boucher

boucher
boucher 1.
(bou-ché) v. a.
   Fermer une ouverture, un passage. Des chariots bouchaient le passage. Le conduit était bouché par une pierre. On boucha les fenêtres. Boucher les jours, les vues d'une maison, en murer les fenêtres.
   Boucher la vue, l'intercepter, l'empêcher. Ces arbres nous bouchent la vue.
   Fermer avec un bouchon, avec un tampon. Boucher une fente. En bouchant le trou avec le pouce. Le procédé pour boucher les bouteilles de vin de Champagne. Le Nil bouche avec son limon les interstices de la terre.
   Se boucher le nez, se garantir contre une odeur forte ou délétère.
   Se boucher les yeux, les oreilles, ne vouloir point voir, entendre.
   Et se bouchant l'oreille au récit de ses vers, RÉGNIER Sat. II.
   La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier, MALH. VI, 18.
   Je fermerai les yeux, je boucherai mes oreilles, DESC. Médit. 3.
   L'opéra toujours Fait bruit et merveilles ; On y voit les sourds Boucher leurs oreilles, BÉRANG. Musique..
   Fig. et familièrement. Boucher un trou, payer une dette.
   Terme de doreur. Boucher d'or moulu, réparer les ouvrages d'or qui ont quelque petit défaut après avoir été brunis.
   Se boucher, v. réfl. Se fermer. La voie par où les eaux s'écoulaient s'est tout à fait bouchée.
   XIIIe s.
   Et puis reclost l'en la porte et la boucha l'en bien, aussi comme l'en naye [noie, jette à l'eau] un tonnel, JOINV. 210.
   Assez près de Damiete trouvames un flum qui issoit de la grant riviere ; et fut acordé que l'ost sejourna un jour pour boucher ledit braz, JOINV. 219.
   Dont je vis un Coremyn [Chorasmien] qui fu des gens l'empereour de Perse, qui nous gardoit en la prison, que, quant il ouvroit son sac, nous nous bouchions, que nous ne povions durer pour la puneisie [puanteur] qui issoit du sac, JOINV. 265.
   XIVe s.
   Il saigna tant de sanc, bouchier ne pout sa plaie, Girart de Ross. 4661.
   XVe s.
   Sa cheminée il [l'avare] boschoit, Craignant perdre la fumée, BASSELIN XLIV.
   Avoit la premiere les oreilles bouciées tant estroitement que à nulle rien fors qu'à propre affection ne voloit doner ascout, G. CHASTEL. Expos. s. verité mal prise..
   Icelle femme dist que son mari estoit en ung lieu appelé les Arceiz, où il bouchoit son blé [mettait en gerbe], DU CANGE bouchellus..
   XVIe s.
   Alors le grand pontife tire la patiente toute bouchée [voilée] hors de la littiere, AMYOT Numa, 18.
   Il n'y a d'autre difference entre cecy et cela, sinon que le corps qui fait ces tenebres est plus grand que mon manteau qui te bouche les yeux, AMYOT Péric. 67.
   Un caveau, lequel n'a porte ny demie, sinon une grosse pierre dont on bousche l'entrée, AMYOT Philop. 33.
