. Iphig. v, 2.
   Je vis dans une retraite profonde auprès de la dame la plus estimable du siècle présent, et avec les livres du siècle passé, VOLT. Lett. au pr. roy. de Pr. 27 mai 1737.
   Les hommes éclairés, qui sont en grand nombre, gémissent tout bas en Italie ; le reste vit dans les plaisirs et l'ignorance ; le bas peuple, dans la superstition, VOLT. Moeurs, 140.
   Vivre paix et aise, passer sa vie tranquillement dans l'abondance (locution vieillie).
   Il faut laisser chacun vivre à sa mode, que chacun règle sa vie comme il l'entend.
   On dit de même : Chacun vit à sa mode.
13°   Être en contact, en commerce habituel.
   Ah ! mon enfant, qu'il est aisé de vivre avec moi !, SÉV. 6 nov. 1680.
   La condition des comédiens était infâme chez les Romains, et honorable chez les Grecs ; qu'est-elle chez nous ? on pense d'eux comme les Romains, et on vit avec eux comme les Grecs, LA BRUY. XII.
   Il [Charlemagne] aimait à vivre avec les gens de sa cour, MONTESQ. Esp. XXXI, 18.
   Le maréchal de Vivonne, connu par son esprit et par son amitié pour Despréaux, allait souvent chez Molière, et vivait avec lui comme Lelius avec Térence, VOLT. Vie de Molière..
   Pythagore, qui régnait sur tout le corps [de ses disciples] avec la tendresse d'un père, mais avec l'autorité d'un monarque, vivait avec eux comme avec ses amis ; il les soignait dans leurs maladies, et les consolait dans leurs peines, BARTHÉL. Anach. ch. 75.
   Vivre avec les vivants, se conformer aux moeurs, aux usages.
   Il faut solliciter, il faut se familiariser, il faut vivre avec les vivants, SÉV. 555.
   Quand je fais autrement, ce n'est pas ma faute ; je sais bien qu'il faut vivre avec les vivants, CARMONTELLE Prov. les Braconniers, sc. 2.
   Vivre avec soi-même, vivre dans la retraite, sans communication avec le monde.
   Il faut être bien avec ceux avec qui l'on vit, et bien avec soi quand on vit avec soi, FONTEN. Ressons..
   Vivre bien, vivre mal avec quelqu'un, être en bonne, en mauvaise intelligence avec lui.
   Quoiqu'elle vécût parfaitement bien avec lui, il n'était pas entièrement heureux, LA FAY. Princ. Clèves, Oeuv. compl. t. II, p. 34, dans POUGENS..
   Vivre bien avec quelqu'un, signifie aussi se comporter à son égard convenablement, décemment, ne pas manquer aux égards de convenance.
   Je désire, madame, dit le roi, que vous viviez bien avec Mme de Montespan, GENLIS Mme de Maintenon, t. I, p. 32, dans POUGENS.
   La Fare [amant de Mme de la Sablière] était l'ami du marquis de la Sablière, qui vécut toujours bien avec sa femme, GENLIS ib. t. I, p. 151.
   On dit dans le sens contraire : vivre mal avec quelqu'un. Ce jeune homme vit mal avec ses parents.
   Cet homme est aisé, commode à vivre, il est d'un commerce facile, on vit facilement avec lui.
   Dans le sens contraire : C'est un homme difficile à vivre.
   On ne saurait vivre avec cet homme, il est d'une humeur à laquelle on ne saurait s'accommoder.
14°   Se conduire d'une certaine manière par rapport aux moeurs, à la religion. Vivre saintement. Vivre mal.
   Ma fille, c'est ainsi que l'on vit à Paris, RÉGNIER Sat. XIII.
   On les voit [les vrais dévots], pour tous soins, se mêler de bien vivre, MOL. Tart. I, 6.
   Votre fille ne vit pas comme il faut qu'une femme vive, MOL. G. Dandin, I, 4.
   Et je me vis contrainte à demeurer d'accord Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort, MOL. Mis. III, 4.
   Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu, et au contraire, PASC. Pens. XXIV, 27.
   Je ne vous rapporterai que l'exemple d'une femme qui, pratiquant tous les jours la dévotion des images de la Vierge, vécut toute sa vie en péché mortel.... et qui ne laissa pas d'être sauvée par le mérite de cette dévotion, PASC. Prov. IX..
   C'est avoir envie de vivre chrétiennement avec la fortune, que de lui pardonner la conduite qu'elle a eue avec vous, SÉV. à Bussy, 26 août 1688.
   Je vis enfin comment meurt un chrétien qui a bien vécu, FLÉCH. Duc de Montaus..
   Je ne suis pas peureuse de mon naturel : qui vit bien ne craint rien, MARIV. Pays. parv. 3e part..
   Nous ne commençons à vivre moralement que quand nous commençons à ordonner nos pensées, à les tourner vers un certain avenir, et à prendre une espèce de consistance, BUFF. Hist. nat. hom. t. IV, p. 424.
15°   Se conformer aux usages du monde.
   Ils [les faux dévots] sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme, MOL. Tart. Préface.
   Nous fûmes ensuite chez Mme Colbert, qui est extrêmement civile, et sait très bien vivre, SÉV. 12 janv. 1674.
   Il est vrai que ces messieurs, qui savaient mieux vivre que lui [Ménage], raccommodaient tout, faisant signe qu'ils se garderaient bien d'accepter les offres qu'on leur faisait, Anti-Menagiana, p. 66.
   Hélas ! on n'a plus rien à craindre ! Les vices n'ont plus de censeurs ; Le monde n'est rempli que de lâches flatteurs : Savoir vivre, c'est savoir feindre, DESHOUL. t. I, p. 133.
   Oh ! monsieur, il sait trop bien vivre pour en user si familièrement avec vous, LESAGE Crispin rival de son maître, 7.
   Il faut prendre le parti de la vérité ; mais faut-il blesser pour cela l'humanité ? faut-il renoncer à savoir vivre, parce qu'on se flatte de savoir écrire ?, VOLT. Mél. litt. sur la satire..
   Congédie honnêtement cet homme estimable et grossier, qui sait donner et qui ne sait pas vivre, VOLT. Écoss. II, 5.
   Je le verrai, madame, je sais vivre, et l'on peut se fier à moi sur l'article des procédés, MARMONTEL Contes mor. Quatre flacons..
   Apprendre à vivre, enseigner comment il faut se conformer aux usages du monde.
   Faut-il que la jeunesse Apprenne maintenant à vivre à la vieillesse ?, REGNARD le Distr. IV, 2.
   Tu es un gentilhomme français si zélé pour la politesse de ton pays, que tu es venu exprès à Londres pour l'y enseigner publiquement, et pour apprendre à vivre à toute l'Angleterre, BOISSY Français à Lond. I.
   Familièrement. Je lui apprendrai à vivre, je lui apprendrai à agir plus convenablement ; je le corrigerai, je le punirai de sa faute.
   Il faut apprendre à vivre à ce sexe volage, MOL. le Dép. IV, 2.
   Et qu'enfin, si quelqu'un parlait mal de Teutatès, il lui apprendrait à vivre, VOLT. Zadig, 12.
   Apprendre à vivre, acquérir la connaissance des usages du monde.
   Le savoir-vivre, voy. savoir-vivre.
16°   Fig. Avoir une seconde vie, demeurer dans le souvenir, dans l'affection, en parlant des personnes.
   ....oui, j'aime mieux, n'en déplaise à la gloire, Vivre au monde deux jours que mille ans dans l'histoire, MOL. Princ. d'Él. I, 2.
   Il [Alexandre] vit dans la bouche de tous les hommes, sans que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis tant de siècles, BOSSUET la Vallière..
   Ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire, BOSSUET Louis de Bourbon..
   Si l'espoir de régner et de vivre en mon coeur Peut de son infortune adoucir la rigueur, RAC. Bérén. III, 1.
   Quel homme d'État osera se répondre de vivre dans l'histoire, quand on voit des médailles de plusieurs rois dont les noms ne se trouvent dans aucun historien ?, DUCLOS Consid. moeurs, 5.
   Combien d'années Caton a-t-il vécu ? Caton vit encore, il s'adresse à nous, il s'adresse à nos neveux, il a laissé le modèle impérissable de l'homme vertueux, SÉNÈQUE dans DIDER. Claude et Nér. II, 34.
   Il se dit des choses dans le même sens.
   Ce cantique portera contre eux un témoignage, qui vivra dans la bouche de leurs enfants sans qu'il puisse jamais être effacé, SACI Bible, Deutéron. XXXI, 21.
   Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée Flatte encor leur valeur, et vit dans leur pensée ?, RAC. Bajaz. I, 1.
   Et qu'à jamais mon nom vive dans leur mémoire, RAC. Esth. III, 7.
   Leurs usages, leurs lois, leurs noms vivent encore, DELILLE Én. v..