   Ménage tire ce mot du grec, mais on n'a aucun intermédiaire qui justifie l'introduction directe de ce mot grec dans le langage vulgaire. Diez, se reportant à bouchon, dit que ce mot est l'équivalent du provençal bocon, et de l'italien boccone, qui signifient bouchée (ancien français boucon) ; de là boucher, avec le sens de ce qui remplit la bouche, et, en particulier, la bouche de la bouteille. C'est avec raison que Diez rapproche boucher de bouchon ; mais est-ce bien à bocon, boccone qu'il faut rapporter bouchon ? L'orthographe boscher, boucier, bouscher n'y conduit guère ; le sens de mettre en botte que boucher a dans un de nos exemples n'y conduit pas non plus. Boucher ne peut venir de bouchon : l'un et l'autre supposent un substantif bouche, masculin ou féminin, qui voudra dire ce qui obture et ce qui fait gerbe ou botte ; substantif qui existe réellement, comme on le voit dans cet exemple du XVe siècle : Confessent iceulx habitans dovoir au dit prieur, pour cause du disme de toutes leurs chanves qui est de dix bouches [gerbes], ung bouchot, DU CANGE, boteronus. Or un pareil substantif ne peut pas être rapporté à bouche, ouverture placée au visage ; mais il appartiendra sans peine (car il est le primitif de bouchon de cabaret, voy. bouchon 2) à un radical qui se trouve dans bois, dans bosquet, dans bouquet, dans bûche, et qui, signifiant bois ou morceau de bois, aura facilement le double sens de tampon ou de bouchon, sorte de faisceau. En définitive, l'étymologie reste indécise entre deux conjectures : 1° bouche, ouverture dans la face ; bouchée, ce qui emplit la bouche ; d'où boucher, obturer ; à quoi on objectera que, historiquement, ni bouchée n'a jamais eu le sens de ce qui obture, ni boucher celui de mettre en bouche (ce qui, si on l'avait trouvé, aiderait grandement cette étymologie), ni le provençal bocon et l'italien boccone celui de bouchon (ce qui aiderait l'assimilation, en montrant que bocon et boccone sont les mêmes que le français bouchon){{}}; <<2° bouche, faisceau de paille, de javelle, de branchage, d'où bouchon de cabaret, ce qui s'applique sans difficulté à tout ce qui bouche, obture.
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boucher 2.
(bou-ché ; l'r ne se lie jamais ; au pluriel l's se lie : des bouchers enrichis, dites : des bou-ché-z enrichis) s. m.
Celui qui tue les bestiaux, les débite, et en vend la chair crue.
   Garçon boucher, celui qui aide le boucher dans son travail.
   Fig. C'est un boucher, se dit d'un homme cruel, ou d'un chirurgien inhabile et maladroit, et encore d'un général prodigue de sang.
   C'est un rire de boucher, il ne passe pas le noeud de la gorge, se dit de quelqu'un qui témoigne à l'extérieur qu'il est content, quoiqu'en effet il ne le soit pas trop. Locution qui vient de ce que les bouchers tiennent leurs couteaux à leur bouche, ce qui leur fait montrer les dents et faire une contorsion de lèvres imitant le ris.
   XIIIe s.
   Et un cotel qui souef tranche Con ce fust cotel à bochier, Ren. 15977.
   Li bochier d'Orliens prennent sor chascune beste six deniers, et metent en une boete, à defendre cels de lor borc contre autres genz, Liv. de just. 7.
   Parce que noz veismes qu'il estoit tués d'un seul coup de mail ou de machue, noz preismes un boucier, li quix avoit soupé la nuit devant aveques li, BEAUMANOIR XL, 20.
   Quant les bouchiers et les autres homes de l'ost et les femmes qui vendoient les danrées oïrent ce, il leverent le cri en l'ost, JOINV. 233.
   XIVe s.
   Olivier de Clisson par la bataille va ; Il tenoit un martel qu'à ses deux mains porta ; Tout ainsi qu'un bouchier, abati et versa, Guesclin. 6135.
   Que les peres l'avoient creé non pas consul pour gouverner, mes bouchier pour tourmenter et murdrir le peuple, BERCHEURE f° 48, recto..
   XVe s.
   Et l'appelloit on le boucher, pource que, à besongnes où il estoit contre les Anglois, il en prenoit peu à rançon, JUVÉNAL Charles VI, 1407.
   Chier filz, c'est pour vous reprouchier Que n'avez pas cuer de bouchier, Mir. de Ste Geneviève.
   Provenç. bochier ; catal. botxi ; ital. beccaio, beccaro. Une analogie apparente semble d'abord indiquer bouche comme primitif de boucher ; mais l'italien beccaio s'y oppose. Remarquant que becco en italien signifie bouc, et que la forme française et la forme provençale peuvent être sans peine rattachées à bouc, on acceptera cette étymologie qui, indiquée avant Raynouard, a été établie par lui. Le boucher est proprement le tueur de boucs (la partie pour le tout). Ainsi, pour le mot boucherie, à côté de bocaria, le provençal avait brecaria, qui, venant de berbix, signifie proprement la tuerie de brebis (encore la partie pour le tout). Bien qu'il semble très étrange que le boucher ait été nommé d'après le bouc ou le chevreau, cependant, étymologiquement, il n'y a aucun moyen d'écarter l'italien beccaio, ni de rapporter le provençal bochier et le français boucher à bouche.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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