   Cet ouvrage vivra, il passera à la postérité.
   Les mauvais ouvrages ne vivent pas longtemps, ils tombent bientôt dans l'oubli.
17°   Vive, vivent, expression qu'on emploie pour indiquer qu'on souhaite longue vie et prospérité à quelqu'un.
   Vive le roi ! Il s'élève un grand bruit, et mille cris confus Ne laissent discerner que Vive Héraclius !, CORN. Héracl. v, 7.
   Le temps vient, dit le Seigneur, qu'on ne dira plus à l'avenir : Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de l'Égypte ; mais Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'aquilon, SACI Bible, Jérémie, XVI, 15.
   Le sage dit selon les gens : Vive le roi ! Vive la ligue !, LA FONT. Fabl. II, 5.
   Au moment où il arriva à l'Académie, il trouva plus de deux mille personnes dans la cour du Louvre, qui criaient en battant des mains : Vive M. de Voltaire !, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 1 juil. 1778.
   Les soldats prenaient le pas de course ; les tambours battaient la charge ; l'air retentissait des cris mille et mille fois répétés : En avant ! en avant ! Vive la république !, GÉNÉRAL FOY Guerre de la Péninsule, I.
   Par extension. Vive le roi, cri de ralliement des royalistes.
   On dit de même : Vivent les braves !
   Vive la liberté ! ma main brise vos fers, VOLT. M. de Cés. III, 7.
   Vive le vainqueur, disent leurs habitants à l'exemple des Italiens, passant et repassant d'un joug à l'autre dans une seule campagne, RAYNAL Hist. phil. XIV, 48.
   Il se dit familièrement pour marquer qu'on estime quelqu'un, qu'on fait grand cas de quelque chose.
   Vive le vin ! Vivent les sots pour donner de l'esprit !, LA FONT. Comm. l'espr..
   Vivent les provinces pour les manières ; on se pique à Paris d'un petit air aisé, qui est la grossièreté même, DESTOUCHES Fausse Agnès, I, 7.
   Vivent les grands esprits pour former les grands coeurs !, PIRON Métrom. v, 2.
   Malgré tout le jargon de la philosophie, Malgré tous les chagrins, ma foi, vive la vie !, GRESS. Sidney, III, 5.
   Où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir ; et vive la joie !, BEAUMARCH. Barb. de Sév. III, 5.
   Substantivement. Un vive-la-joie, un homme joyeux, sans souci.
   Vive Dieu ! sorte d'affirmation tirée de l'Écriture sainte.
   Vive Dieu ! ah ! j'ai pitié de votre aveuglement : je veux ôter de dessus votre dos ce fardeau qui vous accable, et mettre devant vos yeux cette vérité qui vous éclaire, BOSSUET Sermons, Vaines excus. des péch. 2.
   Si je les rencontre demain, vive Dieu ! ils verront ce qui leur arrivera, LESAGE Gil Blas, v, 1.
18°   Qui vive ? voy. qui-vive.
   Vivre se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
19°   Il s'emploie quelquefois activement, avec le mot vie ou un nom de temps pour régime.
   Cette distance infinie que vos crimes avaient mise entre le Seigneur et vous, et que des siècles de pénitence, quand vous les auriez vécus, n'auraient pu remplir eux-mêmes, MASS. Confér. Jubilé..
   Beaucoup n'auront vécu leur vie chétive...., É. LITTRÉ Revue de la philosophie positive, t. IV, p. 319.
20°   Le vivre, l'état d'être en vie.
   Ô douce volupté, sans qui dès notre enfance Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux, LA FONT. Psyché, II, p. 215.
   En sorte que [suivant les casuistes] le simple vivre est plus malaisé que le bien vivre [la bonne conduite], PASC. Prov. IX..
   Manière de vivre.
   Je pense, quant à moi, que cet homme fut ivre, Qui changea le premier l'usage de son vivre, Et, rangeant sous ses lois les hommes écartés, Bâtit premièrement et villes et cités, RÉGNIER Sat. VI.
   On est nourri, vêtu, logé bien mieux qu'on ne l'était, et les moeurs s'améliorent avec le vivre physique, P. L. COUR. Lett. VI.
   Donner aux soldats pour le bien vivre, se disait d'une certaine somme qu'on donnait aux soldats dans les garnisons, pour les obliger à ne rien exiger de leurs hôtes au delà de ce que prescrivaient les ordonnances.
21°   Vivre s'est dit pour usage du monde.
   Oh ! madame, M. le chevalier sait trop bien son vivre, DANCOURT le Chevalier à la mode, III, 6.
PROVERBES
   On ne sait qui meurt ni qui vit, il faut mettre ses affaires, sa conscience en ordre, pour être préparé à la mort.
   Qui vit à compte, il vit à honte.
   Qui plus vit, plus a à souffrir.
   Qui a honte de manger, a honte de vivre.
   Assez jeûne qui pauvrement vit.
   Item il faut vivre, la nécessité de pourvoir à sa subsistance fait faire bien des choses qu'on ne ferait pas autrement et qu'on doit excuser.
   S'il vit, il aura de l'âge, se dit pour exprimer qu'un enfant, un jeune homme avec l'âge acquerra de l'expérience.
   Il faut que tout le monde vive, il faut permettre à chacun de pourvoir à son existence, à ses goûts.
   Ceux qui ont des organes grossiers cherchent des plaisirs où l'âme n'entre pour rien ; et ceux qui ont un sentiment plus délicat, veulent des plaisirs plus fins ; il faut que tout le monde vive, VOLT. Rem. Pens. Pascal, 58.
   Le prêtre vit de l'autel, se dit quand on veut faire entendre que chacun vit de son métier.
   Suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger, MOL. Avare, III, 5.
   Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas, se dit pour se moquer des enfants trop précoces, d'après cette opinion que la précocité est un danger.
   Quand ils ont tant d'esprit, les enfants vivent peu, C. DELAV. Enfants d'Édouard, I, 2.
   1. Il faut dire : les années qu'il a vécu, et non qu'il a vécues. En effet années n'est pas complément direct de vivre ; mais il faut entendre les années pendant lesquelles il a vécu. Ainsi vivre un long temps, c'est vivre pendant longtemps.
   2. Dans le XVIIe siècle, l'usage et les grammairiens n'étaient pas fixés sur la forme du prétérit : je vécus ou je véquis, et de l'imparfait du subjonctif : je vécusse ou je véquisse.
   La corruption de la raison parait par tant de différentes et extravagantes moeurs ; il a fallu que la vérité soit venue, afin que l'homme ne véquît plus en soi-même, PASC. Pens. XXV, 90, éd. HAVET..
   Jamais prince ne véquit si bien dans son domestique, FLÉCH. Hist. Théodose, IV, 80.
   Ce fameux conquérant, ce vaillant Sésostris, Qui jadis en Égypte, au gré des destinées, Véquit de si longues années, N'a vécu qu'un jour à Paris, RAC. Épigr. sur le Sésostris de Longepierre.
Aujourd'hui on ne dit plus que : je vécus, je vécusse.
   3. À la première personne du présent de l'indicatif, Malherbe a dit : je vi au lieu de je vis.
   Le peu qu'ils ont vécu leur fut grand avantage, Et le trop que je vi ne me fait que dommage, MALH. I, 4.
C'est un archaïsme ; dans l'ancien français les premières personnes de ce temps, aux verbes où l's n'est point au radical, ne prenaient point d's. Cet archaïsme doit être admis quand la rime l'exige.
   XIe s.
   E s'il ne volt [veut], ou s'il ne vist...., Lois de Guill. 45.
   Quant tu es mors, dolur est que je vif, Ch. de Rol. CXLIX.
   XIIe s.
   Se Deu plaist et je vif, je vous metrai à mal, Ronc. p. 193.
   Bien [je] cuidai vivre sans amour Dès ore en pais tout mon aé [âge], Couci, III.
   Puis fu morte la dame, ne vesqui que six ans, Sax. v.
   Gardez bien ces messages [ces messagers] ; car lor vivres ert cors [sera court], ib. XXVII.
   Li bieneurous Job viscat entre les felons, Job, p. 441.
   XIIIe s.
   Ne vivoit que de pain et d'eve au samedi, Berte, LIX.
   Tout aussi com d'un enfant qui, quant on le trouve de bon engien, si dist on que il ne vivra mie long tans, Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 725.
   Ce est par une tel nature que tozjors li maindres [le moindre] est viande dou graignor [du plus grand] ; et ainsi li uns vit de l'autre, BRUN. LATINI Trésor, p. 183.
   L'amor des freres est aussi comme amor de compaignons, por ce que il sont vesqu et norri ensemble, BRUN. LATINI ib. p. 314.
   Povreté fait homme despire Et haïr et vivre à martire, Et tolt au sage neis [même] le sen, la Rose, 8026.
   Si sai ge bien certainement Que, se loial amor ne ment, Se vous vivez et je morroie, Tousjors en vostre coeur vivroie, ib. 8182.
   Le prelat qui le corone, et toz les autres dient en latin par trois fois : Vive le roi en bone prosperité, Ass. de Jér. I, 30.
   La maniere de leur vivre estoit tele ; car il ne mangoient point de pain, et vivoient de char et de let, JOINV. 264.
   Les orges, et les ris, et tout ce de quoy en peut vivre, JOINV. 216.
   Le comte de Bretaingne a pis fait au roy que nul homme qui vive, JOINV. 203.
   XIVe s.
   Et dit li uns à l'autre à la fois et souvent : Vive ce Bertran, vive, qui regne tellement !, Guesclin. 18073.
   XVe s.
   Nous n'avons qu'un petit vivre, FROISS. Espinette amour..
   Donc dirent ils que ils vouloient que il vesquisist, car il estoit trop durement bel, FROISS. II, III, 27.
   Il faut, qui veut vivre en ce monde et avoir honneur, avoir du bien et du mal, FROISS. II, II, 218.
   Aussi en y a maint de ceauls [ceux] Qui gourmandent, boivent, manguent Sans faim, sans soif, si se tuent, Et veulent vivre pour mangier, Non manger pour vie allongier, E. DESCH. Poésies mss. f° 473.
   En pillant et robbant nostre pauvre peuple, se vivent sur iceluy en degastant leurs biens, et font plusieurs autres grans dommaiges, maulx et excès, MONSTREL. t. I, ch. 106, p. 176, dans LACURNE.
   Lyonnel mon cousin vit, ce m'est advis, d'amours ; car il ne luy souvient de manger, Perceforest, t. II, f° 97.
   [Louis XI] en sa jeunesse, et vivant le roy Charles septiesme son pere, se y vint retirer, COMM. v, 9.
   XVIe s.
   Les artisans vivans de leurs bras, AMYOT Solon, 60.
   Il vescut toute sa vie en très estroitte pauvreté, AMYOT Arist. 1.
   Ainsi vescut il, comme Nestor, presque trois aages d'homme, AMYOT Caton, 31.
   Encore la laissa il [Athènes] libre, franche et vivante à ses loix, AMYOT Sylla et Lysand. 10.
   Nous vivons, mon Belleau, une vie sans vie, RONS. 815.
   L'homme ne vit pas tant de l'air tiré des cieux, De pain, de vin, de feu...., RONS. 904.
   Assez sçait qui vivre sçait, GÉNIN. Récréat. t. II, p. 234.
   Je veux mal aux destins dont les loix adversaires M'ont si tard fait sentir vostre aimable rigueur ; Le tans vescu devant ne m'estoit que langueur, DESPORTES Cléonice, LXVIII.
   Il vesquit jusques à la la mort, en despit des envieux, RAB. Garg. 1, 21.
   Nul ne vit plus desordonnément, que celui qui vit à soy, et ne pense qu'à son profit, CALV. Instit. 313.
   C'estoit ores, c'estoit qu'à moy je devois vivre, Sans vouloir estre plus que cela que je suis, DU BELLAY VI, 13, recto..
   Mais il n'a pleu aux dieux me permettre de suivre Ma jeune liberté, ny faire que depuis Je vesquisse aussi france de travaux et d'ennuis...., DU BELLAY VI, 13, recto..
   Leur vivre solitaire, DU BELLAY VI, 35, recto..
   Tout oeuvre qui doit vivre, il a dès sa naissance Un daemon qui le guide à l'immortalité, DU BELLAY VI, 38, verso..
   L'homme est né pour une meilleure fin que pour vivre, c'est pour bien vivre, LANOUE 116.
   Ils [les vaudois] vesquirent sans persecution sous les ducs de Savoye, D'AUB. Hist. I, 68.
   La belle moitié de leur vie, ils [Annibal et Scipion] la vescurent de la gloire acquise en leur jeunesse, MONT. I, 408.
   J'ay vescu en assez bonne compaignie pour n'ignorer pas..., MONT. I, 52.
   Le longtemps vivre, MONT. 84.
   Cicero disoit que, quand il vivroit la vie de deux hommes..., MONT. I, 179.
   Adorant un Dieu qui vesquit aultrefois homme, MONT. II, 336.
   Vive liberté, LA BOÉTIE Servit. volont..
   Prov. viure, vieure ; catal. viurer ; esp. vivir ; portug. viver ; ital. vivere ; du latin vivere ; comparez le grec vie ; le gaél. beo, vivant ; kimry, byw, vivant ; sanscr. jiv, vivre. Le wallon dit viké ; au XIIe siècle on trouve une forme viscat.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. VIVRE. Ajoutez :
23°   Le long vivre, l'action de vivre longtemps.
   C'est un malheur du trop long vivre, CHATEAUBR. Mém. d'outre-tombe, éd. de Bruxelles, t. VI, M. Thiers..
————————
vivre 2.
(vi-vr') s. m.
   Nourriture.
   Cent fleuves épars Qui dispersaient le vivre aux gens de toutes parts, RÉGNIER Épît. I.
   Il fit tant, de pieds et de dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?, LA FONT. Fabl. VII, 3.
   La loi, qui n'accorde que le simple vivre aux banqueroutiers, et non pas de quoi subsister avec honneur, PASC. Prov. XII.
   Une chose folle, et qui découvre bien notre petitesse, c'est l'assujettissement aux modes, quand on l'étend à ce qui concerne le goût, le vivre, la santé et la conscience, LA BRUY. XIII.
   La solitude lui a préparé [à l'oiseau] le vivre et le couvert, CHATEAUBR. Génie, I, v, 7.
   Au plur. Toutes les choses qui servent à la nourriture. Les vivres sont fort chers, et le vin est hors de prix.
   On donnait à ces sauvages des bonnets rouges, des grains de verre, des épingles, des couteaux, des sonnettes, et ils donnaient de l'or et des vivres, RAYNAL Hist. phil. VI, 6.
   Ces vivres consistaient en un gros pain de seigle, un petit fromage, un morceau de lard et deux ou trois livres de boeuf ; ma mère y avait ajouté une douzaine de pommes, MARMONTEL Mém. 1.
   Il [l'empereur] sentait bien qu'il ne pouvait ôter ni reprocher à ses soldats ce fruit de tant de travaux [butin qu'ils emportaient de Moscou dans des chariots] ; d'ailleurs les vivres cachaient le butin ; et lui qui ne pouvait pas donner aux siens les subsistances qu'il leur devait..., SÉGUR Hist. de Nap. IX, 1.
   Quand l'armée passa ce fleuve [Vistule], elle reçut l'ordre de prendre, sans s'arrêter, pour vingt-cinq jours de vivres, mais de ne s'en servir qu'au delà du Niémen, SÉGUR ib. III, 2.
   Couper les vivres, intercepter les approvisionnements d'une armée, d'une ville, etc.
   Memnon voulait qu'on leur disputât [aux Grecs] tous les passages, qu'on leur coupât les vivres, BOSSUET Hist. III, 5.
   Fig. Couper les vivres, supprimer l'envoi d'une pension alimentaire.
   En termes de marine, provision des choses nécessaires à la nourriture de l'équipage d'un navire ou des équipages d'une flotte.
   Vivres de campagne, les vivres composés de viandes salées ou en daube, de légumes secs et de biscuit.
   Entreprise de la fourniture du pain et de la viande pour les armées. Faire fortune dans les vivres. L'administration des vivres. Les vivres-pain. Les vivres-viande.
   XIIe s.
   Clere e de dete e d'el [d'autre chose] aurunt e curt e lei, E tuit cil qui d'aumosne unt e vivre e conrei, Th. le mart. 62.
   XIIIe s.
   L'enfant... deit aveir son vivre convenablement de son fié, Ass. de Jér. I, 261.
   Li creanciers li doit livrer [au débiteur incarcéré] son vivre, BEAUMANOIR L, 7.
   XIVe s.
   Car des vivres [ils] avoient plus qu'on n'aloit pensant, Guesclin. 1928.
   XVe s.
   Allons, allons, on se doit aventurer pour son vivre, FROISS. II, II, 66.
   À la charge de tel portion de quint et vivre naturel [pension alimentaire], DU CANGE victus..
   XVIe s.
   En toutes choses... la mutation est à craindre, la mutation des saisons, des vivres, des humeurs, MONT. I, 339.
   Vivre 1.
————————
vivre 3.
(vi-vr') s. f.
Terme de blason. Serpent tortueux.
   Le même que guivre (voy. ce mot).

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • vivre — I. Vivre, Viuere, Peruiuere, AEtatem agere, siue degere, Auras viþtales carpere, Vitam agere, agitare, colere, incolere, degere, ducere, tolerare, Animam trahere, Esse in vita, Inter homiþnes agere, Ducere spiritum, Frui, Vita frui, Communi… …   Thresor de la langue françoyse

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